Jérémie Beyou est prêt à s’élancer
Après une semaine de coupure, passée aux Sables d’Olonne avec ses proches, Jérémie Beyou va peu à peu rentrer dans son Vendée Globe, concentré sur la météo, sur son physique et sur la solitude qui l’attend pendant les trois mois à venir. Sommeil, alimentation, avitaillement, le skipper de l’IMOCA 60’ Maître CoQ n’a rien laissé au hasard. Et ils sont nombreux à croire en lui…
De l’effervescence à la solitude
Présent depuis mi-octobre aux Sables d’Olonne, Jérémie Beyou s’apprête à vivre une dernière semaine pendant laquelle l’effervescence autour de la course, en même temps, que la pression, va monter crescendo. Pour avoir déjà vécu deux départs, le skipper de Maître CoQ sait très bien à quoi s’attendre et il s’est préparé en conséquence, puisqu’il a prévu de rentrer peu à peu dans sa bulle pour être fin prêt dimanche 6 novembre lorsque sera donné le départ de la huitième édition du Vendée Globe. D’un coup, il passera alors de centaine de milliers de personnes autour de lui à une solitude qui sera son quotidien pendant près de trois mois. « Je n’ai pas l’appréhension de la solitude sur la durée, même si je n’ai jamais passé autant de temps seul, explique-t-il. L’appréhension vient plus des tous premiers jours de course. Je suis conscient qu’après les trois semaines de pause aux Sables, il faut tout de suite être dans le match, bien gérer l’entame du Vendée Globe qui est très importante. Donc je suis vraiment concentré sur les premiers gestes, les premières manœuvres, les premiers choix tactiques, je suis focalisé sur le rythme que je vais mettre d’entrée. La durée, ça viendra tout seul. »
De l’importance du sommeil et de l’alimentation
Jérémie Beyou le reconnaît aisément : en mode compétition, il a du mal à se résoudre à dormir et à s’alimenter régulièrement. « Un bilan établi en 2014 avec Virginie Auffret, la nutritionniste qui me suit, a montré que je me mettais facilement en carence parce que j’étais happé par la compétition. Or, se priver des éléments essentiels nutritifs induit des pertes de performances mentales et physiques, je ne peux pas me le permettre sur le Vendée Globe », commente le skipper de Maître CoQ. Du coup, plutôt que de le forcer à manger, ce qu’il aura par exemple sans doute du mal à faire lors des premiers jours de course, sa nutritionniste lui a préconisé des produits de compensation pour éviter qu’il se retrouve « à la rue ». Cela va de compléments alimentaires à des pâtes de fruits en passant par des noisettes ou des gels nutritifs qu’il a facilement à portée de main dans le cockpit ou à la table à cartes. « J’aime bien avoir un plat de lasagnes pour tenir les 24-36 premières heures », explique aussi Jérémie qui, lors des premiers jours, aura également à disposition des fruits frais.
Après quoi, il passera à une alimentation plus régulière, à raison de trois sacs quotidiens minutieusement préparés en amont avec son équipe. « J’emmène 85 jours de nourriture, j’ai essayé de faire light, il n’y a rien de superflu, hormis la petite bouteille de champagne Castelnau pour l’équateur et le Cap Horn, et le rôti de chapon aux cèpes Maître CoQ pour les fêtes… » Côté sommeil, pas vraiment de règle, si ce n’est de dormir environ 5 heures par 24 heures, souvent par tranches de 20 minutes, la plupart du temps face à la table à cartes dans le siège spécialement conçu pour lui pour ce Vendée Globe. Dans ce domaine, le skipper de Maître CoQ a appris à s’auto-gérer et n’éprouve pas le besoin d’avoir une minuterie ou une alarme.
