Premiers des classes
En treize éditions, ils sont plusieurs centaines de solitaires à avoir flirté avec les dépressions, frôlé les icebergs, percé le brouillard pour enfin apercevoir la ligne d’arrivée… En 2016, vingt-quatre concurrents seront sur la ligne de départ lundi à 15h30 au sud du brise-lames de Plymouth pour 3 050 milles à travers l’Atlantique Nord !
Francis Chichester, Éric Tabarly, Geoffrey Williams, Alain Colas, Phil Weld, Yvon Fauconnier, Philippe Poupon, Loïck Peyron, Francis Joyon, Michel Desjoyeaux : tous les vainqueurs de la transat anglaise ont connu les coups de vent à répétition, le stress des glaces dérivantes, l’angoisse des bancs de Terre-Neuve recouvert d’un brouillard à couper au couteau, l’incertitude du résultat final, mais surtout la joie d’en avoir fini après cette traversée, d’avoir surmonté toutes les difficultés météorologiques et la casse, d’avoir circonscrit le doute du classement… Et il en sera de même avec cette nouvelle édition de The Transat bakerly dont le départ sera donné devant Plymouth lundi 2 mai à 15h30 (heure française) !
Un temps de course divisé par cinq !
En moins d’un demi siècle, le temps de course est passé de 40 jours et demi (1960 : Francis Chichester) à 8 jours 8 heures (2004 : Michel Desjoyeaux) ! Un bond en avant considérable dû non seulement à l’évolution de la technologie, mais surtout à la capacité des solitaires à aller vite et au bon endroit… Et en 2016, The Transat bakerly est ouverte aux trimarans Ultime qui devraient logiquement améliorer ce temps de référence, même si New-York est plus éloigné de Plymouth que Newport, même si les concurrents devront respecter une zone d’exclusion au Sud-Est de Terre-Neuve pour éviter l’accumulation actuelle d’icebergs, même si les conditions météorologiques annoncées pour les quatre premiers jours après le coup de canon semblent moins favorable qu’en 2004 !
Loïck Peyron, le « Lagardère de la transat » qui a sorti sa botte de Nevers par trois fois (1992, 1996, 2008) en s’imposant à Newport (l’arrivée à New York n’eut lieu que lors de la première édition), jouera cette fois le rôle d’ambassadeur de The Transat bakerly et d’accompagnateur de la flotte des quatre classes : trimarans Ultime, monocoques IMOCA, Multi-50 et Class40. Pour chaque catégorie, la méthodologie ne peut être la même car si le parcours est gravé dans le marbre, la succession de systèmes météorologiques sera très différente entre les ultra rapides trimarans qui pourraient atteindre les bancs de Terre-Neuve en moins de cinq jours et les Class40 qui mettront difficilement moins de quinze jours pour rallier New-York !
A potentiel différent, trajectoire divergente
Pour les trois Ultime, il faut s’attendre à un duel entre Thomas Coville (Sodebo) et François Gabart (Macif) chacun avec ses arguments de technologie, d’expérience, de préparation, de détermination. Mais combat au contact signifie aussi que le troisième larron peut choisir sa voie et une route divergente peut se conclure par une surprise pour Yves Le Blévec (Actual) ! Même topo pour les monocoques IMOCA où la bataille navale se dessine entre les foilers (Banque Populaire-Armel Le Cléac’h, StMichel-Virbac-Jean Pierre Dick, Edmond de Rothschild-Sébastien Josse) et les classiques (PRB-Vincent Riou, SMA-Paul Meilhat), le 44 de Richard Tolkien s’avérant trop ancien pour prétendre au podium. À potentiel différent, routes divergentes : il n’est pas acquis que ces skippers qui préparent le Vendée Globe et ces bateaux qui visent à valider leurs capacités à affronter le très mauvais temps, proposent les mêmes trajectoires…
Quid des cinq Multi-50 aussi variés technologiquement que leur date de mise à l’eau et la personnalité de leur skipper ! Là encore l’objectif des uns ne se confond pas avec celui des autres : arriver d’abord, gagner avant tout, se faire plaisir toujours, se préserver parfois, éviter la casse. Deux noms émergent en raison de leur palmarès récent : Erwan Le Roux (FenêtréA-Cardinal) et Lalou Roucayrol (Arkema) tous deux expérimentés sur ce parcours technique, sollicitant physiquement et mentalement. Mais méfiance avec Gilles Lamiré (French Tech Rennes-Saint Malo) qui pourra jouer le décalage météo tout comme Pierre Antoine (Olmix) et Éric Nigon (Vers un monde sans Sida), habitués des conditions scabreuses et des rebondissements improbables !
