L’inconnue du Cabo Frio
Alors que Arkema, troisième et ultime Multi50 est arrivé ce dimanche midi à Itajaí, les onze Class40 s’étalent entre le tropique du Capricorne et l’équateur. Les deux leaders sont désormais à la même latitude mais décalés de 60 milles en latéral car le passage devant le cap Frio s’annonce complexe avec la traversée d’un front orageux…
Faut-il raser la côte comme le préconise les routages ou prendre le large pour négocier ce front qui s’installe sur Rio de Janeiro dès ce dimanche ? La question taraude les navigateurs et particulièrement les deux leaders qui vont aborder ce passage dès lundi après-midi. Et la séparation des deux premiers Class40 samedi midi prend tout son sens avec ces alizés bien établis à une vingtaine de nœuds ! Le Conservateur a ainsi empanné à la hauteur de Salvador de Bahia pour se déporter plus à terre de 70 milles… Les deux bateaux sont à la même latitude, progressent à la même vitesse (plus de treize nœuds) en suivant quasiment le même cap plein Sud. Et depuis les deux concurrents ont de nouveau empanné en même temps ce midi !
Du suspense jusqu’à Itajaí
Les alizés sont en effet passés au secteur Nord au large de Vitoriá, mais près des rives brésiliennes le vent va mollir en revenant au nord-ouest tandis qu’il devrait s’écrouler en basculant brutalement au secteur sud-est au large. Et devant le Cabo Frio, pêcheurs, cargos et plateformes de forage pétrolier sont légion… Le tout avec une masse orageuse qui prend de l’ampleur et de l’intensité au fil des prochaines heures, donc de la pluie, des rafales et des calmes, une visibilité réduite sous grains et une mer chaotique.
S’il est encore trop tôt pour préjuger de la réussite de l’une ou l’autre option, le prochain empannage la nuit à venir devrait éclairer sur la stratégie adoptée par le duo Yannick Bestaven et Pierre Brasseur, en situation de chassé, et Maxime Sorel et Sam Manuard en position de chasseur. A plus de 800 milles de l’arrivée à Itajaí, est-ce que la tactique de contrôle doit primer ? Rien d’évident lorsque les deux Class40 n’affichent pas tout à fait les mêmes vitesses à toutes les allures… Qui du plan Verdier (Le Conservateur) ou du dessin de Samuel Manuard (VandB) aura le dernier mot au Brésil ? Réponse mercredi puisqu’il faudra encore trois jours et demi au minimum pour en finir, avec toujours un net ralentissement en approchant des côtes brésiliennes…
Des écarts conséquents
A 170 milles des leaders, Carac-Advanced Energies peut observer les trajectoires de ses prédécesseurs pour tenter de trouver la bonne solution afin de franchir ce front du Cabo Frio. Car Louis Duc et Christophe Lebas n’ont pas trop d’inquiétude à avoir face à Solidaires en Peloton-ARSEP qu’ils devancent d’une bonne journée de mer. Et Thibaut-Vauchel-Camus et Victorien Erussard ont eux-mêmes 170 milles de marge sur TeamWork40 qui a débordé Recife ce midi.
Mais c’est au large de l’archipel de Fernando de Noronha que le match est aussi très incertain : certes le voilier brésilien Zetra a fait le break, mais Eduardo Penido et Renato Araujo n’ont qu’une quarantaine de milles d’avance sur le trio Concise 2 (Phillippa Hutton-Squire & Pip Hare), Groupe Sétin (Manuel Cousin & Gérald Quéouron) et SNBSM-Espoir Compétition (Valentin Lemarchand & Arthur Hubert). Enfin à plus de 1 500 milles des leaders, Club 103 (Alan Roura & Juliette Pêtrès) semble franchir un Pot au Noir très coopératif qui ne devraient pas permettre à Creno-Moustache Solidaire (Thibault Hector & Morgan Launay) de combler dans l’immédiat, son retard de plus de 120 milles…
Arrivées à Itajaí
Catégorie Ultime
1-MACIF (François Gabart & Pascal Bidégorry) en 12j 17h 29’ 27’’ (20,75 nœuds de moyenne sur l’eau)
2-Sodebo Ultim’ (Thomas Coville & Jean-Luc Nélias) en 13j 00h 47’ 38’’ (20,51 nœuds de moyenne) à 7h 18’ 11’’ du premier
Classe Multi50
1-FenêtréA Prysmian (Erwan Le Roux & Giancarlo Pedote) en 16j 22h 29’ 13’’ (15,06 nœuds de moyenne sur l’eau)
2-Ciela Village (Thierry Bouvard & Oliver Krauss) en 17j 17h 44’ 51’’ (15,03 nœuds) à 19h 15’ 38’’ du premier.
