Le premier Class40 a franchi la ligne d’arrivée brésilienne de la Transat Jacques Vabre à 21h 40’ 09’’ (heure française). Yannick Bestaven et Pierre Brasseur ont donc mis 24 jours 08 heures 10 minutes 09 secondes à la vitesse moyenne de 9,24 nœuds sur le parcours théorique de 5 400 milles (10 000 km) entre Le Havre et Itajaí. Mais Le Conservateur a en réalité cumulé 5 963 milles sur l’eau à la vitesse moyenne de 10,21 nœuds.

Ce fut un parcours de stress, de sérénité, d’inquiétude, de doute et de tension. Une alternance qui n’a cessé de tarauder les deux marins embarqués sur ce plan Verdier, particulièrement à l’aise aux allures débridées et portantes. Mais voilà : il a d’abord fallu affronter le mauvais temps de Ouessant à Madère, faire le dos rond et préserver le matériel, particulièrement sollicité, avec toujours ce concurrent collé aux basques, VandB… Dès la latitude du cap Finisterre !

Alors le duo a croché dans la toile, pour tenter de créer le petit décalage qui pouvait devenir grand si les conditions météorologiques s’y prêtaient. Et ce fut le cas dans la dernière baston jusqu’à Madère où la brise de travers et la mer encore forte reléguait Maxime Sorel et Samuel Manuard à plus de cinquante milles, avec trois autres Class40. Et quand les alizés ont commencé à poindre, il fallait être devant, pour ne pas se faire rattraper par l’anticyclone des Açores qui reprenait sa place habituelle. Ainsi le groupe des quatre se retrouvait englué dans une molle quand Le Conservateur pouvait allonger la foulée dans une belle brise portante… Le delta doublait en 24 heures pour cumuler à 320 milles après le Cap Vert !

Et comme Solidaires en Peloton Arsep effectuait une escale technique à Mindelo et que VandB se protégeait de la houle sous l’île de Santo Antão pour bricoler, le concurrent le plus proche était alors Carac-Advanced Energies quand Yannick Bestaven et Pierre Brasseur s’engageaient dans le Pot au Noir. Une Zone de Convergence Inter Tropicale (ZCIT) qui venait de gonfler en ne proposant pas autre chose qu’une brise évanescente… pendant trois jours ! Suffisant pour que les deux plus proches Class40 reviennent du diable-vauvert à moins de quarante milles du tableau arrière de Le Conservateur.

Le moral prenait un coup, mais les deux complices gardaient toujours la main avec toutefois de plus en plus de doutes quand VandB se permit de revenir à moins de quinze milles lors de la grande descente vers Recife au débridé ! Il a fallu que le duo s’arrache une nouvelle fois pour refaire du gain sur les 1 000 milles vers le Cabo Frio. Et là encore, le front orageux qui sévissait du côté des plateformes de forage de Rio de Janeiro, rendait le duel de plus en plus incisif : Maxime Sorel et Samuel Manuard se décalaient au large quand Yannick Bestaven et Pierre Brasseur privilégiaient la route la plus courte.

Mais quand le vent bascule de 180° en quelques instants, que la brise passe de 20 à à peine dix nœuds, que les grains de pluie font place à un ciel radieux, il y a de quoi rester sur les nerfs quand un bateau vert s’accroche comme une bernique à son rocher ! A peine quinze milles de marge et une prévision météorologique pour le moins incertaine sur le rush final…

Déjà qu’il fallait rationner la nourriture après 24 jours de mer, savoir qu’un adversaire grignote les dixièmes de nœuds puis les perd sur les cent derniers milles jusqu’à Itajaí, a de quoi rendre nerveux. Mais les deux navigateurs avaient de la bouteille et sont restés concentrés jusqu’au bout pour s’imposer vainqueurs de la Transat Jacques Vabre parmi les Class40, avec une marge d’une petite quinzaine de milles. Une arrivée au soleil tombant…

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