Fini le Sud. Depuis ce matin, Thomas Coville navigue de nouveau au nord de l’Equateur. Il est parti depuis 41 jours et 14 heures. Il grimpe vers le Nord et vers l’arrivée de sa tentative de record de vitesse du tour du monde en solitaire et en multicoque.

Le skipper de Sodebo Ultim’ apprécie d’être en avance même si l’objectif premier reste de finir. Et c’est parce qu’il connaît bien l’Atlantique Nord en cette saison qu’il sait que la gestion de la dernière semaine de ce tour du monde s’annonce dure, physique et engagée. L’homme et le bateau sont fatigués et usés. Aujourd’hui, Thomas Coville connaît une partie de l’histoire. La pression est devant lui.

Ce midi, il nous a raconté son job d’athlète qui consiste à faire avancer son bateau, non stop depuis plus de 40 jours. Il met des mots sur la pression, le mental, le moral, la gestion de ce sport mécanique, sur ses craintes qui l’accompagnent pour ce dernier tronçon jusque Ouessant.

Le passage de l’Equateur

« J’ai passé l’Equateur cette nuit à 5 heures du matin votre heure. C’est un passage toujours délicat. A l’aller, j’ai été extrêmement chanceux et je suis passé comme une fleur. Cette nuit, ça été plus difficile. Je n’ai pas dormi car il y avait beaucoup de grains très actifs avec de grosses averses et des zones de calme. J’ai trouvé la bonne configuration de voiles sur Sodebo Ultim’. Et je me suis fait plaisir à jouer dans les grains. Il y avait un peu de lune. J’apprécie la navigation de nuit.
Alors que le pot au noir est un endroit anxiogène, je me suis fait plaisir dans ces dernières 24 heures. J’étais au reaching, avec des sensations de glisse pure. J’ai même réussi à prendre une douche sous les grains. »

La fin d’un Atlantique Sud éprouvant

« Ce basculement dans l’hémisphère nord cela signifie pour moi la fin de la remontée de l’Atlantique Sud qui a été dure et éprouvante. Ce n’est pas le fait de rentrer vers la maison. Nos bateaux ont l’avantage d’allonger, c’était le cas dans l’Indien et le Pacifique. Sur cet Atlantique Sud qui a été très changeant, je suis passé de l’hiver à l’été, de très peu de vent à beaucoup de vent. Jusqu’à 50 nœuds au large de l’Uruguay. »

Un vrai job d’athlète

« Avec les 50 nœuds au large de l’Uruguay et les calmes du petit temps avec beaucoup d’empannages, il a fallu se démener. Un vrai job d’athlète ! C’est au-delà du pilotage et de la stratégie, il faut mouliner sur les winchs et porter des voiles qui sont très lourdes. C’est vraiment un engagement physique.
Quand j’ai viré de bord au niveau de Rio pour pointer les étraves de Sodebo vers le nord, c’était symboliquement la fin du petit temps. J’ai voulu tout de suite aller de nouveau vite et me mettre dans cette situation mentale. Tout cela ne laisse pas beaucoup de repos. Le seul repos est dans la gestion quotidienne de bien s’hydrater, de se nourrir et de dormir quand on peut. Il va falloir que je gère la fatigue car j’ai un gros tronçon qui m’attend devant et que je vais devoir gérer. »

Sur le qui-vive pour affronter le dernier tronçon

« La remontée dans l’alizé va être virile et très difficile avec une houle de face. Plus tu avances et plus tu approches du but, plus tu oublies l’avance et plus tu es conscient de la fragilité liée à la météo et aux avaries intérieures et extérieures. Je me sens plus dans cet état d’esprit, avec cette pression d’être sur le qui-vive, plutôt que dans la projection de l’arrivée. Devant il y a des vents de 45 nœuds avec une grosse dépression hivernale qu’il va falloir gérer. Jusqu’à l’arrivée je serai dans la gestion de l’instant. »

Gestion du bonhomme et du bateau

« Je vois bien que le bateau commence à avoir de l’usure. Le challenge c’est d’anticiper et bien maintenir le matériel. C’est ma responsabilité. La météo sur la fin de parcours sera virile. Il va falloir tenir et gérer de la grosse mer et du vent fort. Ma dernière angoisse, c’est le côté physique. J’ai été malade dans l’Océan Indien avec une grosse infection au genou que j’ai réussi à palier avec des antibiotiques. Avec la fatigue, tu peux te blesser. Après 40 jours où tu tires sur ton physique, tu as peur que ça lâche avec la fatigue. Après 40 jours, les manœuvres sont plus dures. A un moment donné, tu as peur de la blessure, de la tendinite. Tout cela tient aussi au mental. C’est cette partie qui fera sûrement la différence à la fin. »

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