3-Arkema (Lalou Roucayrol& César Dohy) en 20j 22h 47’ 55’’ (12,60 nœuds de moyenne) à 4j 00h 18’ 42’’
IMOCA
1-PRB (Vincent Riou & Sébastien Col) en 17j 00h 22’ 24’’ (14,78 nœuds de moyenne sur l’eau)
2-Banque Populaire VIII (Armel Le Cléac’h & Erwan Tabarly) en 17j 08h 29’ 09’’ (14,69 nœuds de moyenne) à 8h 06’ 45’’ du premier
3-Quéguiner-Leucémie Espoir (Yann Eliès & Charlie Dalin) en 17j 10h 01’ 23’’ (14,49 nœuds de moyenne) à 9h 38’ 59’’ du premier
4-Le Souffle du Nord (Thomas Ruyant & Adrien Hardy) en 18j 01h 27’ 45’’ (13,9 nœuds de moyenne) à 1j 01h 05’ 21’’ du premier
5-Initiatives-Cœur (Tanguy de Lamotte & Samantha Davies) en
6-MACSF (Bertrand de Broc & Marc Guilemot) en 18j 22h 10’ 05’’ (13,22 nœuds de moyenne) à 1j 21h 47’ 41’’ du premier
7-Comme Un Seul Homme (Éric Bellion & Sam Goodchild) en 19j 02h 15’ 34’’ (13,35 nœuds de moyenne) à 2j 01h 53’ 10’’ du premier
8-Newrest-Matmut (Fabrice Amédéo & Eric Péron) en 19j 05h 07’ 56’’ (13,09 nœuds de moyenne) à 2j 04h 45’ 32’’ du premier
9-Bureau Vallée (Louis Bruton & Romain Attanasio) en 19j 05h 11’ 33’’ (13,09 nœuds de moyenne) à 2j 04h 49’ 09’’ du premier.
Ils ont dit…
Lalou Roucayrol, skipper d’Arkema (Multi50)
« On peut dire qu’on est content d’être arrivés à Itajaí ! Parce que ce n’était pas gagné… On a l’impression d’avoir lutté tout du long. Déjà la traversée du golfe de Gascogne a été compliquée : on a été secoués comme des pruneaux et je pense que c’est à partir de là que le fond de coque s’est fragilisé. Après, on a pris 150 milles dans le nez parce qu’on s’est fait rattraper par une zone de molles : ça nous a fait très mal ! Et deux jours après l’équateur, on ne comprenait pas pourquoi on n’avançait pas… Il a fallu que je rampe tout à l’avant pour constater que la coque centrale prenait l’eau : j’ai bouché les trous mais il fallait effectuer une vraie réparation… »
César Dohy, co-équipier d’Arkema (Multi-50)
« On ne pouvait pas suivre Erwan (Le Roux) et Giancarlo (Pedote) ! Il fallait faire quelque chose de différent pour espérer revenir sur eux. Et pour cela, il n’y avait que le Pot au Noir pour permettre une option stratégique marquée. Le seul avantage, c’est qu’on s’est retrouvé avec un angle plus favorable dans les alizés de l’hémisphère Sud. Autrement, c’était vraiment super entre nous, mais qu’est-ce que c’est humide ces bateaux-là ! »
Renato Araujo, co-équipier de Zetra (Class40)
« Nous sommes en train d’arriver à Fernando de Noronha. Finalement, nous sommes à côté des terres brésiliennes… Nous sommes très contents d’être bientôt au Brésil. Depuis le départ, nous sommes enfin proches de chez nous et ça change notre humeur aussi ! En ce moment, on doit rester vigilants à cause de la quantité de bateaux de pêche qui naviguent par ici, surtout pendant la nuit. Le problème, ce sont les petits bateaux, car on ne les voit pas à l’AIS (système de positionnement par radio VHF). »
Maxime Sorel, skipper de VandB (Class40)
« Il fait beau, la mer est hachée : on a pas mal d’air, on ne lâche rien, on essaye de faire avancer le bateau au plus vite. Encore 3-4jours de mer. On est à fond ! L’idée est de ne pas trop se rapprocher de la côte pour éviter les zones de molle au niveau de Cabo Frio. On n’a plus d’aérien, on n’a plus d’info, on navigue au feeling. On pense arriver dans la nuit de mercredi à jeudi, voir plus tôt. Sam va bien, la route été longue et ce n’est pas fini, on manque un peu de nourriture sucrée, alors on va bientôt manger du salé au petit dej… »
Thibaut Vauchel-Camus, skipper de Solidaire en peloton-ARSEP (Class40)
« Depuis la fin de nuit, on se fait plaisir avec des petites bourrasques. On check tous les jours le bateau. Le Cabo Frio va être fidèle à sa réputation avec un front froid à passer, on va sûrement aller à la côte. La vie à bord, ça va, même si on a des petits soucis techniques. On espère arriver le vendredi 20 en fin de journée. On est glacé par ce qui s’est passé à Paris mais à côté de ça, on savoure le bonheur que l’on a d’être en mer. Mais on ne peut qu’apprécier différemment ce que l’on fait… »