La première étape de la 47eme édition de La Solitaire Bompard Le Figaro, longue de 510 milles, s’annonce celle de tous les dangers. Sur ce parcours des plus exigeants entre Deauville et Cowes (Île de Wight) qui consiste en une traversée de La Manche, puis un aller et retour le long des côtes sud de l’Angleterre via le phare de Wolf Rock, les pièges seront nombreux. En plus des courants, cailloux, baies et caps, la météo va pimenter le jeu : du petit temps pour le départ, un front à passer la première nuit, puis du près, du près et encore du près dans un vent mollissant et capricieux jusqu’à la pointe extrême sud-ouest de l’Angleterre. Top départ demain à 13h02 !

« Ce sera une étape côtière longue en nombre de milles et à cause de la météo ! Il risque d’y avoir des rebondissements, des changements de leaders et des choix tactiques déterminants. Les routages donnent deux jours d’Owers à Wolf Rock ce qui est beaucoup, et après c’est l’incertitude totale sur le menu de la dernière partie de course. Ce sera un gros morceau pour les 39 concurrents… » explique Fabien Delahaye, 2ème de La Solitaire en 2011, qui ne cache pas sa grosse envie d’être au départ l’année prochaine.

Des conditions météo perturbées

Si Météo Consult prévoit pour le départ du petit temps (ouest-nord-ouest de 6 à 8 nœuds), le vent devrait rapidement reprendre de la vigueur en début de soirée. Ce sera donc une traversée de la Manche express au largue serré, et une nuit blanche en perspective pour les skippers. L’atterrissage à la marque obligatoire d’Owers (cardinale sud) devrait avoir lieu vers 4h00 du matin en même temps que le passage d’un front froid. 20 à 25 nœuds de vent de sud-ouest cueilleront les marins à l’approche des côtes anglaises, avec des pointes à 35 nœuds dans les rafales, une mer agitée, de la pluie et une visibilité réduite. Welcome to England !

Le bonheur est dans le près

Les conditions météo musclées ne devraient durer que quelques heures pour laisser place à un flux de d’ouest-sud-ouest mollissant. C’est donc avec un vent de pleine face peu vigoureux que les Figaro Bénéteau 2 vont progresser lentement, cap à l’ouest vers Wolf Rock, au près serré d’abord, puis en tirant des bords. Un tricotage de longue haleine le long des falaises avec beaucoup de paramètres à gérer : le courant, les effets de pointes, les caps, les brises ou les dévents locaux. « Le nerf de la guerre sera le courant et tout sera une question de timing. Certains peuvent faire le choix de s’abriter du courant dans une baie, mais peineront à passer la pointe, d’autres préfèreront le large en attendant la renverse. Cela peut créer rapidement des écarts. Les concurrents devront être très observateurs et bien réfléchir à leur tactique » analyse Gildas Mahé, figariste reconnu qui embarque sur un des bateaux accompagnateurs.

La glorieuse incertitude de la fin de l’étape

Après le passage de Wolf-Rock mardi vers 17h, c’est la nébuleuse. Si le vent d’ouest persiste, les solitaires pourront envoyer le spi, mais certains modèles météo annoncent une bascule au sud-est, présageant un retour vers l’île de Wight au près. Une chose est sûre, la fin de cette première étape se déroulera dans des conditions de vent faible. Ce sera donc long, voire très long. Une entrée en matière difficile, une vraie belle première étape de Solitaire Bompard Le Figaro…

Ils ont dit sur les pontons de Deauville

Erwan Tabarly (Armor Lux) :

« Ca va être une étape assez longue finalement. On va partir avec des conditions légères. La première difficulté sera de trouver le bon vent pour traverser la Manche. Ensuite, ce sera du près le long des côtes anglaises jusqu’à Wolf Rock, mais après on ne sait pas ! Le près, c’est bien, ça ouvre le jeu. Il y aura en plus les renverses de courants, les pointes à passer, des bords à tirer, des options, des décalages à faire qui peuvent rapporter ou nous faire perdre beaucoup. Une première étape est importante. Il faut la réussir. Ne pas rester trop observateur. »

Aymeric Decroocq (Bretagne CMB Espoir) :

« Cette étape va être sympa. Le gros facteur important sera le courant sur toute la côte sud anglaise. Il y aura un passage de front, mais ce n’est pas ce qui m’inquiète. J’espère faire les choses proprement, et surtout réussir à me gérer correctement au niveau du sommeil. Ce sera la première fois que je fais autant de milles en solitaire en course. Je connais bien la Manche, j’ai fait plusieurs courses du RORC, la Fastnet Race et j’ai gagné la Myth of Malham (Cowes-Eddystone aller et retour, ndlr), il y a deux ans, donc je vois comment cela peut se passer. »

Alexis Loison (Groupe Fiva) :

