Grises mines avant le bleu du ciel
Le coup de vent avait beau être prévu, la violence des éléments a néanmoins surpris les équipages cueillis par le front en milieu de nuit dernière. L’équipage de Cheminées Poujoulat qui avait déclenché sa balise de détresse en début de matiné e a été hélitreuillé par la Marine portugaise en direction de l’île de Terceira. PRB, quant à lui, fait route sur Horta. La tête de flotte a déjà le regard tourné vers la négociation de la route du sud.
Sains et saufs. Prévenus à 12h54 du succès de l’hélitreuillage de Bernard Stamm et Jean-François Cuzon, leurs familles, l’équipe technique et l’organisation de la Transat Jacques Vabre pouvaient respirer. Depuis l’île de Terceira, au nord de l’archipel des Açores, ils devraient maintenant rallier le port d’Horta pour tenter d’organiser un remorquage de leur bateau.
A bord de PRB, Vincent Riou et Hugues Destremau ne cachaient pas leur déception. Les deux hommes savaient qu’ils partaient sur un bateau parfaitement préparé. Ils avaient eu le sentiment d’avoir négocié avec beaucoup de prudence le passage du front dans la nuit, mais une cloison fissurée a mis à mal leurs espoirs de victoire. Vincent et Hugues font route, eux aussi, sur Horta où ils évalueront leurs chances de finir la course.
Class 40 : « good game »
Les jeunes Britanniques de Concise 2 n’ont visiblement aucun complexe. Accrochés aux basques des deux baroudeurs d’expérience que sont Yannick Bestaven et Eric Drouglazet (Aquarelle.com), Ned Collier Wakefield et Sam Goodchild manient avec autant de dextérit&e acute; le sens de l’humour que la barre de leur Class 40. Parlant d’une « mer intéressante » en évoquant les 64 nœuds de vent qu’ils avaient subi au sein du front qui a touché la flotte en fin de nuit. Les deux tandems ont maintenant creusé un écart tout à fait significatif sur le reste de la flotte menée par ERDF des Pieds et des Mains. Damien Seguin et Yoann Richomme poursuivent leur route légèrement décalée dans le sud de leurs poursuivants et espèrent bien en tirer les dividendes d’ici quelques jours. En revanche, l’affaire semble moins bien emmanchée pour Partouche, prisonnier des petits airs au large de Lisbonne. A noter aussi, le retour de Groupe Picoty qui pointe maintenant en quatrième position. Jacques Fournier et Jean-Christophe Caso voient ainsi leur régularité récompensée. Reste que les Clas s40 n’en ont pas fini avec le mauvais temps.
Imoca : négocier l’anticyclone
Pour la flotte des Imoca, le plus dur devrait être maintenant derrière eux. Les monocoques filent maintenant à bonne allure, cap au sud-ouest. Il reste encore un front à passer la nuit prochaine mais ensuite, les conditions devraient s’améliorer nettement. La grande question va être de savoir comment négocier l’anticyclone qui s’étend vers le sud-est après s’être formé dans le sud de Terre-Neuve. Après plusieurs heures à bonne allure, les tandems devraient avoir à traverser une petite dorsale anticyclonique avant d’espérer rejoindre les alizés. Pour les &eac ute;quipages, dont plusieurs se sont déclarés groggys après le coup de vent encaissé, c’est de leur capacité à se remobiliser rapidement que va dépendre leur classement à venir. La flotte des IMOCA s’aligne sur un axe nord-ouest sud-est avec en têtes de file, du nord au sud, Virbac-Paprec 3, Banque Populaire et MACIF. Hugo Boss qui a longtemps mené la flotte, se situe légèrement en retrait après avoir dû réparer quelques avaries mineures.
