Contraint de se dérouter vers Mindelo (Cap-Vert) suite à une avarie en tête de mât, Tanguy de Lamotte a fait un point sur sa situation cet après-midi. Vu l’étendue des dégâts, le skipper d’Initiatives Coeur semblait très sceptique sur sa capacité à poursuivre la course. Les 28 autres marins du Vendée Globe sont bien en mer. Le Pot-au-Noir étire la flotte et si les premiers touchent un alizé plus soutenu leur permettant d’accélérer, les poursuivants sentent le ralentissement… Toujours leader, Alex Thomson (Hugo Boss) devrait couper l’équateur vers 21h ce mardi.

Tanguy de Lamotte sceptique quant à ses chances de repartir…

Joint cet après-midi depuis le PC Course parisien du Vendée Globe, Tanguy de Lamotte (Initiatives Cœur) a fait le point sur sa situation, quatre jours après son avarie de tête de mât. Voilà ce qu’il nous confiait après être monté en haut de son mât : « Je ne suis pas complétement novice en matière de composite et de ce que j’ai pu voir, ce n’est pas rassurant. Réparer cela en mer est impossible. Il faut vraiment ne pas prendre de risque pour partir dans les mers du Sud. Je n’ai fait que 2000 milles et il en reste 20 000… Ce n’est pas la même situation qu’Yves Parlier qui avait réparé son mât en Nouvelle-Zélande (lors du Vendée Globe 2000-2001, ndr). Pour lui, il était aussi long d’aller dans un sens que dans l’autre. Je suis assez partagé sur l’envie de rester en course et l’envie de ne pas prendre de risques. Et c’est probablement l’envie de ne pas prendre de risques qui va l’emporter… J’aimerais bien dire que je vais continuer mais il faut rester sage et prendre la bonne décision. » Affaire à suivre, donc…

Les leaders s’échappent, l’hémisphère Sud en ligne de mire

La course continue pour les 28 autres concurrents du huitième Vendée Globe. Alex Thomson capitalise sur l’avance acquise dans le Pot au Noir, qu’il a traversé comme une fleur… Le skipper britannique pourrait franchir l’équateur et ainsi basculer dans l’hémisphère sud dans la soirée, aux alentours de 21h (heure française). Alex devrait au passage améliorer de plus d’une journée le temps de référence à l’équateur détenu depuis 2004 par Jean Le Cam (en 10 jours et 11 heures et 28 minutes). De quoi réjouir le skipper d’Hugo Boss : « Je pense que cette traversée du Pot au Noir a été la plus facile de ma carrière. Normalement, les riches s’enrichissent à ce stade. Comme je suis plus au Sud que les autres, je vais toucher le vent fort avant mes poursuivants. D’après les routages, je devrais m’approcher du cap de Bonne Espérance dans une dizaine de jours. »

Derrière, Vincent Riou (PRB) et Armel Le Cléac’h (Banque Populaire VIII) naviguent à vue, comme en attestent les vidéos du bord envoyées ce jour. Le tout après plus de neuf jours de course et près de 3000 milles parcourus… Ils sont attendus à l’équateur entre 1 et 2 heures du matin.

L’écart est également infime entre Sébastien Josse (Edmond de Rothschild) et Paul Meilhat (SMA), respectivement 4e et 5e. Le Vendée Globe prend plus que jamais des allures de régate planétaire. « Ce début de course ressemble à du Figaro », commente Yann Eliès, toujours calé à la 8e place. « Mais pas un vrai Figaro car d’habitude je suis devant ! Ça sera du Figaro quand je serai devant mon pote Beyou. Mais il n’est pas loin, je le vois. On est tous assez proches les uns des autres. Cela participe à l’excitation de ces premiers jours. Mais on commence à voir que les écarts se distendent. »
Les huit premiers vont pouvoir profiter de conditions plus stables et naviguer plusieurs jours de suite vers le sud avec un vent soutenu en bâbord amures. Dormir, ranger le bateau, prendre une douche… Ces moments seront sans nul doute appréciés. Se posera ensuite la question de l’endroit où il faudra mettre le clignotant à gauche pour faire route vers le Sud du Cap de Bonne Espérance. Tout dépendra de la position de l’anticyclone de Sainte Hélène.

La flotte s’étire…

Le groupe des poursuivants se démène encore dans les grains et les calmes du Pot au Noir. La queue de flotte ne sera pas épargnée comme l’explique Great Circle, le partenaire météo du huitième Vendée Globe : « Pour les derniers, une zone orageuse avec peu de vent se développe mercredi 16 entre le Cap-Vert et les Canaries. C’est ce que l’on appelle une « onde d’est ». Cette onde se déplacera ensuite vers l’Ouest à partir de jeudi. »
Au pointage de 15h ce mardi, Arnaud Boissières, 15e et donc calé en milieu de tableau, accusait un retard de 536 milles. C’est grosso modo l’équivalent d’une journée et demi de mer.
Les écarts devraient donc encore se distendre entre les premiers qui vont cavaler dans les alizés et les derniers qui vont subir des zones de calme.
Tous les concurrents ont désormais dépassé la latitude du Cap-Vert, à l’exception de l’Irlandais Enda O’Coineen, qui passe entre les îles, de Sébastien Destremau (qui devrait faire de même) et de Didac Costa qui lui fait route vers les Canaries…

Ils ont dit :

Eric Bellion (CommeUnSeulHomme) :

« C’est ma troisième sortie en solitaire et là c’est une grosse sortie ! Je me sens seul, mais ce n’est pas comme à terre. Je suis avec mon bateau, je m’occupe 24h/24. On n’a pas un moment de libre, ou s’il y en a, je prends 20 minutes pour lire un bouquin ou dormir. Hier, j’ai bricolé de 8h à 19h30. J’ai alors regardé la mer pour la première fois en m’offrant l’apéro en attendant la lune. Dans le Vendée Globe, la solitude est pleine… »

Fabrice Amedeo (Newrest-Matmut) :

« Je suis compétiteur, mais à mon niveau, je ne me compare pas à ceux de devant. J’essaye de me bagarrer avec le paquet auquel j’appartiens, les bateaux d’ancienne génération. Je suis très heureux d’être en mer. Je me sens bien sur ce Vendée Globe. Je me suis préparé psychologiquement à passer beaucoup de temps sur l’eau. Trois mois ce n’est pas rien, je prends les jours les uns après les autres. Je profite de chaque heure passée sur l’eau. C’est vraiment un grand bonheur. »

Romain Attanasio (Famille Mary-Etamine du Lys) :

« Le Pot au Noir est une zone compliquée mais j’ai hâte d’y être. Cela marquera la fin d’un premier tronçon du parcours. C’est Catherine Chabaud qui m’a donné le bon conseil de fonctionner par tronçons. Cette course est tellement vertigineuse que l’imaginer dans sa globalité est impossible. J’ai eu un petit coup de blues dimanche. Je n’avais pas très bien dormi, je me sentais seul, il faisait gris, j’étais barbouillé. Mais je me suis vite ressaisi : je fais quand même le Vendée Globe, c’est une chance incroyable… »

Conrad Colman (Foresight Natural Energy) :

« Cela va être difficile pour moi après le Pot au Noir. Si tout se passe bien dans cette zone, je pourrais garder une avance sur le groupe de poursuivants. Mais si nous sortons du Pot au Noir au reaching (vent de travers, ndr), je pourrais perdre des milles. Sinon, j’ai une fuite dans le système hydraulique de la quille. Mais à part cela, tout va bien. »

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