Retour sur la course
En prenant la deuxième place de la Transat Jacques Vabre 2015, Armel Le Cléac’h et Erwan Tabarly remplissent, au delà de leurs aspirations, les objectifs sportifs, mais aussi de tests et de validations envisagés cinq mois seulement après la mise à l’eau de leur prototype de 60 pieds. La route entre Le Havre et Itajaï dans le sud brésilien, s’est avérée singulièrement complexe, offrant aux duos en lice une grande variété de configurations météorologiques, et soumettant hommes et machines à un brutal régime de vie et de navigation. Seul voilier récent équipé de plans porteurs (foils) à terminer la course, Banque Populaire VIII a fait la démonstration de sa solidité, et expérimenté à de nombreuses reprises les avantages de ces appendices.
Tout le Team Banque Populaire est depuis plusieurs jours déjà en réflexion transversale avec les architectes pour évaluer les raisons du si grand nombre d’abandons au sein de la flotte récente des voiliers Imoca. Banque Populaire VIII va, en ce qui le concerne, revenir vers la France par cargo, sans prendre part à la Transat B to B, course en solitaire entre Saint Barth et Port la Forêt, afin d’éviter tout risque d’avarie inutile qui pourrait nuire à la poursuite de sa belle montée en puissance et ainsi à sa participation au Vendée Globe.
Une course à élimination et rebondissements
Cette édition rapide et mouvementée de la Transat Jacques Vabre n’aura guère laissé de répit aux 20 équipages engagés en catégorie Imoca. Armel Le Cléac’h et Erwan Tabarly, s’ils craignaient avec quelques raisons la virulence des trains de dépressions automnales attendus dès leur sortie de Manche, ont avec courage et un certain panache fait front, en jouant à fond la carte de la gagne, quitte à en passer par un vaste détour sous les côtes irlandaises pour contourner le premier centre dépressionnaire en circulation vers la pointe de Bretagne.
Affrontant des vents à plus de 48 nœuds, ils ont su faire le dos rond, lever le pied dans une mer à juste titre qualifiée de « casse-bateaux », pour débouler dans le fort vent de nord-ouest loin au large du Cap Finisterre en position de faire parler la poudre. Travers au fort flux d’ouest au nord de l’archipel des Açores, Armel et Erwan s’enhardissaient et lâchaient progressivement les chevaux, au point dès le 30 octobre de s’emparer des rênes de la course. Les fameux foils démontraient toute leur efficacité, avec le bon angle de vent et sur une mer enfin mieux « rangée », offrant au duo de skippers Banque Populaire un petit matelas d’avance porté à 38 milles sur PRB par le travers du Cap Vert.
« Le bateau s’est montré très impressionnant » souligne Erwan, « avec des pointes régulières à 29 nœuds ! »
Un Pot au Noir peu coopératif
Banque Populaire VIII ouvrait ainsi le 3 novembre dernier la route dans un Pot au Noir annoncé peu virulent, mais qui allait s’avérer en réalité plein de chausse-trappes pour Armel et Erwan.
« Nous avons manqué de réussite, et ce Pot au Noir a laissé nos adversaires s’échapper sans trop d’encombres pendant que des nuages noirs tenaces aspiraient tout le vent sur notre zone d’évolution. »
Les 35 milles d’avance fondaient comme neige au soleil, et se muaient en moins de 24 heures en un déficit d’une vingtaine de milles sur le nouveau leader PRB.
« Le passage de l’équateur a ensuite été compliqué », poursuit Armel, « avec un alizé de sud est qui a tardé à s’installer et qui nous a poussé loin dans l’ouest. » Banque Populaire VIII s’est alors vu imposer un long exercice de navigation au plus près d’un vent faiblard, à l’opposé de sa configuration favorite.
« On a eu notre lot de bricolage à bord, avec un petit soucis d’alimentation en gasoil qui nous a un moment privé d’énergie. Il a fallu improviser, mettre de côté les moyens de transmission d’images et de télécommunication, savoir économiser pour préserver les fonctions essentielles du bord, pilote et centrale de navigation. Malgré nos petits déboires, nous avons toujours joué la gagne en demeurant concentrés sur la course, notre position et notre trajectoire. ».
Le long bord au plus près des côtes brésiliennes n’a pas vraiment offert d’opportunités au duo de Banque Populaire VIII pour revenir sur un leader particulièrement à l’aise au fur et à mesure que le vent tournait sur l’arrière du bateau.
« On s’est battu, sachant que nous rivalisions avec le meilleur voilier de la classe Imoca dans des configurations parfaites pour lui », précise Armel. « On a joué à hauteur du Cabo Frio entre les plateformes pétrolifères, sans vraiment trouver l’ouverture qui nous aurait permise de titiller PRB sur la fin. On a en revanche bien contenu Yann Eliès et Charlie Dalin en soignant notre trajectoire. Il ne fallait pas faire de faute dans cette baie de Rio aux conditions météo vraiment tordues. On a su exploiter toutes les petites variations du vent, sans jamais s’économiser pour multiplier les changements de voiles. Nous terminons éreintés, mais contents ! »
Retour par cargo
Face à un PRB parfaitement optimisé et abouti, le tout nouveau Banque Populaire VIII a su rivaliser et se montrer souvent à son avantage. Le Team Banque Populaire et Armel Le Cléac’h n’ont dorénavant qu’une hâte, débriefer cette transat. Cette volonté de tirer les conclusions d’une course si riche en enseignements, afin d’entrer rapidement dans une nouvelle phase d’optimisation du bateau incite Armel et toute son équipe à faire l’impasse sur la Transat B to B, dont le départ le 6 décembre prochain de Saint Barth à destination de Port la Forêt n’apparait plus comme prioritaire par rapport à l’ambitieux programme de développement du bateau.
« La prise de risque que constitue une nouvelle transat, en solitaire de surcroit, au début de l’hiver continental, ne se justifie pas compte tenu du travail qu’il nous reste à accomplir en chantier cet hiver », explique Ronan Lucas, directeur du Team Banque Populaire.
« Le bateau va rejoindre sa base par cargo, afin de nous permettre de poursuivre au plus tôt la mise en œuvre de toutes les optimisations souhaitées dans l’optique d’une année 2016 éminemment importante. »