« Ca va être varié. On part dans du vent faible, mais on est en train d’affiner pour voir si il y aura de la brise thermique. Dès le début de soirée, le vent va rentrer et on sera sur un largue serré qui va nous permettre de traverser vite la Manche. Après ce sera du près jusqu’à Wolf Rock. Ce sera intéressant. Il y aura beaucoup de jeu entre les courants, les options au large ou à la côte. Ce ne sera pas simple du tout, ce sera un gros morceau parce qu’on risque d’y passer pas mal de temps. Sur le retour, la mauvaise surprise, c’est qu’on devrait démarrer au portant puis finir au près, le vent devrait être mollissant sur la fin du parcours… Mais ça a le temps de changer ! »

Damien Cloarec (SafeRail) :

« Je mesure la chance que j’ai d’être là et suis plutôt détendu. C’est ma deuxième participation après cinq ans d’absence sur le circuit, je me sens donc un peu dans la peau d’un faux bizuth et je suis bien dans ma tête pour prendre du plaisir. Je me suis bien entraîné avec Tanguy Leglatin de Lorient Grand Large tout l’hiver pour me donner les moyens de progresser dans une logique d’apprentissage. Cette première étape s’annonce compliquée, c’est long quatre jours de « nav » et on aura très peu de temps de récupération à Cowes. Il faudra éviter de prendre des risques et surtout savoir en garder sous le pied pour la suite de cette course au temps. »

Xavier Macaire (Chemins d’Océans) :

« Je suis vraiment content d’être là. J’ai conclu des partenariats tardifs et de prendre le départ, c’est déjà une première victoire. J’ai failli gagner la course l’année dernière avant d’être déclassé, et j’ai clairement envie de la gagner. C’est mon objectif. Je me sens mûr, j’ai les bases, les compétences et le savoir-faire, mais il faut aussi que ce soit mon année. Parfois on ne sait pas à quoi ça tient, il faut un peu de chance c’est sûr. Mais je vais tout donner pour y parvenir ! La première étape s’annonce complexe et complète. Il faudra essayer d’avoir un coup d’avance et surtout rester réactif et intuitif pour adapter son jeu et sa navigation aux petits décalages horaires et aux marées qui peuvent tout changer en Manche et le long des côtes anglaises. »

Nicolas Lunven (Generali) :

« Je suis de retour après deux ans d’absence. Et je reviens avec beaucoup d’envie. Je me sens serein et surtout j’essaye de rester vachement humble en termes de pronostics de résultats. Avec Pascal, mon préparateur, nous avons bien bichonné mon bateau, mon petit bébé, tout l’hiver. Depuis le début de la saison, je m’éclate bien et je prends beaucoup de plaisir sur l’eau. Cette première étape s’annonce aussi compliquée que passionnante. C’est un gros morceau avec son lot de pièges qu’il faudra éviter jusqu’à la ligne d’arrivée. »

Christopher Pratt (Sourire à la Vie) :

« Mine de rien, cela fait depuis 2010 et la Route du Rhum que je n’ai pas fait de solitaire. Je reviens sans pression et décontracté, sachant que j’ai une préparation très tardive. Face aux gars qui ont 200 jours de nav par an, je débarque un peu la fleur au fusil et je ne suis pas vraiment armé pour jouer les premiers rôles. Cette première étape s’annonce assez longue avec des routages qui ce matin nous voient arriver après 3 jours et douze heures de course. Mais j’y vais pour me faire plaisir. Je n’ai pas du tout navigué sur ce bateau là depuis des années, donc il faudra d’abord que je me remette dans le bain et que je me cale au niveau de la vitesse. Mon objectif reste de faire du mieux que je peux et de pouvoir me dire à l’arrivée que j’ai donné le maximum. »

Damien Guillou (La Solidarité Mutualiste) :

« Je n’ai pas disputé la course l’année dernière faute de budget et ce retour s’est fait tardivement. J’ai disputé ma première régate en Figaro sur le Prologue Bompard. Je n’ai pas trop d’objectifs de résultats. Je ne viens pas en amateur, mais pas loin, je n’ai pas de voiles neuves parce que je n’en ai pas les moyens. Je peux juste compter sur mon expérience du passé et sur le fait d’être frais. Cela peut aussi être un avantage même s’il ne faut pas se voiler la face et mesurer que je serai sûrement un cran en dessous des autres. »

Arthur Le Vaillant (Un bateau pour demain) :

« J’ai disputé une fois la course en 2010, je vis ce retour un peu comme une renaissance. Cela fait du bien de revenir sur ce beau circuit et cette belle régate. Je viens pour apprendre beaucoup. Je sais que je peux aller vite sur l’eau à certains moments et tenir quelques ténors, même si ces gars là ont beaucoup travaillé depuis quelques années et que je reste conscient que je ne me suis pas assez entraîné. Mais, je vais me donner à fond comme je sais faire. Je vais aussi essayer de naviguer détendu, de prendre le temps de faire les choses calmement. Je suis joueur, il faut que j’arrive à modérer mes ardeurs d’attaquer. C’est vrai que je suis joueur et que j’aime bien passer à l’offensive. Il faut que je sache le faire au bon moment. Mais je suis ravi, il va y avoir de la confrontation et de la bataille, et j’adore ça ! »

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