Rendez-vous au Vendée Globe !
A 3h39, dans la nuit de samedi à dimanche, Morgan Lagravière (Safran) a remporté le match à trois qui l’opposait pour la 9e place à Jean-Pierre Dick (StMichel-Virbac) et Yann Eliès (Quéguiner – Leucémie Espoir). Les trois hommes ont franchi la ligne avec 56 minutes d’écart au maximum, au terme de 13 jours et 6 heures de course. Leur empoignade de circonstance révèle bien des choses sur le match entre les « foilers » et les IMOCA60 à dérives droites qui animera le prochain Vendée Globe.
Bien sûr, ce fut long. Très long. Trop long pour ces trois prétendants à la victoire, privés très rapidement de leur chance d’en découdre en tête de course. Comme Pieter Heerema (No Way Back), qui devrait apponter aux Sables d’Olonne lundi matin, et Armel Le Cléac’h (Banque Populaire VIII), le seul à avoir abandonné sur les 14 concurrents, Morgan Lagravière, Jean-Pierre Dick et Yann Eliès ont été contraints de faire demi-tour, en début de course, pour réparer. Pour les cinq IMOCA60, le problème fut identique : à bâbord, leur foil ou dérive a explosé sous l’impact avec un OFNI, à l’exception de StMichel-Virbac pour qui la cause n’avait pas encore été identifiée. Les trois derniers nommés ont finalement couru ensemble cette transat New York – Vendée (les Sables d’Olonne) après que Morgan Lagravière, porté par un vent naissant, a rejoint Jean-Pierre Dick et Yann Eliès, coincés par une molle quelques dizaines de milles après leur décollage de Newport. C’est donc sur une patte que les trois hommes se sont livrés bataille, avec pourtant de très longues sessions tribord amure, en appui sur la coque uniquement.
« Un degré de confiance supérieur »
Le combat aura eu lieu par sessions, entre runs de vitesse dans la dépression, rappels à la raison pour cause de qualification pour le Vendée Globe en cours (Yann Eliès) ou à la prudence dans l’optique du départ des Sables d’Olonne le 6 novembre prochain, puis dans les vents mous du Gascogne.
Au global, et malgré la frustration d’avoir dû laisser la tête de course prendre le large, cette transat aura permis aux trois compères de bien travailler. « Le fait d’avoir bataillé à trois était très stimulant, on ne s’est pas du tout ennuyé, assurait Jean-Pierre Dick (StMichel-Virbac) à l’arrivée, ce dimanche matin. Il y a eu une belle émulation, avec des options…
J’ai dû cravacher pour revenir sur Yann et Morgan suite à mon option sud pas très heureuse. Au final, ça s’est joué à rien du tout puisqu’on arrive tous les trois en moins d’une heure ».
Avec un pas de recul et quelques heures de sommeil en plus, Morgan Lagravière, avait retrouvé son regard qui pétille : « Arriver aux Sables d’Olonne avec un bateau en bon état (en dehors de l’avarie du début de course) avec un degré de confiance supérieur, avec un degré de maîtrise de ce bateau-là supérieur, c’est bien plus important qu’un résultat sportif ».
« En travers de la gorge »
Un brin moins positif, Yann Eliès ne cachait pas sa déception :
« Heureusement qu’il y a eu une course dans la course, sinon ça aurait été le chemin de croix. Il n’y a pas que du négatif, mais le résultat reste à cent mille lieues de ce que j’espérais et de ce que j’avais envie de faire. C’est pour ça qu’il y a énormément de déception en arrivant ici. Ce résultat-là va rester bien en travers de la gorge jusqu’au départ du Vendée Globe, on la ressortira au moment voulu ».
« S’ils souffrent… »
Qui a marqué des points ? Foils ou dérives droites ? Bateaux neufs ou bateaux de précédentes générations ? Ultra-performance ou confort relatif ? Ce qui ressort de ces matches, c’est qu’il n’y a pas une vérité absolue qui émerge. Sur les foilers, la vie à bord peut se révéler particulièrement harassante, entre mouvements et chocs du bateau et bruit insupportable des foils et des safrans. Mais, indéniablement, les nouvelles carènes ont leurs atouts. « On a focalisé sur les foils jusqu’à présent, souligne Jean-Pierre Dick, mais cette expérience malheureuse a permis de montrer que cette nouvelle génération de bateaux, ce ne sont pas que les foils, mais aussi des carènes très performantes… »
Yann Eliès, qui vivait sa première transat en solitaire sur son bateau, a apprécié qu’il soit agréable à vivre, et pas si difficile à utiliser : « Dans les conditions où ça commence à « tartiner » à plus de 20 nœuds, la vie commence à devenir humide, mais c’est apparemment encore plus dur sur les foilers. C’est toujours ça de pris, hein, s’ils en souffrent… qu’ils souffrent grave ! (rires) ».
L’équation est bien là : ce qui est pénible mais acceptable sur deux jours, à bord des foilers, se révèle difficilement supportable pendant dix jours.
Qu’en sera-t-il pendant deux mois et demi pendant le Vendée Globe ? Plus que jamais, et même si les performances des bateaux sont une question centrale, c’est bien l’humain, avec sa capacité de résistance mais aussi ses limites, qui fera la différence. Une seule certitude : ça sera un combat dur. Très dur.
ETA
Conrad Colman (100% Natural Energy) et Pieter Heerema (No Way Back) : dans la nuit de dimanche à lundi
Classement de la Transat New York-Vendée (Les Sables d’Olonne) du 12 juin à 15h45
- Jérémie Beyou (Maître CoQ) en 9 jours 16h 57mn 52s
- Sébastien Josse (Edmond de Rothschild) à 2h 28mn 57s
- Alex Thomson (Hugo Boss) à 4h 05mn 41s
- Paul Meilhat (SMA) à 19h 21mn 35s
- Vincent Riou (PRB) à 1 jour 18h 01mn 01s
- Tanguy de Lamotte (Initiatives Cœur) à 1 jour 22h 40mn 47s
- Kojiro Shiraishi (Spirit of Yukoh) à 2 jours 08h 23mn 48s
- Fabrice Amedeo (Newrest-Matmut) à 2 jours 13h 22mn 23s
- Morgan Lagravière (Safran) à 3 jours 13h 01mn 53s
- Jean-Pierre Dick (StMichel-Virbac) à 3 jours 13h 23mn 32s
- Yann Eliès (Quéguiner-Leucémie Espoir) à 3 jours 13h 58mn 44s
- Conrad Colman (100% Natural Energy) à 162.9 nm de l’arrivée
- Pieter Heerema (No Way Back) à 221.7 nm de l’arrivée
Ab Armel Le Cléac’h (Banque Populaire VIII)