La plus grosse classe de The Transat bakerly
Enfin sur les dix Class40 qui se présenteront devant le brise-lames de Plymouth, difficile d’extirper un ou même trois noms car si les machines sont parfois l’atout majeur d’une transat tropicale, il n’en est pas de même sur cette piste cabossée et ces sentiers mal battus de l’Atlantique Nord. Les deux seules femmes de The Transat bakerly ont plus que des cartes majeures en main : Isabelle Joschke (Generali-Horizon Mixité) et Anna-Maria Renken (Nivea) se sont intensivement entraînées et la dimension physique reste moins conséquente que la détermination mentale sur un monocoque de 40 pieds.
Trois skippers disposent d’un des plus récents Class40, superbement optimisés et fiabilisés : Thibaut Vauchel-Camus (Solidaires en peloton-ARSEP), Maxime Sorel (VandB) et Armel Tripon (Black Pepper-Les petits doudous par Moulin Roty). Mais il leur faudra surveiller de près le redoutable Britannique qui avait coiffé tout le monde lors de la Route du Rhum 2010 sur son Class40, Phil Sharp (Imerys) ! Tout autant que le teigneux Louis Duc (Carac) qui mène un bateau qu’il connaît bien sur un parcours qu’il a déjà effectué… Méfiance aussi avec l’autre Normand Edouard Golbery (Région Normandie) porteur des couleurs régionales qui émerge parmi les nouveaux jeunes talents. Enfin le Japonais Hiroshi Kitada (Kiho) et le Français Romain Marais (Esprit Scout) ont avant tout la volonté de traverser ce redoutable Atlantique Nord quelles que soient ses humeurs…
Paroles de skippers
Lalou Roucayrol (Multi50 / Arkema) :
« Je suis ravi que cette transat revoit le jour. Tous ceux qui ont fait de la course au large leur métier lui doivent beaucoup, j’y suis attaché et j’aime bien ce parcours à travers l’Atlantique Nord. En multicoque, on est sur du près rapide, on fonce tout le temps, les bateaux ne sont pas toujours très simples à maîtriser, mais cela augmente l’adrénaline ! En 2004, je me suis éclaté tout au long de la course… Même si cette course arrive vite en début de saison, je me sens prêt et en position pour aller chercher Erwan (Le Roux) qui a fait une très belle saison l’année dernière. »
François Gabart (Ultime / MACIF) :
« Ce n’est pas anodin de traverser l’Atlantique sur un bateau de trente mètres ! Mais c’est exactement ce que je viens chercher : j’en rêve depuis que nous avons lancé le projet en 2013. L’aboutissement est certes le tour du monde en 2017, mais c’est une étape intermédiaire très importante. Je vais essayer d’être devant parce que je suis un compétiteur, mais cela reste un objectif secondaire. Le principal est vraiment d’apprendre et d’arriver à New-York. »
Jean-Pierre Dick (IMOCA / StMichel-Virbac) :
« Cette transat ne laisse pas indifférent. Les conditions y sont toujours très difficiles. Heureusement, avec nos bateaux modernes, on peut un peu plus jongler avec la météo et on a un peu plus la chance qu’en 1960 de faire un peu plus de portant. J’aborde cette course comme une épreuve d’apprentissage, je veux rester très humble en termes de résultat. C’est important dans la perspective du Vendée Globe de sentir qu’on est prêt, qu’on a le bateau en main. »
Isabelle Joschke (Class40 / Generali-Horizon mixité) :
« Cette Transat me fait un peu peur : elle m’évoque des grosses vagues, du froid, de l’humidité, mais en même temps, j’ai vraiment envie d’aller essayer. Je suis déjà suis venue à Plymouth en Mini 6.50 et en Figaro. On est toujours super bien accueilli… C’est donc un plaisir supplémentaire de prendre le départ au large de ce port très ancré dans la tradition de la voile et de la course au large. J’ai envie de donner mon maximum : j’ai quand même de l’expérience que je souhaite exploiter pour faire une belle trace et le meilleur résultat possible. »