Dans les coulisses du Pôle Finistère Course au Large
Créé en 1990 sous l’impulsion de grands champions tels que Michel Desjoyeaux, Jean Le Cam, Roland Jourdain, Jean-Luc Nélias, Marc Guillemot, Jacques Caraës ou encore Bertrand de Broc, convaincus de l’intérêt de se regrouper afin de mutualiser leur préparation sportive, et avec l’appui de Christian Le Pape, alors cadre à la Direction Départementale Jeunesse et Sport, et de Loïc Ponceau de Nautisme en Finistère, le Pôle Finistère Course au Large est aujourd’hui devenu la référence incontournable en matière de préparation des athlètes de haut niveau à la course au large. De fait, l’idée selon laquelle on peut optimiser la performance en solitaire en s’entraînant collectivement, est intelligente et efficace car basée sur l’échange et le donnant-donnant. Les plus grandes stars de la voile ont rapidement validé la méthode. Aujourd’hui, pas moins de 28 (21 en IMOCA, quatre en Class40 et trois en Ultim) des 84 skippers engagés dans la 12e édition de la Transat Jacques Vabre sont issus de la structure. Le Pôle Finistère a accompagné plus particulièrement 8 équipages IMOCA (Banque Populaire VIII, Edmond De Rothschild, Maître Coq, PRB, Queguiner-Leucemie Espoir, Safran, SMA, St Michel – Virbac) jusqu’aux derniers moments avant le départ de la course. Ce samedi en fin d’après-midi, ils avaient justement rendez-vous pour un ultime briefing et ce n’est autre que Jean-Yves Bernot qui leur a apporté son expertise et son regard sur la situation météo prévue sur le parcours. Alors, comment travaillent-ils avant une transat de ce type ? Eléments de réponse.
Deux cent cinquante heures de navigation et 2 330 milles parcourus depuis le mois de juin dernier : voilà ce qu’ont engrangé huit des vingt IMOCA en lice dans la Transat Jacques Vabre pour se préparer à l’épreuve dans le cadre des stages proposés par le Pôle Finistère Course au Large de Port-la-Forêt. « Au total, nous en avons organisé six. A chaque fois, nous avons été dans le compromis avec une problématique principale : l’évaluation entre les dérives droites et les foils. Reste que si nous avons évidemment axé nos thématiques d’entraînement sur des comparaisons de performance, nous n’avons pas négligé les autres aspects : l’histoire commune du duo, les trajectoires… De fait, avoir une Porche, c’est super, mais si elle ne fonctionne que sur deux roues, c’est parfois aussi bien d’avoir une 4L qui marche à 100%. Voilà pourquoi, au Pôle, nous sommes clairement dans une démarche d’optimisation à la fois des bateaux et des équipages », souligne Christian Le Pape, le Directeur de la structure qui a bien compris, et depuis longtemps, que mélanger plusieurs des meilleurs skippers français était assurément la clé du succès. « C’est notre valeur ajoutée », concède t-il. La méthode a fait ses preuves et continue de le faire. Le Pôle Finistère Course au Large n’a-t-il pas accompagné les quatre derniers vainqueurs du Vendée Globe ? Si, et il se pourrait bien qu’un ou plusieurs futurs vainqueurs de la Transat Jacques Vabre, mi-novembre, soient aussi issus de cette véritable usine à champions qui sait régulièrement remettre en question et adapter ses méthodes de travail. « Il y a quelques années, lors des stages, nous travaillions essentiellement les manœuvres autour des Glénan. Depuis quelques temps, la tendance est plutôt aux sessions de 24 heures au large », détaille Christian qui s’est entouré des meilleurs experts pour accompagner ses coureurs, à commencer par Jean-Yves Bernot, navigateur-routeur dont la réputation n’est aujourd’hui plus à faire et qui collabore avec le Pôle depuis près d’une quinzaine d’années. C’est lui qui distille ses précieux conseils lors des différents stages météo mis en place par le Pôle, ceux-là mêmes qu’ont suivis assidument les sociétaires en lice de la Route du Café 2015.
