Troisième nuit de mer et de nouveau un front sur la zone de course : à l’exception des trois trimarans Ultime qui s’embourbent dans une bulle anticyclonique au large de Madère, le reste de la flotte va affronter une bascule franche au Sud-Ouest qui va générer une mer encore très dure. A l’Ouest comme à l’Est, les prochaines 24 heures s’annoncent mouvementées…

La situation sur le proche Atlantique est finalement assez conforme à cette période de transition automnale avec une succession de dépressions qui viennent balayer l’Europe. Mais la particularité de cette semaine, c’est ce mélange de perturbations venant pour les unes du Labrador, pour les autres des Antilles. Ainsi la dépression irlandaise qui s’est déplacée assez lentement en se dégradant, fait place à une cellule de très basses pressions qui remonte vers l’Islande en se raccrochant à un front orageux issu des Caraïbes… L’ensemble est donc très actif, très rapide et très brutal.

Passage de front

Les premiers à subir ce nouveau phénomène météo sont les monocoques IMOCA les plus au large : dès la fin de la nuit, ils ont dû repiquer vers l’Ouest pour affronter une mer forte, des vents de Sud-Ouest trente nœuds et plus. Cette masse nuageuse va toucher les plus à l’Est dès midi ! Au moins quatre heures de dur au programme… Pour retrouver un flux plus organisé de secteur Ouest-Nord Ouest puissant (30-35 nœuds) avec des grains ! Mais les duos savent que la fin de semaine sera nettement moins musclée : la difficulté est en effet de passer en douceur de ce régime perturbé à un anticyclone des Açores qui s’installe difficilement au Sud-Ouest de l’archipel.

Il faut donc descendre le plus vite possible vers le Sud pour sortir de ce train dépressionnaire puisqu’une nouvelle perturbation est attendue jeudi au large du golfe de Gascogne. Ce mercredi va en tous cas permettre à nombre de monocoques de franchir la latitude symbolique du cap Finisterre qui marque habituellement la transition entre les deux régimes. Deux des trois trimarans Ultime sont déjà dans la bulle anticyclonique, au point même qu’ils vont longer les côtes marocaines pour tenter de rester dans un maigre flux de Nord d’une dizaine de nœuds : Sodebo Ultim’ est toujours talonné de près par MACIF qui devrait s’avérer plus à l’aise dans ces molles conditions… Quant à Actual 250 milles plus Nord, il doit encore composer avec un vent d’Ouest vingt nœuds qui l’incite à piquer vers Madère.

Pour les trois Multi-50 encore en course, la porte de sortie n’est pas tout à fait ouverte : le vent d’Ouest va tourner au Sud-Ouest ce mercredi après-midi, obligeant une nouvelle fois les tandems à faire le dos rond dans trente nœuds de vent. Ce n’est qu’en soirée pour le leader Ciela Village et dans la nuit pour Arkema et FenêtréA-Prysmian, que le vent et la mer vont retrouver un visage moins ridé…

24h chrono

Du côté des monocoques, la voie vers le Sud est loin d’être royale : les IMOCA les plus à l’Ouest sont retournés cap sur l’Amérique avec l’arrivée de ce front tropical, mais avant midi, ils pourront de nouveau faire route plein Sud, vers le soleil ! Groupe Quéguiner-Leucémie Espoir tient toujours la corde à 450 milles dans le Nord-Est des Açores, un archipel qu’il devrait atteindre d’ici un peu plus de 24h : c’est sous ces îles que la situation va progressivement s’améliorer et donc plus ses concurrents seront en retard, plus ils auront à affronter le mauvais temps. Les écarts devraient donc s’accroître sensiblement ces prochaines heures.

Il en sera un peu de même pour les Class40 qui n’ont pas eu à subir les mêmes assauts de la mer que leurs aînés : plus décalés dans l’Est, ils ont pu réaliser une superbe parabole à l’image de Le Conservateur et de Solidaires en peloton-ARSEP qui ont ainsi débordé Bretagne-Crédit Mutuel Elite la nuit dernière. Mais eux aussi vont devoir composer avec cette succession de bascules du vent du Sud-Ouest au Nord-Ouest… La route s’annonce longue et laborieuse.

Ils ont dit à la vacation de 5h

Yannick Bestaven, skipper du Conservateur (CLASS40)

« On est content de notre classement, on est passé au nord de la dépression au ras du centre et nous avons pu redescendre et se recaler. Le vent a molli, il n’y a plus que 25 nœuds, la mer cogne moins qu’elle a cogné en début de nuit. Pour l’instant, on se concentre sur la suite du programme, il y a une grosse dépression secondaire sur notre trajectoire et nous ne savons pas encore comment nous allons réagir. Le bateau va bien, je suis juste un peu trempé, j’ai eu le malheur de faire tomber ma combinaison sèche au fond du bateau, là où il y avait de l’eau. »

Thierry Bouchard, skipper de Ciela Village (MULTI50)

« Ca n’est pas facile surtout que nous avons encore un front à passer. Quand on voit les aventures des uns et des autres, on essaye d’être prudent, de se ménager et se relayer. Les trois jours en mer laissent des traces mais tout va bien, on s’économise un peu car la route est encore longue. Nous essayons de faire au mieux, d’aller assez vite en faisant attention de rien casser. Pour l’instant, même si parfois on accélère, nous ne sommes pas forcément à l’attaque tout le temps, on préfère en garder sous le pied. »

Jean Pierre Dick, skipper de StMichel-Virbac (IMOCA)

« Nous allons quitter pour quelques heures ce flux Sud-Ouest avec le passage d’une nouvelle dépression qu’il va falloir négocier au mieux. Là, la mer ça va, c’était impressionnant en début de bord après cette grosse dépression : la mer était chaotique, les vagues venaient de partout, ça tapait, ça roulait, ça allait dans toutes les directions. Je suis content, nous avons de bonnes sensations mais nous n’avons pas encore exploité tout le potentiel du bateau. Deux dépressions sont à venir et nous retrouverons ensuite un schéma plus classique, là nous sommes encore dans le dur. C’est chaotique depuis le départ, cette dépression à générer beaucoup de tumulte mais c’est un bon entrainement pour les courses à venir. »

Yves Le Blévec, skipper d’Actual (ULTIME)

« Nous avons été rapidement vers le Sud et vers des conditions qui nous conviennent. Une barrière horizontale est en train de se former entre Gibraltar et Madère, une dorsale avec très peu de vent. Les deux autres Ultime essayent d’aller au plus près de Gibraltar, là où il y a du vent car d’ici quelques heures, ils auront plus de difficulté de passer. Nous n’avons pas été les plus rapides, nous allons contourner cette dorsale par l’Ouest, ce qui va nous obliger à faire du près. Les premiers jours de course étaient difficiles. On découvre le bateau avec Jean Baptiste, chaque manœuvre prend un peu de temps et d’énergie. »

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