L’heure des bilans avant la deuxième étape
Jour de pluie sur Horta. Les marins étant, comme les chats, une espèce qui craint la pluie, peu de monde traîne sur les pontons et aux alentours de la marina. D’autant qu’il y a des heures de sommeil à récupérer. Et comme d’habitude, il y a des déceptions, des satisfecit, des « peut mieux faire ». Sans oublier qu’il reste encore à jouer le deuxième acte de l’aventure.
Au rang des satisfactions, les titulaires du podium trônent en première place. Charlie Dalin (Skipper Macif 2015) en enquillant sa quatrième victoire de la saison est en position idéale pour emporter son deuxième titre de Champion de France Elite de Course au Large en Solitaire. Nicolas Lunven (Generali), toujours aussi pragmatique, relevait qu’un débours de 15 minutes à l’issue d’une étape de plus de 1500 milles peut se rattraper rapidement, quand Sébastien Simon (Bretagne CMB Performance) remplissait parfaitement l’objectif qu’il s’était fixé de finir dans les quatre premiers. Corentin Douguet (Sofinther – Un Maillot pour la Vie), pouvait se senti vexé de s’être fait souffler la troisième place pour moins de deux minutes. D’un autre côté, sa remontée express dans les cent derniers milles de course lui laisse entrevoir bien des espoirs. Anthony Marchand (Ovimpex – Secours Populaire) se félicitait d’avoir su rester dans le bon tempo, même s’il lui manque encore une certaine constance pour rester au niveau des leaders. Pour d’autres, le constat est forcément plus mitigé : Xavier Macaire (Chemins d’Océans), impeccable Champion de France en titre avouait une frustration évidente de n’avoir pas pu trouver la bonne carburation à certains moments. La faute à une préparation tardive et un budget de dernière minute : des conditions pas vraiment idéales pour préparer sereinement sa saison de course. De même Gildas Morvan (Cercle Vert) regrettait d’avoir peut-être voulu trop forcé la toile dans le vent fort au large du Portugal. « J’aurais peut-être été plus vite sous petit spi et je me serais moins fatigué… ». D’autres faisaient contre mauvaise fortune bon cœur, tel Yoann Richomme (Skipper Macif 2014), en pleine forme, qui relativisait une performance en deçà de ses habitudes par le plaisir de revenir dans l’archipel portugais.
Echanges pas standard
Il y a eu clairement deux courses dans la course : en tête de la « deuxième division », Martin Le Pape (Bellocq Paysages), oscillait entre satisfaction de sa navigation face à quelques gros bras du circuit et une petite frustration de n’avoir pas pu accrocher un ou deux ténors. A l’inverse, c’était avant tout le plaisir qui dominait tant chez Damien Cloarec (Saferail), Sophie Faguet (Région Normandie), Pierre Quiroga (Skipper espoir CEM) et Arnaud Godard-Philippe (Faun Environnement – Martinique Destination Voile). Ces quatre-là ont passé du bon temps, ont partagé leurs informations, leurs doutes, ont causé de tout et de rien, ont appris à se connaître. Même en tête de course, les adversaires n’ont guère été avares de petits tuyaux, d’échanges pas forcément liés à la situation stratégique du jour. Sur les pontons, on comparait les mérites respectifs de tel ou tel bidouillage, des plats appertisés et du lyophilisé. Préparateurs et skippers passaient d’un bateau à l’autre pour aider le dernier arrivé à plier ses voiles, à ranger écoutes et drisses, à amarrer correctement chacun contre les pannes des catways.
Une aventure collective
Car c’est une des caractéristiques de ce périple. Partis au large, les marins n’ont de comptes à rendre qu’à eux-mêmes. Du même coup, la parole se fait plus libre entre coureurs, d’autant que c’est la dernière course de la saison et que, mis à part quelques coureurs encore en lice pour le titre, les enjeux ne sont plus de même nature. Le parfum d’aventure retrouvé, une pression sportive et médiatique allégée, la course prend parfois des airs de colonie de vacances, même si tous le disent : ce qui ne change pas, c’est l’acharnement des gars à mettre du rythme.
Ils ont dit :
Sébastien Simon (Bretagne CMB Performance) :
« Personnellement, je suis content de mon résultat. La troisième place s’est jjouée à peu de choses, mais j’aurais été frustré de ne pas la prendre, car j’ai quand même été aux avant-postes tout au long de la course. C’est aussi maintenant que je me rends compte à quel point j’ai progressé en deux ans. En 2014, j’étais stressé tout au long de la traversée vers Horta. Là j’ai vraiment pris du plaisir à être en mer. »
Xavier Macaire (Chemins d’Océans) :
« J’aime bien ces formats au large où on peut jouer des grandes options. Le passage de la dorsale était vraiment passionnant. On a bien cru avec Gildas Morvan et Corentin Douguet que l’on allait ramasser la mise sur notre option sud. Finalement, les gars du nord, s’en sont sortis au dernier moment. Mais c’était sympa, il y avait du suspense, on en discutait entre nous, c’était top… »