Dans la valise de Jérémie
Chasse au poids oblige, Jérémie Beyou n’emmène à bord que ce qui est strictement nécessaire. Une trousse médicale et un sac de survie d’une dizaine de kilos chacun, un sac de sécurité de 25 kilos, 65 kilos de matériel de spare (rechange), avec notamment deux hydro-générateurs, un dessalinisateur, deux bouteilles de camping gaz et un pilote automatique. Les deux sacs de vêtements pèsent 30 kilos en tout, comprenant une centaine de produits adaptés à toutes les conditions qu’il rencontrera au cours de son tour du monde. Rien d’autre dans la valise ? Le skipper de Maître CoQ, peu superstitieux, n’est pas du genre « grigris », il a cependant fait une petite entorse à la règle pour ce Vendée Globe : « En octobre, je suis allé dans la classe de CM1 de mon deuxième garçon, Jacques, ils m’ont fait un magnifique cahier relié dans lequel ils ont collé des dessins, si bien que je l’ai embarqué, j’aurai plaisir à regarder tous les dessins quand je serai en mer. »
TOUS DERRIERE JEREMIE
Avant le départ du Vendée Globe, Jérémie Beyou, sportif accompli et lui-même fan de sport, a reçu le soutien de champions qui, chacun dans leur domaine, partagent avec lui le goût de la performance :
Jérôme Fernandez (quadruple champion du monde et double champion olympique de handball, ambassadeur du Championnat du monde 2017) :
« Je respecte énormément ce que font les marins comme Jérémie, parce que partir tout seul pendant trois mois sur un bateau au milieu de nulle part, c’est juste l’opposé de ce que je vis ! Il faut à mon avis avoir un état d’esprit particulier pour s’attaquer à une épreuve telle que le Vendée Globe et je considère que c’est un réel exploit de faire un tour du monde seul. Même s’ils sont préparés, que leurs bateaux sont réfléchis et solides, et qu’ils laissent le moins de place possible à l’aléatoire, ils ne sont jamais à l’abri d’une mauvaise surprise. Je souhaite bonne route à Jérémie, qu’il se régale dans son parcours, et j’espère que l’équipe de France de hand gagnera les matchs jusqu’à la finale (le 29 janvier), de façon à le booster pour rentrer le plus vite possible. Si ça peut le motiver au milieu des océans pour arriver à temps pour la finale, ce serait super ! »
Stéphane Mifsud (recordman du monde d’apnée statique) :
« Je me sens très proche de Jérémie, qui est le parrain de mon bateau. Nous sommes l’un comme l’autre très humbles vis-à-vis des éléments. Quand je pars en grandes profondeurs, je sais que je suis toléré par la mer, lui a le même discours avec les océans. Nos métiers se ressemblent, avec un côté dangereux mais tellement merveilleux et envoûtant que ça donne envie de partir. J’aimerais que sur ce Vendée Globe, Jérémie vise plus que le podium. La solution, il l’a en lui. Parfois, quand je me retrouve tout seul en apnée face au chrono, je me dis : « Mais qu’est-ce que je fais là ? » Lui va sans doute se dire ça à un moment donné, parce que c’est dur, mais dans pareil cas, il faudra qu’il se dise qu’il est l’élu, que plein de gens croient en lui et que s’il est à cette place, c’est que personne n’est mieux placé que lui. »
Julien Ingrassia (copilote de Sébastien Ogier – Volkswagen Polo R WRC -, quadruple champion du monde des rallyes) :
« Au moment où tous les efforts de ma saison de rallye sont récompensés par un quatrième titre de champion du monde, Jérémie s’élance les poings serrés et le regard déterminé dans « son » Vendée Globe. Et au moment où il posera enfin les pieds à terre, le rallye Monte-Carlo et ses routes verglacées me tendront les bras. A la vue de nos agendas ça a donc été un véritable tour de force de réussir à passer une journée à bord de l’IMOCA 60’ Maître CoQ en septembre ! Ça a surtout été un grand honneur et une expérience fabuleuse pour moi ! Bonne chance à Jérémie pour cette aventure hors du commun ! P.S. : Je lui aurais bien laissé un disque dur avec quelques-unes de nos caméras embarquées pour lui faire passer le temps au milieu du Pacifique, mais j’ai peur que ça lui donne… le mal de mer ! »