Huit ans après une première participation au Vendée Globe mouvementée, Yann Eliès voit l’échéance de sa deuxième tentative approcher à grand pas. A moins d’un mois du départ, et à quelques jours de l’ouverture du Village de l’épreuve aux Sables d’Olonne, c’est clairement l’excitation et l’envie d’en découdre qui prédominent pour le skipper de Quéguiner-Leucémie Espoir. Nous avons embarqué avec lui pour l’une de ses toutes dernières navigations avant le grand saut planétaire.

Jeudi 6 octobre, dernier jour d’entraînement au Pôle Finistère Course au Large de Port-la-Forêt avant le départ du Vendée Globe. Pour l’occasion, nous sommes à bord de Quéguiner-Leucémie Espoir, l’IMOCA60 avec lequel Yann Eliès s’élancera des Sables d’Olonne le 6 novembre prochain. A un mois jour pour jour de l’échéance, Yann travaille les automatismes, encore et encore, et se confronte donc une ultime fois face à d’autres pensionnaires du Pôle (Armel Le Cléac’h, Morgan Lagravière, Vincent Riou et Paul Meilhat).

« Jusqu’au bout, sur ce type d’entraînement, on apprend, on progresse. C’est assez paradoxal mais j’ai l’impression qu’il me manque encore du temps pour connaître mon bateau sur le bout des doigts. Je me sens à des années lumière du niveau de maîtrise que je peux avoir sur mon Figaro, ce qui est normal car les IMOCA sont beaucoup plus complexes », confie Yann. « En même temps, cela a été un défi technique d’arriver à cette version du bateau, 22 mois après l’avoir réceptionné à l’issue de la Route du Rhum 2014. L’équipe technique a travaillé d’arrache-pied. Ces efforts se traduisent par des performances très honorables lors des stages de Port-la-Forêt. »

« Garder le lien avec la mer jusqu’au départ »

Dans quelques jours, comme les 28 autres inscrits au huitième Vendée Globe, Yann Eliès amarrera son IMOCA60 sur le ponton de Port Olona. Si Quéguiner-Leucémie Espoir est quasiment en configuration Vendée Globe, les quelques jours avant le convoyage depuis Lorient, prévu jeudi prochain, s’annoncent chargés pour Yann et son team.

« Quand le bateau sera aux Sables d’Olonne, il deviendra plus compliqué de travailler sereinement car l’événement prendra le dessus. Il faut donc gérer des questions cruciales lors de ces ultimes journées de préparation à Lorient », explique Yann Eliès. « Ces jours-ci, nous faisons un grand inventaire, nous vérifions que nous embarquons le bon matériel. Nous identifions aussi ce que nous pouvons éventuellement débarquer, ce que nous aurions pu oublier… A l’issue de ce travail, il faudra tout peser et tout mettre à bord. C’est également le moment de peaufiner l’avitaillement ou encore de faire le plein de gasoil. »

Une fois aux Sables, sur le Village du Vendée Globe, il s’agira pour le skipper de gérer le compromis entre les sollicitations du public, des médias, du sponsor et la nécessité de se préserver avant de partir plusieurs mois en mer dans des conditions pour le moins éprouvantes. Yann ne sera pas présent durant l’intégralité des trois semaines d’ouverture du Village (du 15 octobre au 6 novembre) car il s’accordera une dizaine de jours en famille pour se ressourcer et prendre de l’énergie. Et quand il sera aux Sables, il n’aura pas les mains vides. Yann Eliès :

« Je vais descendre avec tous les jouets : surf, paddle, vélo et même mon Figaro car je compte continuer à naviguer pour ne pas perdre la main. Je ferai aussi quelques sorties avec l’IMOCA. Si je passe trois semaines sans aller sur l’eau, je serai davantage un terrien qu’un marin. Et si on part dans 40 nœuds le 6 novembre je ne serai plus dans le coup. D’où l’importance de garder ce lien avec la mer jusqu’au départ. »

« Je reviens uniquement pour des raisons sportives »

Yann Eliès est bien conscient que son retour dans le Vendée Globe est attendu, huit ans après l’accident qui a failli lui coûter la vie dans les mers du Sud. Rappelons qu’il s’était brisé le fémur à 800 milles au sud de l’Australie, au milieu de nulle part, et qu’il avait dû attendre les secours durant 48 heures interminables.

« Cet épisode fait partie de mon histoire, de l’histoire du Vendée Globe. Je ne peux pas l’occulter et je sais que l’on va beaucoup m’en parler d’ici au départ », explique Yann. « Mais dans mon quotidien de marin, cet accident est oublié. Je reviens sur le Vendée Globe uniquement pour des raisons sportives, il n’y a pas de revanche, d’arrière pensée par rapport à ce qu’il s’est passé il y a quatre ans. C’est totalement évacué, de la même manière qu’un skieur ne repense pas à la chute au moment de s’élancer dans une descente. »

C’est grâce à un travail mental approfondi que Yann Eliès est aujourd’hui en mesure d’évoquer sa mésaventure avec une telle sérénité. Il a identifié les raisons de l’accident, éclairci le fil de l’histoire. Il repart apaisé, convaincu que les leçons tirées lui permettront de ne pas réitérer ses erreurs. La confiance de Yann Eliès est aussi liée au fait qu’il a, depuis le Vendée Globe 2008-2009, enchaîné les bons résultats. Jugez plutôt : trois victoires dans la Solitaire du Figaro (en 2012, 2013 et 2015), une périlleuse participation à la Route du Rhum en MOD70 (7e place), une victoire dans la Transat Jacques Vabre 2013 en Multi 50, une place sur le podium sur cette même épreuve en IMOCA en 2015…

« Je pense être revenu sur le devant de la scène en tant que sportif et non plus comme ancien blessé du Vendée Globe », dit-il.

Comme tout bon compétiteur, le skipper de Quéguiner-Leucémie Espoir a de hautes ambitions, son objectif affiché étant le podium pour son deuxième Vendée Globe.

« A mon avis les foilers vont se battre pour la gagne. Avec mon bateau d’ancienne génération (l’ex Safran de Marc Guillemot, NDR), je dois pouvoir viser la troisième place, ce qui serait déjà une belle victoire. Mais rien n’est écrit d’avance : chaque fois qu’on imagine un scénario, le Vendée Globe finit par en accoucher d’un différent… En tout cas, j’ai hâte d’y être. Le départ sera une délivrance ! »

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