Tant d’histoires au cœur du Vieux-Port
Cette dernière journée a beaucoup fait causer sur le village des Voiles du Vieux-Port. Fallait-il envoyer la flotte ? Le comité de course, avec sagesse, a décidé que non. Pour s’occuper, on ne se lasse pas de tendre l’oreille et écouter les histoires de ces bateaux légendaires. Avec trois courses validées, la 13e édition des Voiles du Vieux-Port a rendu son verdict !
“Le vent va monter à partir de 12h30, et nous préférons prendre la décision de ne pas envoyer les bateaux en mer, à l’occasion de cette dernière journée des Voiles du Vieux-Port…“ Le propos est signé Frédéric Berthoz qui valide la décision de son Président du Comité de Course, Jean-Marc Douroux de laisser les bateaux à quai. Le type de décision qui a l’art de ne jamais faire l’unanimité et le Président de l’association des Voiles du Vieux-Port le sait pertinemment. “Les concurrents viennent aux Voiles pour naviguer et je peux comprendre la frustration de certains. Il n’empêche que ces bateaux sont fragiles et c’est dommage de les envoyer en mer, sachant qu’il est susceptible qu’il y ait de la casse…“ Comme il y e a déjà eu un peu la veille. Julie Mira, skipper d’Irina VII, sourit. “Moi, j’aurais été en mer, quitte à réduire. On aurait navigué deux heures. Mais bon, c’est la décision du comité et il faut la respecter…“ Effectivement, un peu après midi, des rafales de 40 nœuds son annoncées dans la rade. Pour sa première participation aux Voiles du Vieux-Port, Julie, skipper d’un Plan Mylne de 1935 de 16,50m, découvre Marseille. “Malgré quelques cafouillages du comité, on s’est régalé sur ce super plan d’eau“, raconte la jeune femme qui s’occupe à l’année de l’entretien du bateau. C’est une rareté du milieu et on a envie de s’y intéresser. “Sur l’ensemble de la flotte des classiques, nous ne sommes que trois filles skipper, à gérer un bateau.“ Julie a pris en charge Irina VII, il y a un peu plus de quatre mois. Le propriétaire du bateau, toulousain, lui a donné toute sa confiance. A la barre, elle va de port en port sur l’ensemble du circuit AFYT, avant de le ramener à Sète, où il passe l’hiver. Quant aux Voiles du Vieux-Port, c’était l’occasion pour Irene VII, de retrouver un port d’attache, où il est resté amarré quelques années. Un retour fortement apprécié par les amateurs de ce si élégant racer…
Julie a donc passé sa journée sur le bateau, à travailler. Du côté de chez Emeraude, on se réjouissait, finalement, que ce baston de mistral ne dure qu’une grosse journée, car il faut organiser dès demain, le retour sur Barcelone.
A l’heure des comptes, la matinée a permis de résoudre l’incident de course survenu hier, en Epoque Marconi 1. C’est Irène VIII qui remporte le général devant Nagaïna et Jour de Fête. Dans les autres classes, Lulu s’impose en Epoque Aurique. Windhover (Epoque Marconi 2), Kertios (Classique Marconi 1) et Maria Giovanna II (Classique Marconi II) remportent la victoire dans leur catégorie. Les deux premiers cités, faisant le grand chelem, avec trois victoires en trois courses.
Echos de tradition
Le bilan de Frédéric Berthoz (Président de l’Association des Voiles du Vieux-Port) : “Les Voiles retrouvent toute leur splendeur. Tout le monde est content du déroulement de cette 13e édition, même si les bateaux ne sont pas sortis, ce dimanche. Au moment de l’annonce de cette décision de ne pas courir, cela n’a pas forcément été l’unanimité au niveau des skippers car le vent n’était pas clairement établi. Mais dès midi, les conditions météo se sont confirmées, avec des pointes à 45 nœuds. Cette décision se justifiait, et elle a permis aux nombreux visiteurs présents toute la journée, d’approcher et de contempler ces bateaux de légende. Le bilan ? Sportivement, les équipages ont eu trois belles journées de navigation, quant au volet festif, je n’ai eu que des commentaires de gens heureux d’avoir participé à nos soirées.
Ce retour des bateaux au Quai d’Honneur, qui rappelle les premières éditions des Voiles, est une belle réussite. Je remercie l’ensemble de nos partenaires, les bénévoles qui réalisent un travail considérable, tant en mer qu’à terre, et la dynamique insufflée par les cinq clubs nautiques qui animent cette grande fête de la voile classique. Un petit mot également pour remercier la société des Canotiers Marseillais qui a libéré des pannes pour les mettre à notre disposition, ce qui a permis d’accueillir la totalité de la flotte. On donne rendez-vous à tout le monde en juin 2017, de nouveau en face de l’Hôtel de Ville. En cette année de Marseille Capitale Européenne du sport, notre événement contribuera à donner une belle image de Marseille en France et à l’étranger. Nous sommes partenaires d’une superbe dynamique voile, et nous voulons continuer à insuffler à notre ville, cet esprit du yachting classique.“
Alcyon, le bateau qui raconte l’histoire
Si la fonction principale du bateau tradition est de faire rêver, Alcyon est un acteur majeur dans ce monde. L’histoire retrouve ses droits.