Multi 50 : en régate plus que jamais
On pouvait craindre pour les deux Multi 50 encore en course au vu des conditions annoncées. Force est de constater que tant Actual que Maître Jacques se sont formidablement bien comportés dans le mauvais temps. Les deux Loïc, Féquet et Escoffier, ont crânement joué leur chance dans une route à l’ouest quand Yves Le Blévec et Sam Manuard avaient opté pour une route plus conservatrice, au risque de perdre des milles. Les deux équipages ont bien tiré leur épingle du jeu en passant sans bobo. Du même coup, les deux bateaux ne sont plus qu’à quelques milles d’écart en distance au but et devraient nous offrir une belle bagarre jusqu’à la première marque de Saint-Barth. La course reprend tous ses droits…
Ils ont dit :
Bernard Stamm (Cheminées Poujoulat) à son retour à terre :
« Ça s’est passé en tout début de nuit. Dans la dépression, on s’attendait à avoir pas mal de vent. On avançait à une quinzaine de nœuds, au reaching (vent de travers). En fait, on se préparait à prendre le deuxième ris et à mettre l’ORC. Je suis rentré dans le bateau pour aller chercher quelque chose et c’est là que j’ai vu qu’il était plein d’eau. Le gennaker qui était dans la soute migrait tout seul dans la cellule de vie. C’était un gros problème en vue. On a immédiatement roulé la voile d’avant et arrêté le bateau. C’était visible que la voie d’eau était très importante. Il fallait rapidement sécuriser le bate au et nous sécuriser nous. Jeff s’est occupé de réunir le matériel de sécurité pour être prêt à évacuer si besoin et de mon côté, j’ai essayé d’évacuer l’eau avec la pompe. On a eu de l’électricité encore un bon moment. A l’avant, les portes étanches étaient fermées ce qui permettait de séparer les compartiments. On a vu qu’on arrivait à étaler l’entrée d’eau : le bateau n’allait pas couler. Il a fallu faire des choix. S’assurer que le bateau ne coulait pas. On a essayé de voir si on pouvait se faire aider sans déclencher notre balise de détresse, mais ce n’était pas le cas, la mer était trop mauvaise pour que quelqu’un vienne nous aider. On a même essayé de naviguer, mais on a rapidement abandon né car on remplissait le bateau en force. Après on s’est dit que vu la météo, vu les conditions, ce n’était pas raisonnable de rester. Donc on a déclenché la balise de détresse. L’hélitreuillage, s’est très bien passé. Juste avant, on a pu complètement sécuriser le bateau. On a attendu les secours. Une fois qu’ils sont arrivés, ils nous ont dit ce qu’il fallait faire. On a mis le radeau de survie à l’eau. On a débarqué avec les balises de détresse, on a embarqué dans le radeau de survie, coupé les liens qui nous retenaient au bateau. Ensuite, on s’est fait hélitreuiller. » Les deux hommes ont été ramenés à la base aéronavale de Terceira. L’équipe technique est en train de s’organiser pour aller chercher le 60 pieds Che minées Poujoulat. Vraisemblablement via un bateau qui partirait de Horta.
Ned Collier-Wakefield, Concise 2 :
« Cela s’est un petit peu calmé, mais l’état de la mer est toujours intéressant. On a eu 64 nœuds dans le front que nous avons traversé à environ 8h00 ce matin. Mais maintenant nous avons plongé dans le su d et le soleil est revenu. C’est bien mieux.
On a dû virer au moment où la bascule est arrivée. C’était très fun. Au final nous n’avons pas eu de soucis. Nous naviguons avec 3 ris, mais tout va bien. Le bateau tape juste dans une mer très forte en ce moment.
Nous allons bien, il faut juste qu’on range le bateau à nouveau. C’est un peu le désastre en bas, il y a de tout partout, mais on a pu éponger et ranger un peu. Nous avions préparé le bateau et nous étions prêts mentalement. Nous avions toutes les voiles sur le pont pour le changement à venir, nous avons pris le 3e ris et nous nous sommes beaucoup alimentés. Nous étions parés.
On fait un peu de sud et ensuite nous allons devoir virer de nouveau pour traverser le prochain front. Ca va être sportif ! J’espère que nous allons pouvoir rester au contact (d’Aquarelle.com) pendant toute la traversée de l’Atlantique. »
Bruno Dubois, Gamesa :
«Ça va, comme dans n’importe quelle période crise ! Hier soir, on naviguait en bâbord et le vent a basculé en trois secondes de 100°. On s’est retrouvé à faire un manque à virer, quille sous le vent, ballast sous le vent ! Mike a fait preuve de sa sagesse habituelle et ses compétences pour gérer ça. On s& rsquo;est fait rouler un petit peu, ce qui m’a coûté un petit œil au beurre noir au passage. C’est comme si je venais de finir un match de rugby France – Angleterre ! On n’a plus de girouette pour le vent, ni speedo. On a des petites casses mais ça va. On espère avoir du portant, du soleil et de la chaleur très bientôt. »
Les positions des bateaux ce lundi 7 novembre à 17h00:
IMOCA :
1 – Virbac Paprec 3 (Jean-Pierre Dick – Jérémie Beyou) : 3217,8 milles de l’arrivée
2 – Hugo Boss (Alex Thomson – Guillermo Altadill) : 17 milles du leader
3 – Banque Populaire (Armel Le CLéac’h – Christopher Pratt) : 18 milles du leader
Multi50
1 – Actual ( Yves Le Blevec – Samuel Manuard) : 3865,2 milles de l’arrivée
2 – Maitre Jacques (Loïc Fequet – Loïc Escoffier) : 13,1 milles du leader
Class40
1 – Aquarelle.com (Yannick Bestaven – Eric Drouglazet) : 3599,9 milles de l’arrivée
2 – Concise 2 (Ned Collier – Sam Goodchild) : 3,3 milles du leader
3 – ERDF Des Pieds et des Mains (Damien Seguin – Yoann Richomme) :79,7 milles du leader