Les 31 équipages naviguent tous maintenant dans des conditions beaucoup plus maniables. Devant, au nord du cap Vert, Sodebo et Macif sont poussés par un vent de nord-est de 15-18 nœuds leur permettant d’afficher au compteur de belles vitesses moyennes. En arrière de la flotte, les Class40 voient enfin l’horizon s’éclaircir, tandis que les Multi50 et les IMOCA 60’ glissent désormais entre la latitude du cap Saint-Vincent et les Canaries. Sur les 42 tandems au départ au Havre, à ce jour 11 ont abandonné et 5 se sont déroutés pour réparer leurs avaries.

Dernières minutes :

  • 3 abandons aujourd’hui : Actual (Yves Le Blevec/Jean-Baptiste Le Vaillant) pour casse d’une pièce de vérin de hauban, Adopteunskipper.net (Nicolas Boidevezi/Ryan Breymaier) pour avarie sur la basse bastaque tribord et le Class40 Eärendil (Catherine Pourre/Antoine Carpentier) suite à une avarie de moteur et la perte des aériens.
  • 5 bateaux font route vers la terre : Bastide Otio (Kito de Pavant/Yann Régniau) arrive à Cascais pour réparer ses problèmes de communication et son ORC (voile d’avant), O Canada (Eric Holden/Morgan Watson) se déroute vers Vigo pour casse du rail de grand-voile, Hugo Boss fait route vers l’Espagne pour divers problèmes techniques, St Michel Virbac (Jean-Pierre Dick/Fabien Delahaye) fera escale à Madère pour casse de renforts structurel. Le Class40, Creno-Moustache Solidaire (Thibault Hector/Morgan Launay) tente de rejoindre La Corogne suite à une avarie de barre de flèche.
  • En mer : Bureau Vallée (Louis Burton/Roman Attanasio) privé d’énergie continue malgré tout la course « à l’ancienne ». Les deux skippers devront se relayer à la barre et naviguer avec leur carte papier…

Régate sur l’échiquier de l’Atlantique

Tout en pansant leurs bosses et les plaies de leurs bateaux, les skippers sont plus que jamais en mode compétition. Il n’y a qu’à regarder le match auquel se livrent les deux trimarans géants ! Dans des alizés (vent de nord-est) peu puissants et peu établis, François Gabart et son co-équipier Pascal Bidegorry réduisent d’heure en heure l’écart avec Sodebo Ultim’ (Thomas Coville/Jean-Luc Nélias) en se décalant plus au sud. En tête des IMOCA 60’, Banque Populaire VIII (Armel Le Cléach/Erwan Tabarly), l’unique bateau à foils de dernière génération encore dans le match, se sent pousser des ailes, même si PRB (Vincent Riou/Sébastien Col) et Queguiner-Leucémie Espoir (Yann Eliès/Charlie Dalin) ne le laissent pas s’échapper. Du côté des Multi50, Ciela Village (Thierry Bouchard/Oliver Krauss) garde la tête 45 milles devant FenêtréA Prysmian (Erwan Le Roux/Giancarlo Pedote). Enfin, les multicoques de 50 pieds donnent tout leur potentiel en glissant à plus de 18 nœuds de moyenne ! Dans la famille des Class40, Yannick Bestaven et Pierre Brasseur sur Le Conservateur prennent la poudre d’escampette devant Maxime Sorel et Sam Manuard sur leur V and B à moins de 40 milles…

Ils ont dit :

Thibault Hector, skipper Creno-Moustache Solidaire (Class40)

« On a cassé la deuxième barre de flèche du mât, celle qui est tout en haut. On fait route sous gréement de fortune vers l’Espagne ou le Portugal, on va voir ou le vent nous mène. On a pas encore abandonné, on ne va rien lâcher on va voir si c’est possible de réparer. Le moral est là, on a accusé un petit peu le coup au début et puis là, le bateau fait route, il est sain. Le mât est encore là. C’est la deuxième barre de flèche, c’est celle tout en haut tribord. Quand c’est arrivé, on a préféré affaler la grand-voile et on a mis une petite voile devant et on essaye de se débrouiller. C’est le vent qui nous pousse, plutôt que nous qui décidons ou on va. »

