Yoann Richomme vainqueur d’une Solitaire de dingue
Quelle course ! De l’avis des 39 marins engagés sur cette 47e édition de La Solitaire Bompard Le Figaro, elle sera mémorable. Mémorable par ses quatre étapes compliquées en terme de parcours (1427 milles au total), mémorable par sa météo des plus variées, capricieuse et des plus difficiles à appréhender, mémorable par le talent qu’ont démontré une poignée de marins indécrottables aux avant-postes, les Richomme, Dalin, Tabarly, Chabagny, Lunven, Loison, Douguet. Partie de Deauville le dimanche 19 juin, elle est arrivée à La Rochelle après s’être amarrée à Cowes-Île de Wight et Paimpol-Lézardrieux. Pour la gagner, il fallait être expérimenté, rapide, inspiré, dur au mal et… insomniaque ! Yoann Richomme, confiant, en pleine forme, a su réunir tous ces talents sur sa 7e participation à la plus dures des courses au large en solitaire à armes égales. Il arrache la victoire 5 mn et 5 s seulement devant Charlie Dalin.
Sur cette course au temps, il ne suffit pas de gagner une étape, si belle soit elle, pour terminer grand vainqueur. Gildas Morvan (Cercle Vert) le sait mieux que quiconque : 21 participations à La Solitaire Bompard Le Figaro, 6 victoires d’étape (dont cette dernière étape de 130 milles) et pas de sacre. N’empêche, Gildas termine à La Rochelle en beauté concluant ainsi une course en demie teinte depuis Deauville.
La régularité est le secret pour arracher le graal sur La Solitaire Bompard Le Figaro. Vainqueur de la deuxième étape entre Cowes et Paimpol-Lézardrieux, Yoann Richomme, 33 ans, a su rester dans le bon tempo, limitant les écarts en temps, donnant le rythme à chaque début de course, assoiffant ses rivaux en les poussant dans leurs retranchements. On peut dire qu’il a participé à ce que cette Solitaire Bompard Le Figaro soit dingue… Avec Charlie Dalin, le duel aux couteaux a commencé dès le départ de Deauville pour se terminer à La Rochelle, où le chrono fut lancé dès lors que Charlie avait passé la ligne. 14 minutes les séparaient au départ de la dernière étape de 130 milles (aller et retour La Rochelle avec contournement de l’île d’Yeu), il n’en restait plus que 5 mn et 5 s à l’arrivée…
Will Harris (Artemis 77), graine de champion
Deux jeunes premiers au profil bien différents ont bataillé pour remporter la première place au classement Bénéteau des bizuths : le Britannique Will Harris, diablement intelligent et efficace, et le Méditerranéen Pierre Quiroga (Skipper Espoir CEM), doué et joueur. 12 minutes les séparaient au départ du sprint final autour de l’île d’Yeu, tout était alors possible. Will Harris l’emporte au final avec quasiment le même écart (13mn). Ce que l’on retiendra d’eux également, c’est leur formidable dernière étape aux côtés des meilleurs : Will termine 8e et Pierre 10e de la dernière étape. Deux lascars qui vont sans doute crever les classements sur le circuit Figaro Bénéteau dès l’année prochaine.
Des écarts en temps monstrueux
Cette Solitaire Bompard Le Figaro a connu, dès la première étape entre Deauville et Cowes, des écarts rarement vus : 22 heures entre Erwan Tabarly (Armor Lux), le vainqueur, et la bizuth Cécile Laguette (Deauville) ! Le tricotage le long des côtes anglaises, les renverses de courant, les mistoufles ont eu raison des moins expérimentés qui n’ont bien souvent jamais pu rattraper le bon wagon. La deuxième étape s’est déroulée à peu de choses près avec les mêmes paramètres à gérer, mais avec les cailloux de Bretagne Nord en plus ! Que dire de la troisième étape, dont le passage dans l’ouest de Ouessant et la « grosse pétole » du golfe de Gascogne ont encore créé des passages à niveau. Durant ces quatre actes, il y a eu du jeu tout du long, des surprises, des bons coups, des ratés, des gagnants, des perdants… bref, des histoires de dingues à raconter.
