La deuxième nuit de mer a été très dure pour la plupart des duos de la Transat Jacques Vabre, particulièrement pour ceux qui ont choisi la voie du Nord : après Edmond de Rothschild et Safran qui ont fait demi-tour sur avaries, c’est le Class40 Team Concise qui a jeté l’éponge. Et dans le Sud, Prince de Bretagne a chaviré au large de l’Espagne. Les conditions vont encore se dégrader dans l’Ouest de l’Irlande tandis que les premiers multicoques vont bénéficier d’une pause en soirée.

La pleine lune de la nuit a mis sous les projecteurs les conditions météorologiques de cette douzième Transat Jacques Vabre : pas de conditions « dantesques » sur l’Atlantique, mais une bonne dépression automnale avec son lot de grains, de vagues pyramidales et de grande houle de Sud mélangée à des vents de Sud-Ouest puis de Nord-Ouest… Il a donc fallu composer avec une mer de plus en plus dure et qui, si elle va rester maniable mais bosselée du côté du golfe de Gascogne et des côtes espagnoles, va devenir très chaotique pour les monocoques IMOCA partis plein Ouest.

Car pendant que Hugo Boss continue son cavalier seul en tête de la flotte (avec toutefois Bastide-Otio, MACSF, Le bateau des métiers by Aérocampus et Spirit of Hungary dans son sillage) et négocie une brise de sud-ouest vingt nœuds qui va basculer au secteur Ouest en fin de journée, le gros de la flotte IMOCA est en approche du centre de la dépression irlandaise et devrait d’ici midi, subir de plein fouet la bascule du vent de Sud 30 nœuds ce matin, à nord-ouest 35 nœuds ! Il faut donc s’attendre à ce que les monocoques du Nord encaissent de sacrés coups de butoir, le temps qu’ils glissent (prudemment) vers le Sud pour sortir de la nasse dépressionnaire. Les prochaines 24 heures s’annoncent « shaker » pour ces monocoques du tour du monde…

Vivement dimanche !

C’est un peu moins le cas pour les Class40 toujours emmenés par Nicolas Troussel et Corentin Horeau sur une route relativement Sud : dans une vingtaine de nœuds de secteur sud-ouest, le duo sait qu’il en a encore pour au moins 36 heures avec après le front froid de la nuit, un ciel dégagé mais une mer qui prend de la hauteur, jusqu’à quatre mètres de creux. En attendant le passage d’un nouveau front dans la soirée. Plus au Nord, les autres 40 pieds ont finalement décidé de ne pas aller trop vers l’Irlande, à l’exception de Solidaires en peloton ARSEP qui navigue au-dessus du 50°N…

Pour les Ultime, la porte de sortie du golfe de Gascogne est ouverte : Sodebo Ultim’ et MACIF ont déjà débordé le cap Finisterre et vont pouvoir lâcher les chevaux avec une mer qui s’organise et un vent d’Ouest qui va se stabiliser. Seul Actual doit encore louvoyer pour passer à l’extérieur du DST espagnol (zone de séparation du trafic maritime) mais devrait en sortir à la mi-journée. Quant à Prince de Bretagne, Lionel Lemonchois et Roland Jourdain se sont fait surprendre par un méchant grain et attendent réfugiés dans leur coque centrale retournée, leur assistance pour récupérer le trimaran.

Enfin les quatre Multi50 sont toujours très groupés à environ 200 milles de la pointe ibérique et vont devoir prendre patience face à un vent assez instable derrière le front de la nuit : derrière le leader Ciela Village, Arkema a croisé à quelques milles la nuit dernière et chacun s’adapte aux bascules de vent pour gagner le plus vite possible dans le Sud. Cette journée de mardi est donc importante pour toute la flotte qui sera encore confrontée à un vent soutenu et une mer croisée, mais l’horizon se dégage dès la nuit prochaine… Heureusement, la pleine lune offre aux tandems une vision plus claire de la mer, même si celle-ci est fielleuse ! Mais les conditions météorologiques vont progressivement s’améliorer au fur et à mesure que les bateaux vont gagner dans le Sud, au point qu’il risque de ne plus y avoir de vent le week-end prochain, dans une bulle anticclonique.

Sylvie Viant – Directrice de Course

« Les conditions sont difficiles, comme tous les ans à la même époque dans le golfe de Gascogne quand un train de dépressions passe. La mer est agitée, elle va devenir forte pour ceux qui sont allés dans le nord-ouest afin de chercher le centre de la dépression. Pour les autres, la mer est assez formée mais avec moins de hauteur. Ils auront entre 4 à 5 mètres de creux dans le sud et peut-être jusqu’à 6 à 7 mètres dans le nord. »

Ils ont dit à la vacation de ce matin à 5h

Nicolas Troussel, skipper de Crédit Mutuel Elite (CLASS40)

« Ca gigote pas mal, la mer commence à vraiment se former, nous avons 20 nœuds de vent avec des rafales à 30 nœuds. La bascule est prévue dans la soirée, il va falloir être vigilants car la dépression se dégrade au fur et à mesure. Je pense que nous en avons encore pour trois jours difficiles ensuite ça ira mieux. »

Thomas Ruyant, skipper du Souffle du Nord (IMOCA)

« La mer est un peu formée, nous pensons en avoir encore pour 24 heures avec des conditions difficiles mais tout va bien à bord pour le moment. En moyenne, nous avons 30 à 35 nœuds avec 3 à 4 mètres de creux, on se rapproche doucement de cette fameuse dépression. Je suis pressé d’être dans le sud. Il va y avoir un petit boulot de déménageur à faire avec un virement ou un empannage, nous attendons les prochains fichiers pour positionner notre trajectoire en fonction du centre de la dépression. »

Oliver Krauss, skipper de Ciela Village (MULTI50)

« La mer commence à être sérieusement agitée depuis quelques heures. On a passé le front hier en début d’après-midi mais on a toujours du vent à bord. Pour l’instant, il faut faire attention, lever le pied, la priorité est de ne pas casser le matériel. Content d’être toujours premier, une journée de plus mais bon la course est très serrée, on verra ça après. »

Jean-Baptiste Le Vaillant, co-skipper de Actual (ULTIME)

« Ca va, il y a des grains, une mer bien forte mais nous y allons tranquillement. C’est très instable. Il va falloir négocier le rail des cargos de la pointe espagnol, nous avons un petit virement de bord à faire et route vers le sud. La vie à bord s’organise mais quand tu vois une histoire comme celle de Lionel, tu fais encore plus attention. Nous ne sommes pas surpris par les conditions mais comme nous ne connaissons pas très bien le bateau, nous perdons un peu de temps dans cette phase d’apprentissage. »

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