Météo pure et stratégie : une formation complète
« La préparation de la Transat Jacques Vabre fait, en réalité, partie de la préparation au Vendée Globe, tout comme celle de la B to B. Les gens qui participent aux stages n’ont donc pas comme objectif principal et unique de gagner la transat entre le Havre et Itajaí, mais de préparer leur futur tour du monde. Cela signifie qu’ils ont tous une bonne culture en météo et en stratégie car nous l’avons mise au point depuis très longtemps. Pour cette Jacques Vabre, il y a, bien évidemment, eu des stages particuliers en fonction du parcours et comme il se trouve qu’il ressemble justement bien à un début de tour du monde, il nous a intéressé d’autant plus », a commenté Jean-Yves Bernot qui promulgue à ses disciples à la fois des enseignements purement météorologiques, c’est-à-dire la connaissance des phénomènes qu’ils vont rencontrer, puis des enseignements stratégiques.
« C’est quand même ça le but de la manœuvre ! », note le navigateur. « Cela passe la pratique des logiciels qu’ils commencent à bien connaître puis par l’étude de cas historiques. L’idée est en fait de leur donner des reflexes car il est important d’être affûté stratégiquement pour ne pas se faire dépasser lorsque la fatigue est là. Nous montons clairement le niveau assez haut pour qu’ils aient de bons systèmes de décisions », a détaillé Bernot qui avait donné rendez-vous aux skippers du Pôle à 17 heures, ce samedi, pour un ultime briefing météo avant le coup d’envoi de la course, programmé demain à 13h30, au large du cap de la Hève.
« Un briefing de ce type a lieu traditionnellement toutes les veilles de grand départs. Les enjeux sont importants et cela crée une sorte de petite routine pour les marins. Pour eux, c’est un moment convivial qui contribue à faire baisser un peu leur niveau de stress avant le coup de canon. Cela les met véritablement en « mode course », a expliqué Christian Le Pape.
« On leur donne tous les éléments mais la décision leur appartient »
Alors à quelle sauce vont-ils être mangés cette fois ? « La Manche ne va pas leur poser de problème car ils vont débouler au portant avec du vent de sud-ouest pour 15-20 nœuds. C’est en réalité dans le golfe de Gascogne, vers 6° ouest, le lundi matin pour les IMOCA, que les emmerdements vont commencer avec beaucoup de vent et beaucoup de mer. Les conditions seront en fait automnales en Atlantique nord, mais elles ne seront pas faciles pour faire une course. Il faudra faire un choix mais il n’y aura, dans tous les cas, pas beaucoup de place pour se cacher », a noté le routeur qui annonce deux options : soit filer au large avec encore plus de vent mais un meilleur angle par rapport à la mer, soit faire une route plus directe mais se faire secouer copieusement quand même et au près. « Pour faire simple, ils auront le choix entre la peste et le choléra et ça va rester très désagréable qu’au 27 au soir. Il leur faudra donc réussir à passer cette difficulté sans rien casser et en étant dans une position à peu près correcte pour commencer à réfléchir à la suite », a-t-il ajouté. Après, ça ira ça déroulera effectivement mieux, mais il leur restera malgré tout un paquet de pièges à déjouer : la bordure de l’anticyclone des Açores vers Madère, la transition vers les alizés, le Pot-au-Noir bien sûr, puis l’arrivée sur Itajaí. « Celle-ci n’est jamais très simple car mine de rien, cette partie du Brésil est un peu en limite des systèmes frontaux qui viennent de l’océan Austral », a déclaré Jean-Yves qui avoue ne pas avoir encore regardé si loin. « Faire des pronostiques à si long terme, c’est scabreux car tout va dépendre la façon dont ils vont enquiller la dépression qui nous occupe », a-t-il avoué. « Je leur ai exposé ma vision de la situation, ils ont posé des questions et nous avons discuté. Ils ont un maximum d’éléments en leur possession. Maintenant, c’est à eux de prendre leurs décisions », a conclu Bernot.
Les 28 coureurs du Pôle Finistère de Course au Large engagés dans la 12e Transat Jacques Vabre :
Ultim :
Francois Gabart, Roland Jourdain, Jean-Luc Nélias,
IMOCA :
Romain Attanasio, Jérémie Beyou, Charles Caudrelier, Sébastien Col, Charlie Dalin, Samantha Davies, Fabien Delahaye, Michel Desjoyeaux, Jean-Pierre Dick, Yann Eliès, Sam Goodchild, Marc Guillemot, Sébastien Josse, Morgan Lagravière, Armel Le Cléac’h, Philippe Legros, Nicolas Lunven, Paul Meilhat, Eric Péron, Vincent Riou, Erwan Tabarly,
Class40 :
Jack Bouttell, Corentin Horeau, Gildas Mahé, Nicolas Troussel,