A quelques milles de la frontière mauritanienne, les leaders de la transat sont en train de s’écarter de la côte pour respecter la zone de navigation interdite * mise en place hier soir par la Direction de Course. Devant, un nouveau lièvre entraîne ce marathon africain. Gedimat a doublé Agir Recouvrement lors de cette huitième nuit de mer, toujours rapide au portant. Du moins pour les 7 bateaux de tête. Car plus on est derrière et moins il y a de vent…

Il y a de la vie au large du Sahara. Joints ce matin à la vacation, Vincent Biarnès (Agir Recouvrement) et Gildas Morvan (Cercle Vert) nous ont raconté les dizaines de petites embarcations de pêche croisées sur leur route, les casiers, les oiseaux. Dans cette nuit étoilée, il y a encore du vent pour gonfler les spis. Presque 30 nœuds pour les leaders. Mais plus on remonte vers le nord et à l’arrière du classement, plus les alizés sont faibles. Voire absents pour la queue de flotte. 11 nœuds de moyenne pour les premiers. 8 nœuds pour Artemis et Les Saintes et plus que 3 à 4 pour les derniers. Cuisines Ixina, empétolé depuis hier soir, est tout juste en train de passer le waypoint de La Palma aux Canaries. Si Tanguy Le Turquais et Hervé Aubry sont pointés en tête au classement de ce matin, c’est uniquement parce qu’ils sont les plus proches de la route directe…

Close combat

A l’avant, alors que les bateaux ont mis un soupçon d’ouest dans leur route pour s’écarter de la côte et respecter la zone de navigation interdite le long de la Mauritanie, la régate est toujours aussi intense entre les tandems. Le tout sur fond de fatigue. Car depuis le cap Finisterre, où tout le monde tient des cadences très élevées sous spi, les équipages n’ont eu aucun répit. Cette nuit, Agir Recouvrement a perdu sa couronne au profit de Gedimat. Les deux adversaires se suivent à la trace à quelques centaines de mètres l’un de l’autre. En 3e position, Bretagne-CMB Performance a tendance à distancer Generali. Plus loin, Bellocq Paysages-Saveur de Cornouaille est toujours au coude à coude avec Cercle Vert, tandis que Fulgur-Evapco a un peu de mal à tenir la cadence.

Aujourd’hui, dans ce long run en direction du cap Vert, la tête de course, servie par un vent plus soutenu, va inexorablement creuser l’écart.

Zone de navigation interdite, explications

* La situation météo particulière de cette édition de la transat en double à armes égales emmène naturellement les concurrents à descendre très sud et à longer les côtes africaines avant de faire cap vers Saint Barth, une trajectoire éloignée de la route traditionnelle. Dimanche après-midi, en accord avec le Comité de Course, la Direction de Course de la Transat AG2R LA MONDIALE a pris la décision de définir une zone interdite à la navigation le long des côtes mauritaniennes. La Mauritanie est listée par le Ministère des Affaires Etrangères comme étant une zone à risques. Un corridor virtuel de 35 milles de large a donc été défini dans un souci de sécurité pour les équipages en course. Ce corridor interdit à la navigation débute 15 milles au nord de la frontière mauritanienne et court jusqu’à Saint Louis du Sénégal.

VACATIONS / ILS ONT DIT

Vincent Biarnes sur AGIR Recouvrement :

« Ça va à peu près. Nous sommes un peu fatigués mais la nuit s’est bien passée. On a un beau ciel étoilé et on fait route pour éviter la fameuse zone interdite. On s’est fait doubler par GEDIMAT. Il n’est pas loin devant mais on aurait préféré rester deux milles devant comme on était en arrivant sur la côte africaine. La position de chasseur est pas mal aussi mais ça va se jouer à très peu de choses, à quelques milles près donc chaque mille perdu est dur à regagner par la suite.

Il reste un peu de route donc on a le temps de voir ça et de leur mettre la pression comme ils l’ont fait avec nous. Il y a de la fatigue accumulée pendant cette première semaine de course qui a été exigeante physiquement. Le manque de sommeil commence à tirer un peu sur les bonshommes surtout qu’on a poussé à fond. Nous savions qu’à partir de maintenant ce serait plus cool. Il fallait faire la différence avant.

La situation météo est assez claire et il n’y a pas 40 000 routes possibles. On va mettre sûrement un peu de sud mais pas très longtemps. Pour y aller, on va faire beaucoup de tribord et peut être un tout petit bâbord dans pas longtemps. Nous avons vu plein de petits bateaux de pêche et c’est assez particulier. Ce sont de toutes petites barques où ils sont trois à bord. Ils étaient contents de nous voir et nous filmaient avec un I Phone dernière génération alors qu’on sentait que ça ne respirait pas la richesse. Sur la côte, il n’y a rien du tout à part des antennes pour les téléphones cellulaires. Le vent fraichit, on a encore 27 nœuds au portant. Le vent est assez régulier. Ça va vite encore. On devrait avoir 30 nœuds dans pas longtemps. Dès que ça passe 25 nœuds, c’est hyper exigeant. A 22 nœuds tout va bien, au-dessus c’est plus dur et à 30 nœuds faut être vigilant. On a les feux de GEDIMAT pile dans l’axe devant. »

Gildas Morvan, skipper de Cercle Vert :

« Quand t’es dans le désert depuis trop longtemps, tu te demandes à qui ça sert… (il chante, ndlr). On a 20 nœuds de vent donc de quoi faire avancer dans le sud. On n’est pas malheureux. Le ciel est étoilé, bien clair. On a vu pas mal de lune. Il y a beaucoup de faune, on voit des poissons et des oiseaux. On sent la vie dans le coin. Il y a des gros bateaux de pêche et aussi de toutes petites embarcations. Parfois, ils sont deux sur des toutes petites barques. Tôt ou tard on va s’éloigner et aller visiter l’archipel du Cap Vert. Une fois qu’on sera là-bas, on espère avoir assez de vent pour continuer dans l’alizé profond vers Saint-Barth. On réfléchit toujours à la position pour traverser. Les feux de Bellocq Paysages ne sont pas très loin. C’est plutôt sympa d’avoir un objectif à atteindre. Nous sommes calés derrière. On a réussi à enlever les première et deuxième couches hier. On s’est lavé à la lingette, ça fait du bien après une semaine de navigation. On est bien fatigué. Je crois que c’est une des premières nuits où on arrive à bien se reposer avec le bateau à plat. On réfléchit pour savoir où on va empanner. La zone de navigation interdite ne va pas trop nous déranger pour le parcours même si on ne doit pas passer très très loin. »

LE CLASSEMENT 11 AVRIL 5H00

  1. CUISINES IXINA (Tanguy Le Turquay – Hervé Aubry) à 2 553,07 milles
  2. GEDIMAT (Thierry Chabagny-Erwan Tabarly) à 18,78 milles
  3. AGIR RECOUVREMENT (Adrien Hardy-Vincent Biarnes) à 20,28 milles
  4. BRETAGNE CMB PERFORMANCE (Sébastien Simon – Xavier Macaire) à 25,25 milles
  5. FULGUR EVAPCO (Milan Kolacek – Pierre Brasseur) à 31,92 milles

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