Ils ont dit à l’arrivée finale à La Rochelle
Gildas Morvan (Cercle Vert) – vainqueur de la 4ème étape :
« C’est vrai que tout s’est bien enchaîné, j’arrive à bien sortir après le départ et je fais un bon bord de près, tout se passe bien, je suis en tête et après j’arrive à bien naviguer et me concentrer sur les manœuvres. Le choix des bords s’est bien enchaîné. J’avais toute la flotte derrière et j’avais fait les bons choix. C’est bien parce que je passe toutes les bouées en tête : Radio France, Suzuki… C’est génial, personne n’a réussi à me doubler, je suis assez fier !
On savait qu’il y avait une nuit d’escale et qu’on repartait pour une petite étape. Ce n’était que pour une nuit, donc j’ai pu faire une petite sieste à la barre 2 minutes et après il fallait se concentrer pour tenir les adversaires à distance. J’étais un peu déçu de mes 3 étapes, la deuxième n’était pas mal, j’aurais pu gagner mais je la perds. Puis la première,, je suis 20ème, la troisième, je suis 20ème, c’est dur à digérer. La seule solution, c’était de jouer tout sur la dernière et de mettre quitte ou double, d’être agressif sur le départ, jouer les bons bords pour aller chercher cette victoire qui me met donc du baume au cœur ! C’est sûr que cela n’est pas un bon bilan pour moi au classement général. Je suis passé à la trappe sur deux étapes, donc oui, peut-être que je vais devoir revenir, ce n’est pas exclu ! »
Yoann Richomme (Skipper Macif 2014), vainqueur de La 47e Solitaire Bompard Le Figaro :
« On s’est battu et Charlie a fait une super régate. Moi, j’étais un peu dedans, certainement le stress et l’émotion de pouvoir gagner cette Solitaire, puis j’ai réussi à me remobiliser jusqu’à la fin et à sauver la victoire de quelques minutes. C’est beaucoup d’émotions, je suis venu dans l’état d’esprit de gagner La Solitaire Bompard Le Figaro. Quand je repense à tout l’historique de la course, ça me fait des frissons. Je suis super heureux, c’est 7 ans de travail qui trouvent un accomplissement et je suis aussi très heureux pour la Macif à qui nous offrons les 2 premières places, c’est beaucoup d’émotions et beaucoup de plaisir ! Charlie, c’est un super compétiteur, c’est lui qui a poussé le niveau dans la flotte et il a beaucoup travaillé, je suis sûr que ça sera son année l’année prochaine. J’avais un petit matelas d’avance de 14 minutes, mais cela n’est pas beaucoup. L’étape de Paimpol était donc l’étape décisive, car c’est celle où j’arrive à mettre du temps et donc à compenser mes erreurs sur les troisième et quatrième étapes. Les seules fois où j’ai mal joué à l’ Île de Ré, j’ai arrêté de faire du marquage débile et j’ai fait les coups que je sentais bien. J’étais venu sur La Solitaire pour la gagner et il n’y avait pas d’autres solutions, j’ai pu faire mes coups et naviguer à ma façon et c’était très plaisant. C’est un rêve d’accrocher son nom au palmarès de cette course. J’ai plein d’idoles qui l’ont fait, notamment Nicolas Lunven dont j’ai été préparateur et qui m’avait impressionné. Ça a été beaucoup de travail, de progrès, de moments de doutes en 7 ans avec les partenaires qui m’ont fait confiance même les années creuses. »
Charlie Dalin (Skipper Macif 2015), deuxième de La 47e Solitaire Bompard Le Figaro :
« C’était vraiment plus difficile que prévu. Yoann a fait des coups sur le papier qui étaient un peu risqués et qui sont passés. Je pense que je sais prendre les opportunités quand elles se présentent, mais ma marque de fabrique, ce ne sont pas les paris … C’est pour ça aussi que je fais trois podiums en trois éditions. »