The Transat bakerly est la première course en solitaire de l’histoire ! Une première qui convainquit cinq skippers de s’affronter sur un parcours particulièrement exigeant entre Plymouth (Cornouaille Britannique) et New-York, soit près de 3 000 milles contre vents et courants dominants… Et depuis ce 11 juin 1960, les plus grands noms de la voile ont gravé la légende de cette transat anglaise qui a fait de nombreux émules.

Herbert George Hasler est un personnage hors du commun. Lieutenant-colonel de la Royal Navy, il part à 28 ans pour une mission délicate de sabotage en 1942 : en plein mois de décembre, à la tombée de la nuit, il est déposé par un sous-marin à l’embouchure de la Gironde, avec 11 hommes, pour remonter le fleuve en kayak et miner les cargos occupés par les Allemands à Bordeaux. Ils ne seront que deux de ce commando à revenir en Angleterre ! Passionné de mer et de bateaux (il en a construit un dès l’âge de douze ans), le Britannique surnommé « Blondie » conserve ce goût du risque et décide de créer une course en solitaire à travers l’Atlantique et d’y participer avec son propre voilier, Jester, un croiseur de 7,75 mètres de long seulement équipé d’une voile de jonque… Hasler convainc le Royal Western Yacht Club de Plymouth (RWYC) de l’aider à monter cette épreuve folle sans contrainte : « Je veux que cette course se fasse en temps réel, la seule limite étant fixée par l’homme dans le choix de son bateau ».

Le soutien de l’Observer

Pour ce faire, Blondie Hasler peut compter sur le soutien sans faille de Francis Chichester, un marin ancien aviateur qui a effectué des raids en hydravion sur la Nouvelle-Zélande et qui navigue sur son Gypsy Moth III, et Christopher Brasher, l’un des directeurs du journal « L’Observer » qui parraine l’épreuve sous le nom de Observer Singlehanded Transatlantic Race (OSTAR). Le règlement est confié au RWYC qui n’impose aucune contrainte sur ce parcours entre le brise-lames de Plymouth et le bateau-feu d’Ambrose qui marque l’entrée du port de New-York. Soit près de 3 000 milles au travers de la Manche, de l’Atlantique Nord jusqu’aux bancs de Terre-Neuve pour un final dans le brouillard des côtes américaines. Avec une devise : « un homme, un bateau, un océan ». La légende raconte que Blondie Hasler et Francis Chichester ont misé une demi-couronne pour le premier à rallier l’Amérique. Même si plusieurs témoins de l’époque remettent en cause cette version, il n’en demeure pas moins que c’est une pièce de monnaie, la fameuse « Half Crown » qui figure sur les trophées encore remis aux concurrents.

Trois autres aventuriers répondent à l’appel : les Britanniques David Lewis (Cardinal Vertue) et Valentine Howells (Eira), et le Français Jean Lacombe (Cap Horn). À bord du plus grand voilier, Chichester s’impose en quarante jours et demi tandis que le « Froggy » met soixante-quatorze jours pour conclure ! Mais le succès médiatique est au rendez-vous et quatre ans plus tard, les cinq pionniers sont rejoints par dix autres candidats qui cette fois doivent rallier Newport dans le Rhode Island… Trois multicoques sont au départ ainsi que le jeune lieutenant de vaisseau Éric Tabarly sur le plus grand voilier de la flotte : Pen Duick II est un déplacement léger construit en contreplaqué de 13,60 mètres ! Il entre dans le port américain, berceau de la Coupe de l’America, après 27 jours 4 heures avec près de trois jours d’avance sur Francis Chichester et devient l’idole des houles de la voile française, félicité par le Général de Gaulle lui-même…

Une série de premières

C’est la première fois qu’un marin français survole une épreuve de course hauturière et Éric Tabarly sera à l’origine d’un engouement sans faille de plusieurs générations de coureurs hexagonaux. Mais en 1968, c’est un Britannique, Geoffrey Williams, qui domine les débats avec le premier voilier parrainé par une marque commerciale. Sir Thomas Lipton est non seulement un ketch de 18,30 mètres (un IMOCA avant l’heure !), mais surtout son skipper est le premier à bénéficier d’une aide météorologique à terre grâce à l’ordinateur de la société English Electric qui lui calcule la meilleure route à prendre… Le trimaran d’Éric Tabarly est contraint à l’abandon après un abordage puis une panne de pilote quand deux bateaux coulent, portant à 16 sur 35 les abandons, alors que le prao de Tom Follet (Cheers) crée la surprise à Newport en arrivant troisième !

