Le chant des Canaries
Comme souvent en course au large, ce sont de nouveau les nantis qui s’enrichissent. En tête de leur classe, Davy Beaudart (Flexirub) en proto et Ian Lipinski (Entreprises Innovantes) en série continuent de creuser l’écart dans les dernières heures de la première étape de la Mini Transat îles de Guadeloupe. Si la lutte reste acharnée pour les places d’honneur, les deux leaders devraient savourer tranquillement leurs derniers bords avant le passage de la ligne. Pendant ce temps, d’autres font une croix sur leur rêve de traversée de l’Atlantique.
En série comme en prototype, cette première étape de la Mini Transat îles de Guadeloupe aura accouché de scénarios forts ressemblants. Au casting de cette première semaine de navigation dans chaque catégorie : un leader sûr de lui et dominateur, un poursuivant qui aura réussi à s’extraire du peloton et une meute de prétendants à leurs trousses. En prototype comme en série, Lanzarote aura juste eu le temps de fêter les deux premiers de chaque catégorie que les arrivées risquent de s’enfiler comme les perles. Et bien malin qui pourrait aujourd’hui donner un ordre d’arrivée précis des cinq premiers tant en série qu’en prototype. C’est dire, si la bataille est acharnée, c’est dire aussi que cette première étape n’aura pas encore livré tout le sel de la Mini Transat îles de Guadeloupe, ces moments où l’on perd le contact avec d’autres concurrents pour se retrouver seul face à soi-même, parfois pendant plusieurs jours.
La solidarité Minis en action
Cette chasse en rangs serrés a l’avantage d’avoir révélé quelques unes des particularités de la classe Mini comme l’incroyable solidarité entre coureurs. Quand on se retrouve bord à bord, on préfère privilégier la navigation de conserve en essayant de tirer le groupe vers le haut qu’une bataille acharnée où l’on va guetter la défaillance du voisin pour enfoncer le clou. Par groupes, on se met d’accord pour séquencer la navigation entre temps de repos où tout le monde réduit pour éviter des départs en vrac et périodes de bagarre où chacun va tenter de prendre l’ascendant sur les autres. Des hiérarchies se dessinent, des alliances de circonstances se font et se dénouent tout au long de cette descente plein vent arrière le long des côtes du Portugal. Il suffit d’un empannage pour qu’un concurrent perde de vue son groupe de chasse et en retrouve un autre, quelques heures plus tard. Parfois même les solidarités vont plus loin. C’est Ian Lipinski (Entreprises Innovantes) qui avoue à la VHF lors d’une conversation avec le PSP Flamant, que moral dans les chaussettes suite à une mauvaise option de navigation en début de course, il s’était refait un optimisme tout neuf grâce aux encouragements d’un de ces plus sérieux adversaires Tanguy Le Turquais (Terréal). C’est aussi cette solidarité qui a mobilisé les copains de Pilar Pasanau (Peter Punk) pour l’aider à repartir dans les temps ou de Fidel Turienzo (Satanas) qui tente de réparer son mât. Avarie ne signifie pas toujours arrêt au stand : Jean-Baptiste Daramy (Chocolat Paries) a, voici deux jours, heurté un objet flottant, de nuit, à 12 nœuds. Tableau arrière arraché, avec un seul safran, il a décidé malgré tout de rester en course, avec pour objectif de gagner Lanzarote où il procèdera aux réparations. Naviguant avec un seul safran, il doit quand il se trouve bâbord amure, naviguer contre-gîté comme lors de ses plus belles années en Optimist. Un exercice sur le fil, usant nerveusement, mais qui témoigne de la volonté du skipper de ne rien lâcher.
Fin de partie
Pour d’autres, le rêve s’est brisé. C’est le cas notamment d’Aymeric Blin (Le Marin des Alpes) qui voit ses espoirs rester à quai à Sada, moral en berne. Le délai de 72 heures au delà duquel un concurrent en escale est déclaré abandon, ne pouvait pas être tenu pour terminer les réparations. Pour lui, l’aventure s’arrête ici, avec son cortège de déceptions et de tristesse au regard de l’investissement demandé pour être présent sur la ligne de départ. La règle des 72 heures peut paraître draconienne, mais c’est aussi pour la direction de course le seul moyen de maintenir un dispositif de sécurité cohérent autour de la flotte des Minis. Plus ce délai est long, plus le risque d’avoir une flotte dispersée tout au long de l’étape est important. Jonas Gerckens (Netwerk) a, lui aussi, annoncé son intention d’abandonner par l’intermédiaire de sa page Facebook. Son abandon sera définitif quand il aura signifié sa décision à la direction de course.
Ils ont dit :
Ian Lipinski (Entreprises Innovantes)
« La course a commencé bizarrement pour moi. Après la phase de pétole, je me suis retrouvé dans les profondeurs du classement à cause de mauvais choix stratégiques. Avec la pression du départ, j’ai un peu craqué. J’ai accusé le coup psychologiquement, j’avais envie de pleurer… Je me suis retrouvé près de Tanguy Le Turquais qui m’a remonté le moral et m’a permis de me remettre dedans. Et pourtant, nous sommes concurrents. C’est ça l’esprit Mini, on joue davantage collectif que perso. Nous nous en sommes finalement bien sortis dans le golfe de Gascogne et nous avons pu repasser dans le groupe de tête au cap Finisterre. On n’a pas beaucoup dormi le long des côtes espagnoles et portugaises. Je suis très content de mon bateau et du projet dans sa globalité. J’ai participé à la construction et au développement de mon Mini. Je le connais vraiment bien et je continue à découvrir des choses. »
Classement du 25 septembre à 18h (TU+2)
Prototypes (Classement Eurovia Cegelec)
- Davy Beaudart – 865 – Flexirub à 157,5 milles de l’arrivée
- Frédéric Denis – 800 – Nautipark à 70,9 nm
- Luke Berry – 753 – Association Rêves à 82,0 nm
- Ludovic Méchin- 663 – Microvitae à 83,3 nm
- Clément Bouyssou – Le Bon Agent ! Bougeons l’Immobilier à 85,4 nm
Séries (Classement Ocean Bio-Actif)
- Ian Lipinski – 866 – Entreprise(s) Innovante(s) à 274,2 milles de l’arrivée
- Tanguy Le Turquais – 835 – Terréal à 30,1 nm
- Charly Fernbach -869- (Hénaff le Fauffiffon) à 48,2 nm
- Julien Pulvé – 880 – Novintiss à 55,9 nm
- Armand de Jacquelot – 755 – We Van à 56,2 nm