Pas de foils pour PRB, les explications de Vincent Riou
Après 10 semaines de chantier, PRB a révélé ce matin ses nouvelles couleurs. Si le orange de la marque vendéenne reste un incontournable du bateau de Vincent Riou, le 60’ arbore aussi un noir mât et un gris argent, couleurs associées à Mercedes-Benz, co-sponsor du bateau. La mise à l’eau du bateau s’est déroulée ce matin à Port La Forêt sous la haute surveillance de Vincent et de son team. Le skipper qui s’alignera au départ de son quatrième Vendée Globe en novembre prochain a souhaité profiter de cette journée pour expliquer pourquoi son 60’ n’arborera pas de foils (plans porteurs servant à soulager le bateau) pour le Vendée Globe. Pendant plusieurs mois, Vincent Riou a travaillé avec son design team et l’architecte Juan Kouyoumdjian pour prendre la meilleure décision possible en vue d’atteindre son objectif : remporter son deuxième Vendée Globe.
Vincent Riou a dévoilé aujourd’hui sa méthodologie, est revenu en détails sur ses études et a expliqué l’ensemble des conclusions aux différents stades des études. Retour sur une décision importante et définitive. Extraits choisis.
Avec qui as-tu travaillé pour ces études ?
« Nous avons travaillé avec mon bureau d’études en interne et l’architecte Juan Kouyoumdjian. Je ne pouvais pas aller voir l’architecte de mon bateau car il faisait des bateaux à tous mes concurrents et en plus, il avait signé une exclusivité concernant le développement des foils. Il fallait donc trouver quelqu’un qui proposait un outil d’évaluation fiable. (…) Juan a une autre ouverture sur les monocoques et une grande expérience. Au travers de son travail sur la Coupe et sur la Volvo, il est l’un des seuls à avoir eu les moyens de développer ses outils d’évaluation. Il pouvait nous apporter la finesse nécessaire. C’est primordial quand tu fais monter le niveau technologique. Il a beaucoup navigué sur PRB. Il est d’abord venu voir comment cela marchait(…) C’est un ancien régatier de haut niveau, il a beaucoup de sensations. Il m’a donné de nombreux conseils super éclairés pour faire avancer mon bateau plus vite avant même qu’on ne parle d’architecture. J’ai beaucoup apprécié cette démarche. »
Comment avez-vous travaillé ?
« Au début de nos investigations, on ne savait pas ce que faisait les concurrents même si on imaginait un peu les choses. Nous sommes partis des polaires de vitesse de PRB. Après, nous avons fait toute l’étude sur les foils. Nous avons fouillé dans tous les sens, nous avons essayé plein de choses. Rapidement, tous les deux avec Juan, nous avons eu l’intime conviction que cela allait être compliqué de mettre des foils sur PRB, que le gain en performance n’était pas une évidence. Mais on a voulu aller jusqu’au bout des études. Après avoir balayé tous les types de foils possibles, toutes les conditions, on ne voyait pas de solutions avec les foils pour PRB. Nous avons donc décidé de stopper les études et d’attendre de voir les nouveaux bateaux en navigation. Quand on les a vus naviguer, les résultats étaient en deçà de nos prévisions. Avec le temps, nous avons vu qu’ils progressaient mais à aucun moment on a trouvé qu’ils allaient mieux que ce que l’on imaginait en termes de vitesse. Au départ de la Transat Jacques Vabre, les foilers avaient vraiment passé une étape et ils ont atteint les performances que l’on pensait. Une nouvelle fois, on a dit stand-by pour attendre la confrontation sur l’eau. Avant le départ, on a vu que les conditions du début de la Transat Jacques Vabre étaient plutôt favorables aux foilers. Finalement, nous avons réussi à gagner malgré ces conditions. Nous restions donc dans les clous de ce que l’on avait prévu. Suite à cette course, en interne, nous avons traité les traces et les fichiers d’analyses (fichier avec la vraie météo) de nos concurrents, nous avons vu que notre polaire était bonne au final. Le dernier stade, c’était d’appliquer ces données à un tour du monde. Nous l’avons fait entre décembre et janvier. »
Quelles ont été les conclusions de ces analyses à l’échelle d’un Vendée Globe ?
« Dans un grand nombre de cas, nous étions gagnants. Nous avons essayé de savoir de combien devaient progresser les foilers pour réussir à gagner au moins 50% du temps. Là, on est arrivé à des % élevés proches des gains en performance entre deux générations de bateaux. Sur les éditions précédentes du Vendée Globe, la jauge était plus libre donc tu faisais à chaque fois des bateaux plus puissants et plus légers. Cette fois, les foilers sont plus puissants et plus légers dans certaines conditions. C’est là qu’ils vont plus vite que nous. Mais par contre, il y a tellement d’autres conditions qui leur sont défavorables. Dans les mers du Sud, les foilers seront a priori avantagés mais ça dépend des passages de front. Ce sera une histoire de timing. »
C’est à la suite de ces résultats que tu as décidé de ne pas mettre de foil sur PRB ?
« Oui. Très clairement, aujourd’hui, nous n’avons pas trouvé de raison d’équiper PRB de foils car nous n’avons pas plus de chances de gagner avec des foils que de gagner sans foil. Ça ne veut pas dire que ce n’est pas un foiler qui gagnera. Aujourd’hui, ce que je peux dire, après les analyses que nous avons menées, c’est qu’il faudrait que les foilers progressent énormément pour avoir plus de chances de gagner le Vendée Globe que PRB. Je ne vois pas comment ils peuvent y arriver en si peu de temps et je ne vois surtout pas comment j’aurais pu installer des foils et combler la différence avec les foilers en un temps si court. (…). »
Tu penses donc que tu peux gagner le Vendée Globe avec PRB dans sa configuration actuelle ?
« Exactement, je sais que je peux gagner le Vendée Globe avec mon bateau. Ce qui nous donne, de notre point de vue, le plus de chances de remporter ce Tour du Monde, c’est de rester comme nous sommes. C’est mathématique et en dehors de toute considération de fiabilité, de prise de risques techniques. Si en milieu d’année l’année dernière, nous avions trouvé des raisons de penser qu’il y avait des solutions pour PRB avec les foils, nous nous serions très vite mis en ordre de marche. Mais à aucun moment les analyses que nous avons faites, nous ont apportées des raisons de mener ce chantier. »
Dans quel état d’esprit es-tu aujourd’hui alors que tu remets ton bateau à l’eau ?
« Je suis un skipper heureux (…). Nous avons fait des choix tranchés car parmi les prétendants à la victoire, avec Yann Eliès qui était un peu en dessous de nous en termes de performance, nous sommes les seuls à rester avec des dérives. Autour, ça ne fait que foiler. Mais ça ne m’empêche pas de penser que l’avenir se déroulera avec des foils. D’ailleurs, j’ai plein d’idées pour faire des foils sur les monocoques mais ce sont des idées qui n’étaient pas simples à réaliser avec mon bateau actuel. Ce sont des idées différentes de ce que VPLP a imaginé. Ce ne sera pas une copie des foils qui viennent de sortir. Je garde ces idées pour plus tard (rires). »