Les premiers IMOCA 60’ et Multi50 ont enfin touché cet alizé de sud-est tant attendu, après 48 heures englués dans un Pot au Noir, très noir… Le plaisir de glisser remplace aujourd’hui le stress et les esprits chagrins de ces deux derniers jours. PRB tient toujours tête à Queguiner-Leucémie Espoir et Banque Populaire VIII alors que les étraves pointent vers l’archipel brésilien de Fernando de Noronha. En tête de flotte, l’écart se réduit d’heure en heure entre MACIF et Sodebo Ultim’ (130 milles au lieu de 250 il y a 12 heures), tous deux attendus à Itajaí au petit matin samedi prochain.

La flotte de la 12e édition de la Transat Jacques Vabre s’étire sur 3 700 milles dans l’Atlantique, entre le Class40 Creno-Moustache Solidaire à la latitude de Lisbonne, et le trimaran géant MACIF en approche de Rio de Janeiro ! Si les derniers Class40 ne sont pas encore libérés de la dorsale tentaculaire entre Madère et Les Canaries, les autres descendent tambour battant dans l’alizé de nord-est, cap vers le Pot au Noir. Le Conservateur cumule les milles d’avance sur ses adversaires (260 milles sur V and B) qui comptent ce matin un joueur de moins dans le match passionnant qui se déroulait en approche du cap Vert. Solidaires en Peloton ARSEP a annoncé à 8h une avarie sur son safran tribord. Grands favoris de cette édition de la Transat Jacques Vabre, Thibault Vauchel-Camus et Victorien Erussard sont donc contraints de faire escale sur l’île de Saint Vincent pour tenter de réparer. « On va repartir. Mais les pièces, nous ne les auront pas avant une semaine. Du coup, soit on reste au cap Vert, et ça c’est impossible, soit on repart et on démonte le safran au vent pour le mettre sous le vent. Ça devrait le faire comme ça parce qu’on devrait naviguer 80 % du temps bâbord amures. » expliquait Victorien à la vacation de 10h30. Il se pourrait donc que les deux marins s’adonnent à un numéro d’équilibriste pour rejoindre les côtes brésiliennes…

Bagarres et sortie de pot

Alors que quatre équipages (MACSF, Bureau Vallée, Comme un seul homme et Newrest/Matmut) commencent à s’épuiser dans les affres de la Zone de Convergence Intertropicale, Initiatives Cœur et Le Souffle du Nord se livrent à un duel d’anthologie. Sous les gros grains et dans la moiteur, les marins s’acharnent à trouver le moindre souffle d’air tout en se contrôlant. Patience et concentration de rigueur car le pot de pus demeure le moment crucial de la course, celui où les cartes peuvent être redistribuées.

Devant, dans un alizé de sud-est présent mais peu établi (10 à 12 nœuds de vent), PRB ouvre le bal brésilien. Vincent Riou et Sébastien Col ne sont cependant pas très sereins et gardent un œil dans le rétroviseur : Yann Eliès et Charlie Dalin (Queguiner – Leucémie Espoir) sont à moins de 15 milles et Armel Le Cléac’h et Erwan Tabalry sur Banque Populaire VIII ne devraient pas tarder à voler sur leur foil. La descente vers Recife promet une belle bagarre.

Les Ultime à Itajaí samedi matin ?

Rien n’est joué entre MACIF et Sodebo Ultim’. En 12 heures, l’écart entre les deux équipages s’est réduit de 120 milles, preuve que le système météo de l’Atlantique Sud peut se montrer brouillon à l’approche du capo Frio et surtout après ! Ciel bas et vent absent règnent en ce moment sur Itajaí, et si les routages annoncent une arrivée entre 2h et 4h samedi pour MACIF, il faut prendre des pincettes. Les ETA (Estimated Time Arrival) vont s’affiner d’heure en heure. Orages… oh désespoir.

ETA :

  • MACIF : entre 2h et 4h (heure française) le samedi 7 novembre, mais attention à la traversée du front orageux entre Cabo Frio et Itajaí
  • Premiers IMOCA et MULIT50 : dans la nuit du 11 au 12 novembre
  • Premiers Class40 : dans 10 jours à 600 miles du but sous réserve du Pot au Noir

Ils ont dit en mer :

Victorien Erussard, co-skipper de Solidaires en Peloton ARSEP (Class40)