La quatrième édition de l’OSTAR prend une dimension exceptionnelle avec 52 partants dont l’immense Vendredi 13 de Jean-Yves Terlain : un monocoque de 40 mètres doté de trois focs bômés ! Mais le géant doit s’incliner face au trimaran d’Alain Colas qui a repris Pen Duick IV : c’est la première fois qu’un multicoque s’impose lors d’une course hauturière… Le gigantisme prend son envol quatre ans plus tard avec Club Méditerranée, un quatre mâts de 72 mètres de long et avec 121 partants qui seront décimés par quatre dépressions successives ! Encore une fois, Eric Tabarly s’impose et devient une véritable star dans l’hexagone. Il est acclamé sur les Champs Elysées et invité sur tous les plateaux télés auxquels il préfère souvent la compagnie de l’océan.

Cette année là, la course prend un virage. Les organisateurs, inquiets par les excès des concurrents limitent la longueur à la flottaison à 17 mètres. De l’autre côté de la Manche, on prône toujours plus de liberté. Michel Etevenon saisit l’opportunité et lance la première édition de la Route du Rhum en 1978.

Du foiler à l’IMOCA

Quatre ans plus tard, en 1980, Éric Tabarly participe à la conception d’un foiler, Paul Ricard, qu’il ne peut pas mener sur l’Atlantique suite à une blessure : Marc Pajot son remplaçant, terminera cinquième en temps réel mais non classé quand le vénérable Phil Weld s’impose à 66 ans sur un trimaran (Moxie). Le glas des monocoques a sonné ! L’édition 1984 sera marquée par la victoire d’Yvan Fauconnier (Umupro Jardin V), arrivé dix heures après Philippe Poupon, mais reclassé avec un bonus de 16 heures pour avoir porté assistance à Philippe Jeantot, chaviré au milieu de l’Atlantique… Les Français font désormais la loi : ils glanent tous les succès en solitaire et Philippe Poupon (Fleury Michon IX) efface sa déception en 1988 en s’imposant en un peu plus de dix jours !

L’heure est aux trimarans ORMA et Loïck Peyron en est un spécialiste : il s’impose par deux fois en 1992 et 1996 sur son plan Nigel Irens (Fujicolor II), puis c’est Francis Joyon (Eure & Loir) sur un quasi-sistership qui descend le premier sous la barre des dix jours… En 2004, la transat anglaise prend le nom de The Transat sous la houlette de Mark Turner et si le départ est toujours donné de Plymouth, l’arrivée est désormais jugée à Boston : Michel Desjoyeaux (Géant) réalise le meilleur score de tous les temps en 8 jours 8 heures 20 minutes ! Mais c’est la dernière fois que les multicoques ORMA sont acceptés puisque l’édition 2008 est réservée aux monocoques IMOCA et aux Class40, et Loïck Peyron (Gitana Eighty) signe sa troisième victoire sur cette prestigieuse épreuve qui ne peut être organisée en 2012.

Le 2 mai prochain, c’est donc la renaissance de cette transatlantique mythique qui verra s’affronter 25 solitaires répartis en quatre catégories (Ultime, Multi-50, IMOCA, Class40) sur le parcours originel de 1960 entre Plymouth et New-York ! Et il faut s’attendre à ce que les trimarans de 100 pieds comme Macif, Sodebo ou Actual pulvérisent le temps de référence pour la quatorzième édition de la « reine des transats » !

Vainqueurs de The Transat :

  • 1960 : Francis Chichester (Gipsy Moth) 40j 12h 30’
  • 1964 : Éric Tabarly (Pen Duick II) 27j 03h 56’
  • 1968 : Geoffrey Williams (Sir Thomas Lipton) 25j 20h 33’
  • 1972 : Alain Colas (Pen Duick IV) 20j 13h 15’
  • 1976 : Éric Tabarly (Pen Duick VI) 23j 20h 12’
  • 1980 : Philip Weld (Moxie) 17j 23h 12’
  • 1984 : Yvan Fauconnier (Umupro Jardin V) 16j 06h 25’
  • 1988 : Philippe Poupon (Fleury Michon IX) 10j 09h 15’
  • 1992 : Loïck Peyron (Fujicolor II) 11j 01h 35’
  • 1996 : Loïck Peyron (Fujicolor II) 10j 10h 05’
  • 2000 : Francis Joyon (Eure & Loir) 9j 23h 21’
  • 2004 : Michel Desjoyeaux (Géant) 8j 08h 29’
  • 2008 : Loïck Peyron (Gitana Eighty) 12j 11h 45’

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