Le Vendée Globe des extrêmes
Des concurrents venus de dix pays et âgés de 23 à 66 ans, des bateaux mis à l’eau entre 1998 et 2015, des budgets allant de 1 à 10, des temps de parcours probablement très différents… Si le Vendée Globe a toujours réuni sur la même ligne de départ des solitaires aux objectifs divers, des aventuriers et des régatiers planétaires, le plateau de cette huitième édition semble particulièrement éclectique, tant au niveau des hommes que des machines.
De tout temps, le Vendée Globe a regroupé des marins plus ou moins expérimentés et des bateaux aux performances diverses. Et il n’a pas fallu attendre l’arrivée des IMOCA à foils pour constater d’importants écarts de vitesse. Dès la première édition du Vendée Globe, en 1989-1990, il y avait un gouffre entre l’Ecureuil Aquitaine II de Titouan Lamazou et le Cacharel (ex Pen Duick III) de Jean-François Coste. Cela s’est ressenti au niveau des temps de parcours : Titouan Lamazou a remporté l’épreuve en 109 jours, Jean-François Coste a fermé la marche deux mois plus tard, après 163 jours de mer…
Lors des six éditions suivantes, les disparités de profils des marins et de performances des machines ont contribué au charme et à la richesse de l’épreuve. Pour différentes raisons, la huitième édition qui s’élancera dans tout juste dix jours, le 6 novembre, semble pousser encore plus loin cet éclectisme. « Ce Vendée Globe réunit un plateau complétement disparate. Les profils des marins sont très variés, les différentiels de vitesse sont énormes entre les bateaux. Le spectre est beaucoup plus ouvert qu’il ne l’était auparavant. C’est le Vendée Globe des extrêmes », résume Jean Le Cam, un marin qui n’a pas manqué une édition depuis 2004.
43 ans d’écart entre le benjamin et le doyen…
Premier constat : le Vendée Globe 2016-2017 regroupe le plus jeune concurrent de l’histoire et le plus âgé. D’un côté, le Suisse Alan Roura, 23 ans ; de l’autre, l’Américain Rich Wilson, 66 ans. A titre de comparaison, il y a quatre ans le benjamin de l’épreuve était Louis Burton (27 ans) et le doyen Dominique Wavre (57 ans).
Le jour de l’ouverture du Village du Vendée Globe aux Sables d’Olonne, le 15 octobre dernier, Alan Roura et Rich Wilson ont fait connaissance et ainsi constaté que, malgré leurs 43 ans d’écart, ils partagent une même passion pour la mer, une même approche de la course au large en solitaire, et du Vendée Globe en particulier. A noter que dans ce huitième Vendée Globe, deux concurrents ont moins de 30 ans : Alan Roura, donc, mais aussi Morgan Lagravière (29 ans). Quatre ont plus de 60 ans : Nandor Fa, Pieter Heerema, Enda O’Coineen et Rich Wilson. La moyenne d’âge des 29 participants étant de 44 ans.
Bizuths et circumnavigateurs aguerris
Au-delà de l’âge, la différence d’expérience entre les candidats est saisissante. Certains ont déjà bouclé plusieurs tours du monde en solitaire quand d’autres n’ont pas encore passé plus de quelques semaines seul en mer. Pas moins de cinq skippers vont prendre le départ du Vendée Globe pour la quatrième fois : Bertrand de Broc, Jean-Pierre Dick, Jean Le Cam, Vincent Riou et Alex Thomson. Six partent pour la troisième fois, et quatre pour la deuxième fois. Les quatorze autres inscrits sont des bizuths du Vendée Globe…
« Environ dix concurrents viennent pour la gagne, d’autres s’engagent en mode aventuriers, dont certains que je ne connais pas encore bien. Mais c’est sympa que de tels projets trouvent leur place dans le Vendée Globe, c’est aussi ce qui fait la beauté de notre sport », analyse Armel Le Cléac’h. « Avant, dans le Vendée Globe, il y avait environ 50 % de projets compétitifs et 50 % de marins venant avant tout pour terminer. Cette fois, le ratio penche vers la deuxième catégorie. Je ne sais pas si c’est une bonne chose ou pas mais en tout cas c’est une différence par rapport aux éditions précédentes », indique Vincent Riou, seul ancien vainqueur au départ cette année.
Un plateau plus international que jamais
La variété des profils est aussi renforcée par les origines géographiques des 29 prétendants. Pas moins de dix nationalités sont représentées, dont quatre pour la première fois : la Nouvelle-Zélande (avec Conrad Colman), les Pays-Bas (avec Pieter Heerema), l’Irlande (avec Enda O’Coineen) et le Japon (avec Kojiro Shiraishi, le premier Asiatique au départ). Jamais un tour du monde en solitaire et sans escale n’avait réuni un plateau si international. « Cette édition regroupe des personnages qui auront des histoires très différentes à raconter pendant trois mois », se réjouit Kito de Pavant. Non seulement les histoires seront diverses, mais elles s’exporteront aux quatre coins de la planète…
Des bateaux lancés entre 1998 et 2015
Sébastien Destremau revendique de partir avec un budget « microscopique » de 350 000 euros, quand les plus grosses écuries disposent d’au moins dix fois plus… Logiquement, chaque participant s’engage avec une monture adaptée à ses finances. Certes, les 29 IMOCA amarrés aux Sables d’Olonne affichent tous une longueur de 18,28 mètres (60 pieds). Mais en arpentant le ponton de Port-Olona, les visiteurs un minimum aguerris remarquent d’emblée que les disparités sont immenses. A quelques mètres d’intervalle, de vénérables bateaux ayant des histoires fortes côtoient des « machines de guerre » flambant neuves. Les bateaux les plus anciens ont été lancés en 1998 : il s’agit du Famille Mary-Etamine du Lys de Romain Attanasio (l’ex Whirlpool de Catherine Chabaud) et du TechnoFirst-faceOcean de Sébastien Destremau (l’ancien Gartmore de Josh Hall). Les autres bateaux « vintage », mis à l’eau en 2000, sont La Fabrique d’Alan Roura (ex Superbigou de Bernard Stamm) et One Planet One Ocean de Didac Costa (ex Kingfisher d’Ellen MacArthur). Didac Costa qui a pour voisins de ponton SMA (le bateau tenant du titre du Vendée Globe désormais entre les mains de Paul Meilhat) et Hugo Boss (un IMOCA à foils de dernière génération lancé en 2015 pour Alex Thomson). Cinq autres bateaux ont été mis à l’eau l’an dernier : StMichel-Virbac (Jean-Pierre Dick), Banque Populaire VIII (Armel Le Cléac’h), Safran (Morgan Lagravière), No Way Back (Pieter Heerema) et Edmond de Rothschild (Sébastien Josse). Leurs carènes surpuissantes, leurs cockpits ultra étudiés et protégés et bien sûr leurs fameux foils tranchent avec les machines les plus anciennes.
Il n’y a bien sûr pas qu’au port que les différences sont criantes. « En termes de performances, à certaines allures, le contraste est saisissant entre les foilers et les bateaux plus anciens. Lors du convoyage entre Lorient et les Sables d’Olonne, nous avons dépassé La Fabrique qui naviguait à 13 nœuds quand nous filions nous à 24 nœuds ! », raconte Jérémie Beyou qui dispose lui aussi d’un bateau à foils.
En 2013, François Gabart remportait le Vendée Globe en 78 jours et Alessandro di Benedetto fermait la marche en 104 jours. Les arrivées s’étaient donc étalées sur 26 jours. Sur le papier, tout semble réuni pour que le différentiel soit encore plus important cette année…