« Ca s’est passé quand nous étions en train d’attaquer correctement. Nous naviguions à 100 %, et nous étions en train de creuser l’écart sur Louis Duc (Carac-Advanced Energies) et Maxime Sorel (V and B). On était super contents ! Au changement de quart, le bateau est parti au lof parce que le safran a cassé. Il s’est retrouvé en travers. Il a fallu redresser le bateau. Ce fut périlleux, on a empanné dans tous les sens, le spi a fait des cocotiers autour de l’étai. Cela nous a pris 20 bonnes minutes pour affaler le spi. C’est incroyable parce que nous n’avons pas lésiné sur notre préparation. Nous étions vraiment prêts. Les deux safrans avaient été renvoyés au chantier trois semaines avant le départ. C’est la faute à pas de chance. Mais il faut dire que les bateaux encaissent. On s’est pris trois fronts, et les bateaux vont vite. Les 40 pieds, quand on les mène à fond, ça vibre dans tous les sens. La pièce en inox haute résistance est pliée à 45°, c’est fou la puissance ! Ce n’est pas notre genre, on ne va pas s’amuser à abandonner. On va repartir. Mais les pièces, nous ne les auront pas avant une semaine. Du coup, soit on reste au cap Vert, et ça c’est impossible, soit on repart et on démonte le safran au vent pour le mettre sous le vent. Ça devrait le faire comme ça parce qu’on devrait naviguer 80 % du temps bâbord amures. »

Juliette Pêtrès, co-skipper de Club 103 (Class40)

« Nous avons de très bonnes conditions, mais pas beaucoup de vent : 7 à 8 nœuds de sud-est et un grand soleil. On est encore dans une zone de molle, on vient de passer Madère puis les Canaries. Là, on est de quart tous les deux. On se repose en ce moment, je bouquine et Alan écrit. Nous essayons de voir le meilleur chemin à faire pour passer cette zone. On va passer plus à l’est comme Zetra. C’est motivant, c’est intéressant, on est toujours dedans. A bord de Club 103 tout va bien ! »

Erwan Le Roux, skipper de FenêtréA Prysmian (Multi50)

« C’est un Pot au Noir particulier, mais pour nous c’est passé, depuis hier. Il nous a fait un sale tour avec un vent un peu inhabituel, et une sortie avec un vent de sud-ouest. Et c’est uniquement depuis ce matin qu’on a trouvé les vents de sud-est. Le bord en tribord n’était pas sympa, car nous étions face à la mer, il était usant ce bord pour nous amener dans le sud-est, beaucoup de clapot. Depuis qu’on a viré de bord, c’est un vrai bonheur, ça accélère gentiment, on a ouvert un peu les voiles, on est à 13 nœuds pour 9 nœuds de vent. La machine à fabriquer du vent est enfin en route. On a bien récupéré cette nuit, je pense qu’on va continuer à se reposer. On est bien en forme, on est pas mal pour attaquer la grande ligne droite. »

Marc Guillemot, co-skipper de MACSF (IMOCA)

« Ca va. On est un peu sous-tension parce qu’il se passe des choses sur l’eau, dans le ciel. On a le moral. On est toujours en course et on continue de se battre. Les conditions sont celles du Pot au Noir, un coup ça va, un coup ça ne va pas, on essaye d’éviter les grains pour lofer ou abattre, on fait plutôt une course par rapport à nous et non par rapport aux autres. On essaye de ne pas tomber dans les grains qui sont devant nous et d’éviter les pièges du Pot au Noir qui est très long et dur. On a plutôt souffert depuis le début. On a pu gérer petit à petit, on a beaucoup travaillé pour réparer, pour avancer et être aujourd’hui encore mieux qu’au moment du départ. L’ambiance est super électrique entre Bertrand et moi, comme le Pot au Noir, non je rigole ! Notre duo fonctionne simplement et naturellement, tout se fait de façon simple et facile, c’est une bonne chose, car par rapport à tout ce qu’on devait régler sur le bateau, on était vraiment en phase. »

Thomas Coville, skipper de SODEBO Ultim’ (Ultime)

« Aujourd’hui c’est grand soleil, on a retouché du vent, on est sous trinquette, au portant le long du Brésil. La vie pourrait être meilleure, elle peut toujours être meilleure, mais elle pourrait aussi être plus terrible. On essaye d’être concentré sur ce qu’on fait. On a fait une belle balade ce matin, on s’est enchaîné 1h30 de manœuvres et quand ça déroule bien on est super contents. Avec Jean-Luc, on se connaît de mieux en mieux, on connaît aussi mieux le bateau et on se répartit beaucoup plus les rôles. Il manque un ingrédient, car la bagarre est un peu tombée. Ils (François Gabart/Pascal Bidegorry, ndlr) sont partis à la sortie du Pot au Noir. Le duel était magique à vivre. L’un comme l’autre, on aime naviguer. Jean-Luc aura fait beaucoup de milles cette année, moi, j’en cumule aussi. On se retrouve là à régler le bateau au mieux, on n’a pas l’impression d’avoir mal fait, on n’a pas jeté l’éponge, tant que l’un de nous deux n’a pas passé la ligne tout est possible, même si les chiffres ne sont pas en notre faveur. On ne lâche rien et cela fera partie du plaisir de se dire qu’on a tout donné. »

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