Au dessous du volcan
Ce sera route directe… ou presque. Avant de rejoindre la baie de Douarnenez, les solitaires auront une unique marque de parcours à respecter, l’île de Sao Miguel, dans l’est de l’archipel, à laisser à bâbord, avant d’être totalement libres de leurs options. Mais la remontée vers la Bretagne sera pour le moins tonique et va demander un engagement total des solitaires.
La remise des prix de la première étape aura signé la fin de la récréation pour les solitaires de la Douarnenez Horta Solo. Dès ce vendredi, les coureurs font tourner les moulinettes et confronter les différents routages en fonction des fichiers de prédiction de vents de diverses origines. Par groupes d’affinités ou d’intérêt, les coureurs se réunissent pour établir leur stratégie pour cette étape retour.
Il va d’abord falloir se libérer de deux obstacles majeurs : le contournement de l’île de Pico, puis celui de Sao Miguel devenue marque de parcours pour éviter à la flotte de se coltiner un profond thalweg dans le nord des Açores. Nul n’a envie de se trouver face à des vents de 45 à 50 nœuds et la décision de la direction de course est globalement bien accueillie par les coureurs. Pour rallier Sao Miguel, les concurrents devront choisir s’ils font route par le sud de Pico ou par le nord de Sao Jorge. Le détour par le nord implique un rallongement de la route d’une vingtaine de milles. Cette différence compensera-t-elle les importants risques de dévents sous le vent du Pico ?
Tourments et tournants stratégiques
La flotte devrait passer Sao Miguel dans la nuit de dimanche à lundi, alors qu’une profonde dépression balaiera le nord de la zone. Le détour permettra aux solitaires d’éviter le plus fort du vent et surtout de ne pas subir la brusque rotation des vents du sud-ouest au nord-ouest, d’autant qu’une puissante houle générée par le flux de nord établi depuis l’ouest de Terre Neuve, garantira une mer forte et croisée.
Pour les concurrents, le dilemme sera le suivant après la pointe orientale de Sao Miguel : en remontant vers le nord au-delà de l’orthodromie, ils bénéficieront de vents plus forts dans un premier temps. Mais, la cellule anticyclonique positionnée sur les Açores devrait à nouveau pousser vers la Bretagne dans les jours à venir, alors qu’un petit centre dépressionnaire thermique s’établirait sur l’Espagne, voire le sud-ouest de la France. Les vents devraient donc basculer au nord-est et les régimes les plus réguliers pourraient se trouver dans le centre du golfe de Gascogne. Ce sera le second dilemme stratégique : pousser au nord, mais pas trop ; partir dans l’est, mais pas trop tôt. Contournement de Pico, choix de route pour rallier Douarnenez, les solitaires, sans atteindre les tourments consulaires, vont devoir vivre dans l’incertitude.
1100 milles, en route libre
Une chose est sure : le jeu sera beaucoup plus ouvert que lors de la première étape. C’était aussi une des volontés de la direction de course de laisser se développer les grandes options stratégiques pour cette étape retour. Par la force des choses, compte tenu de la trajectoire de la tempête tropicale Gaston, l’étape aller s’est trouvée tronçonnée en plusieurs segments de quelques centaines de milles. Là, le jeu sera grand ouvert : entre les audacieux qui iront chercher au nord les vents les plus forts, les rusés qui choisiront peut-être une route inédite pour rallier Sao Miguel, les stratèges qui se positionneront pour les derniers bords avant la chaussée de Sein, chaque tempérament trouvera de quoi s’exprimer. Des concurrents prendront-ils le risque de l’option solitaire ou le tempérament grégaire de la majorité aura-t-il raison de leurs velléités d’indépendance ? C’est la dernière course de la saison et certains n’ont plus rien à perdre. D’autres au contraire, ne voudront pas jouer leur année de course sur un coup de dés. Entre les tentations des uns d’aller jouer en dehors des sentiers battus et la volonté des autres de garder les adversaires sous contrôle, le cocktail pourrait se révéler d’autant plus explosif que les conditions garantissent une course rude où il faudra savoir jouer avec des vents forts et souvent instables et une mer chaotique. Gare aux secousses…