De pointage en pointage, la césure se fait de plus en plus nette. D’un côté, les leaders qui déboulent à grande vitesse dans les alizés, le long des côtes brésiliennes. De l’autre, un paquet qui s’est fait engluer dans le Pot au Noir et peine à s’en extraire. Toujours aux commandes de la flotte, Alex Thomson maintient à distance la meute lancée à ses trousses. Onze jours après le départ des Sables d’Olonne, le rythme reste extrêmement élevé. Il va falloir tenir le rythme sous peine de se faire décrocher…

« Qui sera le premier à lever le pied ? » Joint ce midi en vacation, Alex Thomson (Hugo Boss) a posé la question qui est au cœur des préoccupations des leaders. Si le skipper britannique n’est pas du genre à mollir, il ne faut pas non plus compter sur ses poursuivants pour lâcher prise. Ce serait mal connaître Armel Le Cléac’h (Banque Populaire VIII), Sébastien Josse (Edmond de Rothschild), Vincent Riou (PRB) et les autres…

A la poursuite du lièvre britannique

Les bateaux de tête déboulent à près de vingt nœuds de moyenne (464 milles en 24h pour Alex Thomson, 431 milles pour son dauphin Armel Le Cléac’h). Après le passage toujours délicat du Pot au Noir, les éclaireurs peuvent savourer la navigation dans les alizés et prendre du plaisir à renouer avec les hautes vitesses dans un vent régulier et chaud. Mais cette navigation dans les alizés n’est pas confortable pour autant, loin de là. Première difficulté, la chaleur écrasante, limite supportable en pleine journée. Le fait de naviguer si rapidement demande par ailleurs beaucoup d’attention et génère de la fatigue, comme l’expliquait ce midi Sébastien Josse : « La mer n’est pas un billard, le bateau ricoche. A bord, on a du mal à se déplacer. Quand les bateaux dépassent 18-19 nœuds, à bord c’est invivable. C’est bruyant, ça secoue, c’est humide. Cette nuit je n’ai pas pu dormir car il y avait de la houle de face. Tant pis, je me reposerai plus tard… »

Comme l’explique Great Circle, le partenaire météo du Vendée Globe, la question se pose maintenant d’optimiser la trajectoire pour se placer à l’Est de la dépression située au large du Brésil ce 19 novembre. Le vent va tourner progressivement au Nord dans les deux jours qui viennent, en se renforçant, et les trajectoires vont s’incurver vers le Sud-Est. Les stratégies se dessinent. Alex Thomson et Armel Le Cléac’h optent pour une route plus à l’Ouest que Sébastien Josse qui choisit de « couper » par l’Est. Vincent Riou et Paul Meilhat (SMA), eux, sont sur une route médiane. On retrouve là un dilemme bien connu dans la course au large : aller vite en faisant plus de route, ou alors choisir une route plus courte en allant un peu moins vite…

A plus long terme, l’enjeu sera de glisser entre l’Anticyclone de Sainte Hélène et la zone d’exclusion des glaces. Si tout se goupille bien, les premiers pourraient franchir le cap de Bonne Espérance dans 8 jours.

Douze skippers dans l’hémisphère Sud

Derrière, les écarts se creusent. Yann Eliès, 8e, pointait à 15h à 389 milles du leader. « Je trouve un peu sévère le fait de compter autant de milles de retard sur la tête de flotte. Ce serait 100 de moins, ça irait mieux ! », déplore le skipper de Quéguiner-Leucémie Espoir. Onze skippers naviguent ce soir en Atlantique Sud, et bientôt douze car, à 15h, Kito de Pavant était tout proche de la ligne de démarcation entre les deux hémisphères. Un passage toujours symbolique, y compris pour les plus expérimentés, comme Jean-Pierre Dick qui l’a franchi à 5h53 ce jeudi matin. « Passer l’équateur, cela signifie que nous sommes dans la partie Sud du globe, pour un mois et demi. Il y a un côté un peu légende. J’aime l’Atlantique Sud, j’aime le côté régulier, les mers chaudes. Tous ces pays devant lesquels on passe me font rêver : l’Argentine, le Brésil, l’Uruguay… »

Bien d’autres concurrents n’ont pas encore connu cette joie. Le Pot au Noir a fait office de péage car il s’est étendu vers le Sud et a entrainé un regroupement en seconde partie de flotte. A 15h, onze concurrents, d’Arnaud Boissières (15e) à Alan Roura (25e), se tenaient en un peu plus de 200 milles. Ils vont encore devoir batailler avec les alternances de grains, d’orages et de calmes. La patience est de rigueur.

Toujours 26e, Enda O’Coineen (Kilcullen Voyager-Team Ireland) s’approche du Pot au Noir. Sébastien Destremau (TechnoFirst-faceOcean) navigue dans un flux d’Est/Nord Est assez faible. Conditions molles également pour Didac Costa (One Planet One Ocean) qui va prochainement croiser Tanguy de Lamotte (Initiatives-Cœur) qui, en bon marin, ramène son bateau aux Sables d’Olonne.

Ils ont dit :

Sébastien Josse (Edmond de Rothschild) :

« Nous n’avons pas encore rencontré des conditions démentielles. Pour le moment, nous sommes plus sur un rythme de transatlantique que de Vendée Globe. Personne ne veut lâcher, mais avec le mauvais temps, notre manière de gérer la course va évoluer. La première grosse dépression remettra les pendules à l’heure. »

Jean-Pierre Dick (StMichel-Virbac) :

« Le point positif, c’est que mon bateau est en bon état. Côté négatif, j’ai été un peu largué par les premiers. Les conditions ont toujours été favorables à ceux de devant, j’espère que la tendance va s’inverser et que je vais pouvoir exprimer pleinement le potentiel de StMichel-Virbac. »

Armel Le Cléac’h (Banque Populaire VIII) :

« Le vent est rentré depuis quelques heures. Je navigue entre 21 et 23 nœuds. Il ne faut pas traîner pour ne pas rater le train pour descendre à Bonne Espérance rapidement. J’essaye de me reposer mais il fait vraiment chaud, ce n’est pas très agréable. Dès que le jour tombe, je fais des siestes. Alex (Thomson) va vite. Il attaque. La route est longue et je fais la mienne sans me soucier de ses moyennes. Je me cale sur le potentiel de mon bateau. »

Alan Roura (La Fabrique) :

« Avec les chaleurs qu’il fait en ce moment je suis en nage tout le temps. Sinon, le bateau marche bien, il est sain, fiable. Je fais une trajectoire assez propre. Ça serait vraiment top de recoller le peloton des bateaux de devant. J’attaque tout le temps donc il faut aussi savoir se reposer et se faire plaisir. Je passe donc pas mal de temps dehors à regarder la mer, à écouter de la musique. »

Source

Articles connexes