Tous les amoureux des bateaux, pour peu qu’ils s’intéressent à la Voile Tradition et à Marseille, connaissent cette fabuleuse histoire. Mais, à vrai dire, on ne s’en lasse pas. Découvrant derrière un soupir de Marc Frilet, ici une nouvelle anecdote demandant un éclairage, là un détail qui fait le lien avec d’autres. Discuter avec Marc Frilet, c’est faire le plein de belles histoires, c’est partir en voyage à l’âge d’or de Marseille dans la seconde moitié du XIXème siècle.
Avec son épouse Edith Martin-Chave, ils ont confié à Daniel Scotto la renaissance du houari marseillais, une merveille du patrimoine. Alcyon était le plus connu et, sans doute, parmi les meilleurs de ces bateaux qui entre 1860 et 1890, se mesuraient les uns aux autres lors d’un circuit qui n’a rien à envier aux régates modernes. “Chaque grande famille marseillaise avait son champion, explique l’intarissable propriétaire. Il n’existait pas de jauges, juste une longueur de flottaison imposée. Les régates se tenaient le long des côtes car c’était un spectacle très populaire. Les digues, comme la digue du large, étaient noires de monde. Les bateaux portaient des casaques en haut du mât et étaient l’objet de paris. Alcyon, en vingt ans, aurait accumulé en prix vingt fois son coût de construction, preuve de son succès. Ces bateaux descendaient des « sandbaggers » américains, témoins des riches relations entre Marseille et New-York, qui utilisaient des sacs de sable pour suppléer l’absence de quille mais qui étaient destinées à naviguer en eaux abritées. Les houaris se sont adaptés aux conditions de navigation marseillaises ainsi qu’à leur utilisation qui se résumaient aux courses en hiver et aux sorties en famille l’été….“ Et de parler de la « Corinthian Rule » qui, dans les années 1890, a sonné le glas de ces courses et de ces bateaux en interdisant les paris et en obligeant le propriétaire de se trouver à bord. Et de raconter cet âge d’or marseillais entre 1860 et 1890 durant lequel Marseille brillait de mille feux.
Aujourd’hui, trois ans après sa mise à l’eau, Marc Frilet parle de cette aventure comme d’une réinvention. “Ce n’est pas qu’une histoire de réglages, on redécouvre des techniques oubliées. On a dû, par exemple, faire fabriquer des poulies capables de résister à trois tonnes, toutes celles du commerce explosaient. Tout est différent, ce qui, autre exemple, nous oblige à être sur la ligne de départ une heure et demie avant la course, ne serait-ce que pour descendre le très long bout-dehors tout en lançant les deux focs… On a réappris à naviguer.“ Alcyon est une merveilleuse occasion de réinventer tant de choses.
Guy Teissier (Président du Conseil de Territoire de la Métropole Aix-Marseille-Provence. “Ce rendez-vous doit se poursuivre aussi longtemps que les vieux gréements nous feront l’honneur de venir jusqu’à nous. Il attire une population importante qui participe à l’essor économique de notre ville. Restaurateurs, hôteliers et commerçants comptent sur l’attractivité de ce type de manifestation. Le Vieux-Port est le poumon de notre ville et le cœur de la Métropole Aix-Marseille Provence. Il faut le faire vivre, l’animer et encourager les manifestations prestigieuses telles que les Voiles du Vieux-Port. Tant que je serai Président du Conseil de Territoire, je soutiendrai ce rendez-vous incontournable…“
Le classement général final après trois courses, trois retenues
Epoque Aurique
1/ Lulu (Denis Rebufat) 6 pts
2/ Nin (Yves Laurent) 6 pts
3/ Esterel (Yves Kerherve) 10 pts
Epoque Marconi 1
1/ Irene VIII (Thomas Roche) 6 pts
2/ Nagaïna (Nathalie Berthoz) 8 pts
3/ Jour de Fête (Elise Garcin) 8 pts
Epoque Marconi 2
1/ Windhover (Olivier Poullain) 3 pts
2/ Sonda (Eric Leprince) 6 pts
3/ Sirocco (David Dumoulin) 9 pts
Classique Marconi 1
1/ Kertios (Franck Bourriot) 3 pts
2/ Emeraude (Vittorio Cavazzana) 6 pts
3/ Skylark Sydney (Jean-Luc Tassy) 9 pts
Classique Marconi 2
1/ Maria Giovanna II (Jean-Pierre Sauvan) 4 pts
2/ Oryx (Martin Chauffour) 6 pts
3/ Paihere (Denis Villerme) 8 pts