Nouveau chrono au Cap Leeuwin
Quatrième semaine en mer et troisième chrono pour Thomas Coville qui tente actuellement de battre le record de vitesse à la voile en solitaire autour du monde.
Le skipper du trimaran Sodebo Ultim’ enregistre depuis le départ de Brest des moyennes spectaculaires pour un solitaire. Et le voilà qui signe aujourd’hui un nouveau temps de référence entre Ouessant et le Cap Leeuwin – la pointe Sud Ouest de l’Australie qu’il a atteint à 17h59 (heure française) en 21 jours 3 heures 9 min et 8s à 24,9 nœuds de moyenne.
Entre Ouessant et le Cap Leeuwin, Thomas Coville sur Sodebo Ultim’ aura mis 1 jours
12 heures 19 min de moins que Francis Joyon sur Idec en 2007.
« Sur la cartographie de mon écran d’ordinateur, je n’ai pas l’impression de me déplacer très vite. » déclarait Thomas Coville en début d’après-midi. Vue de l’extérieur, on dirait le contraire !
Parti de Brest le dimanche 6 novembre, Sodebo Utim’ a dévalé l’Atlantique nord en moins de 6 jours pour franchir l’Equateur le 11 novembre. Thomas Coville a ensuite négocié l’Atlantique sud et ses pièges pour doubler le Cap de Bonne Espérance 9 jours plus tard. C’était le 20 novembre dernier et il y a seulement une semaine.
Aujourd’hui dimanche 28 novembre, Sodebo Ultim’ en finit presque avec l’Océan Indien. Il est passé à 17h59 heures (heure française) au sud du Cap Leeuwin. Ce cap est le deuxième des trois grands caps de ce tour du monde à la voile et le dernier Cap avant le Cap Horn.
Seulement 21 jours de mer et Sodebo Ultim’ est déjà positionné entre l’Antarctique et le continent australien en route vers la fameuse traversée de l’Océan Pacifique dont le point d’entrée est la Tasmanie. Les routages indiquent un passage mardi 29 novembre dans la matinée.
« Je ne vois pas grand-chose, pour ne pas dire rien. C’est ambiance hiver dans un brouillard permanent. Depuis cinq jours, j’ai vu une éclaircie, sinon il fait très gris, il pleut tout le temps. Il fait environ entre 1-0° degrés, soit -5° en ressenti. Je ne peux plus manœuvrer sur le pont sans gants. Ils sont souvent mouillés, alors j’alterne entre deux paires. Il faut tout protéger notamment les doigts et le nez pour ne pas qu’ils gèlent.
Dans ce froid, chaque manœuvre est difficile et très engageante. Dès que tu fais le moindre mouvement, tu es en sueur. Je suis rincé après chaque manœuvres avec le besoin de manger et de boire. Malgré ces conditions extrêmes, je suis content car ça ne se passe pas trop mal et on a une belle avance. C’est le tronçon où Francis avait été fort. C’est une bonne chose d’aller plus vite. Ça veut dire qu’on a bien travaillé avec Jean-Luc (ndlr Nélias – le routeur de Sodebo Ultim’). Ça signifie aussi qu’on est presque à la moitié et qu’on est bientôt sur le retour. »
Une voile qui a failli passer à l’eau
« On était de nuit, le bateau allait très vite – filait à 25-30 nœuds – et j’allais changer une voile de 140kg, soit deux fois mon poids. J’étais en train de l’affaler quand une des écoutes en descendant est tombée dans l’eau. Avec la vitesse du bateau, la voile était attirée et commençait à aller dans l’eau. J’ai réagi très vite et à temps pour la retenir. Je me suis même brulé les mains pour éviter qu’elle tombe à l’eau. J’ai réussi à ressortir la voile et l’écoute. Ça m’a pris 1h45 d’effort. J’étais rincé. Ça s’est bien fini, je suis rentré tout transpirant et à la fois gelé. »
L’Indien, c’est fait pour les oiseaux pas pour les hommes
Sur ce tour du monde, la zone la plus dure, c’était il y a quelques jours quand j’étais dans des creux de 7-8m : j’avais l’impression que le bateau était petit et moi tout petit. L’indien c’est le pire endroit de la planète. A chaque fois je me dis que ce n’est pas fait pour les hommes, c’est fait pour les oiseaux. »
« Quand j’ai couru le Vendée Globe (NDLR en 2000), à ce niveau j’avais eu des soucis, avec une luxation du pouce. Après la course, je suis allé le voir en vrai à l’occasion d’un voyage. Il m’avait fait souffrir et je voulais le voir. Pareil pour la Tasmanie, j’y suis allé. Ce sont des endroits qui m’ont fait le plus fantasmer.
L’indien, tu ne vois rien, c’est le désert
« Je ne cherche pas à me faire mal, j’aime à aller au bout des sensations mais les conditions physiques sont difficiles. Pour faire le tour de la planète par ces trois caps, il faut passer par-là. Comme tu ne vois rien, c’est très troublant, on a l’impression d’un grand vide. L’Indien, c’est le désert, c’est comme si tu demandes à un touareg de te décrire une dune ou un caillou.
Là, c’est engagé car on doit fournir un pari météorologique. C’est très engagé mentalement. Je prends un énorme plaisir, dans la compétition, dans la glisse, dans la sensation de faire quelque chose hors du commun. Ça prend les tripes. »