Erwan Le Roux, FenêtréA Cardinal (Multi50)

« On a fait le gros dos, nous avons géré comme nous le pouvons, on a survécu, l’ambiance à bord, c’était plutôt « vomi » qu’autre chose. On s’est remis dans le match et nous avons mangé hier. Nous avons retrouvé une vie a peu près normale. Nous avons navigué la tête dans le sceau, tu vis à plat ventre sur le bateau. Les choses de la vie quotidienne deviennent compliquées. C’est vraiment de la survie pendant ces jours-là, on a essayé de gérer la machine et les bons hommes pour que garder l’intégrité de FenêtréA Prysmian. On a encore 40 nœuds de vent cette nuit et à 70° degrés du vent, cela n’as pas été simple. Là, aujourd’hui ça devrait s’arranger cela devrait aller de mieux en mieux et le bateau devrait retrouver des vitesses correctes assez rapidement. Pour l’instant FenêtréA se porte bien. »

Jean Pierre Dick, skipper St Michel- Virbac (IMOCA 60’)

« Nous nous déroutons vers Madère. Il y a eu pas mal de vent cette nuit, nous étions évidemment sous petite voilure, avec 3 ris et petit foc de route. Je suis allé plusieurs fois vérifier la structure du mât dans la nuit tout allait bien et là des éléments structuraux commençaient à se casser. La décision a été prise de diminuer la vitesse. On fait escale à Madère. C’est quand même beaucoup de dépit, il faut que ça nous tombe dessus. Manifestement il doit y avoir un problème structurel sur le bateau (avec les autres concurrents ça le confirme). On ne sait pas vraiment comment on va faire, on est en discussion avec les architectes, ce serait beau challenge d’arriver au Brésil. C’est toujours douloureux surtout avec un bateau comme celui là. La coque est fragilisée avec ces impacts, manifestement il y a un problème. »

Yves Le Blevec, skipper de l’Ultim Actual

« Ça a fait en grand « crack », le bruit caractéristique du démâtage… J’étais sur le pont, j’ai eu le réflexe de regarder sous le vent pour voir le mât tomber dans l’eau… mais non, heureusement, il s’est arrêté. Il est passé de 10° incliné au vent à 30 à 40° incliné sous le vent ! C’est une pièce du vérin de hauban tribord qui a cassé net. Une tige en acier, l’usure sans doute. Nous naviguions sous-toilés, car c’était des conditions à grains. Je pense que ça a sauvé le mât. Nous avons pris un troisième ris, empanné, puis sécurisé l’ensemble. Une fois l’urgence gérée, nous avons pris le temps de réfléchir. Pour la sécurité d’une part et pour faire progresser le projet d’autre part, il est franchement plus intéressant de rentrer, même si cela reste une décision très difficile à prendre.»

Sylvie Viant, directrice de course de la Transat Jacques Vabre :

« Cela faisait longtemps qu’il n’y avait pas eu un départ de Transat Jacques Vabre aussi musclé, où les bateaux ont rencontré des vents forts de 35 à 40 nœuds, voir 45 nœuds dans les rafales conjugués à une grosse mer. Les équipages ont rencontré trois fronts successifs. Certains ont fait le choix d’aller dans la dépression pour être toujours dans des vents portants et sur le lot, une bonne partie est passée. La majorité des bateaux neufs non. Les Class40 s’en sont bien sortis, ce sont des bateaux taillés pour faire ce genre de course. Ceux qui ont le plus souffert sont les Multi50. Les bateaux sont plus volages, plus exposés à ces conditions de mer forte. Mais ils s’en sont bien tirés, et si La French Tech Rennes Saint-Malo s’est retiré de la course, c’est parce qu’il a heurté un container. Cela peut arriver à n’importe quel bateau. Les soucis techniques ne sont pas tous liés à aux conditions de vent et de mer.»

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