Les Régates Royales – Trophée Panerai ont l’habitude d’offrir de belles conditions de navigation en rade de Cannes : une mer désordonnée mais maniable, une brise modérée prenant du coffre au fil de l’après-midi, une débauche de toile envoyée sous un soleil généreux. Cette première manche pour les Yachts de Tradition a comblé public et équipages ! Et les Dragon ont aussi pu déployer leurs ailes sur deux manches toniques dans le golfe Juan…

Pour cette première journée des Régates Royales dédiés aux yachts de tradition, Éole a exprimé son plus beau souffle quand Poséidon éructait une mer chaotique et désordonnée. De quoi ravir les équipages répartis en sept classes pour un tour de baie triangulaire dans une brise de Sud-Ouest d’une quinzaine de nœuds, grimpant jusqu’à vingt pour clore la partie.

Mais si les Grâces, symboles de la splendeur, de l’allégresse et de l’abondance étaient au rendez-vous, se saluant comme dans la Grèce antique du mot « réjouis-toi ! » (χαῖρε), Scylla aussi était tapie dans les eaux troubles de la Grande Bleue… Alors que le coup de canon du départ tonnait au large des Lérins, la nymphe transfigurée en monstre surgit au bateau comité pour éperonner sa rivale ! Le choc fut rude et spectaculaire, mais les équipiers de Mariska furent épargnés de ce coup de rostre d’Elena qui emboutit le bas-hauban tribord et propulsa le 15mJI sur les flots hachés : retour au port et check-up complet avant d’envisager une nouvelle navigation en toute sécurité.

Charites cannoises

Rage, désespoir, infamie… le Jury aura à statuer sur cet abordage. Mais les lauriers n’étaient point flétris pour autant car les quatre-vingt autres nymphes haliennes qui virevoltaient sur les écumes blanchies par humeurs éoliennes, purent exposer tous leurs atours : les voiles de flèche fendaient les nues, les spinnakers et foc ballons s’épanouissaient comme fleurs au printemps, les équipages ahanaient sur des cordages tendus comme des arcs, les étraves creusaient leur sillon comme un laboureur en automne… Et les manœuvres s’enchaînaient dans cette brise de Sud-Ouest d’une quinzaine de nœuds qui avait remplacé le calme matinal aux douze coups de midi : deux bords voire plus pour parer la bouée de dégagement, une descente au portant pour enrouler la bouée de La Napoule, un long louvoyage pour contourner la marque du large avant de redescendre vers Cannes pour un bord final devant le vieux port dans un vent qui ajoutait encore quelques nœuds supplémentaires pour faire surfer les coques parfois centenaires !

Car il y avait bien plus que trois Grâces sur ce plan d’eau gondolé tel un sentier africain après la pluie : Shamrock V, le Class J écossais fut comme à son habitude, le premier à couper le cordon final quand le reste de la flotte bataillait âprement pour le gain d’une ou deux places en temps compensé. Dans une débauche de toile, Moonbeam IV montrait le chemin à son grand frère Moonbeam of Fife et si onze années les séparent à leur mise à l’eau, seules quelques encablures les départagent pour cette première manche des Régates Royales. Les voiliers Auriques profitaient de ces conditions idéales pour exprimer tout leur potentiel et de fait, les « plus âgés des anciens » démontraient que la valeur doit parfois attendre le nombre des années…

La ruse du Dragon

Après la victoire du Britannique Ivan Bradbury (Blue Haze) lundi dans une brise plutôt légère, la deuxième manche des Dragon tombait un peu comme un couperet pour les trente-huit monotypes sur plans Johan Anker ! Car si les équipages ont dû patienter ce mardi matin pour que le vent daigne sortir de son terrier, ils furent aux anges quand la brise commença à rider le golfe Juan : quinze nœuds de secteur Sud-Ouest et un clapot court donnait encore plus de relief aux tacticiens qui devaient prendre en compte l’effet Venturi entre l’île de Sainte Marguerite et la pointe Croisette…

A ce jeu, le rusé germanique Michaël Schmidt (M3) donnait de la voix et défrichait la bonne voie pour s’imposer avec maestria : au cumul des deux régates, l’Allemand prenait le commandement devant le Britannique qui finissait cinquième de cette deuxième manche, tandis que sa compatriote Gavia Wilkinson-Cox (Jerboa) s’adjugeait la troisième marche du podium provisoire à égalité de points avec l’Italien Giuseppe Duca (Cloud). Mais sur le coup de 16h, une nouvelle manche était lancée dans un flux encore plus consistant de Sud-Ouest

Focus sur… les Houaris marseillais

Sur le quai Laubeuf, un espar déborde du port : celui d’Alcyon 1871, le Houari marseillais d’Édith et Marc Frilet… Or lorsque le couple décide de construire à l’identique en 2012 ce voilier de course du 19ème siècle qui a fait les beaux jours de la rade de Marseille, il ne reste aucun plan puisque ces Houaris étaient dessinés par leurs charpentiers. Pour retracer les lignes d’eau et l’incroyable gréement portant 150 m2 au près pour 8 mètres à la flottaison (seule contrainte de jauge à l’époque), 9,30 mètres au pont et près de 21 mètres hors tout, Édith Frilet s’est appuyée sur les archives du journal « Le Yacht », sur le livre d’un de ses ancêtres (Loreto & Horacio) et sur une collection de daguerréotypes pour que l’architecte marseillais Gilles Vaton et le constructeur Daniel Scotto di Perrotolo puissent retrouver les sections.
« Ces bateaux étaient construits à l’unité entre 1850 et 1890, de façon empirique et chantiers comme propriétaires gardaient précieusement leurs plans pour ne pas se faire copier. Alcyon était le Houari marseillais de mon arrière-arrière grand-père, Émilien Rocca descendant des armateurs génois et l’un des fondateurs de la Société Nautique de Marseille (La Nautique) parce qu’il voulait organiser des régates plus affûtées que celles de la Société des Régates de Marseille (SRM) ! Il possédait auparavant le Zingara, racheté par Guy de Maupassant et rebaptisé Bel Ami II… »
Ces Houaris marseillais étaient des bateaux extrêmes en termes de voilure et radicaux par leur largeur de 3,60 mètres, imposant un équipage professionnel puisé parmi les cap-horniers et les matelots des trois-mâts : ils naviguaient jusqu’à plus de trente nœuds de vent ! Mais quand la jauge anglaise a déferlé sur la Côte d’Azur (les Britanniques ont « colonisé » la Riviera à la fin du 19ème siècle), puis quand le monde nautique a adopté la Jauge Métrique en 1906, les Houaris marseillais ont été éliminés en raison de leur trop grande largeur, de leur plan de voilure démesuré, de leur lest mobile et variable inspiré par les Sandbaggers américains
« Alcyon 1871 respecte les plans du voilier familial avec ce gréement houari militaire qui est à l’origine des grand-voiles Marconi ! Avec une bôme de dix mètres et un bout dehors de sept mètres… Pour un poids de cinq tonnes seulement dont 500 kilos dans la quille (1,90 mètre de tirant d’eau) et 700 kilos dans les fonds. Et selon les conditions météo, l’équipage embarquait des sacs de sable dans la brise pour augmenter le lest de 300 à 500 kilos… Car c’est un bateau qui gîte très peu : il est très raide à la toile par ses formes très larges et ses fonds plats. Au final, c’est l’ancêtre des Mini Transat et autres IMOCA ! »

Finale du Trophée Panerai

Pour sa neuvième édition, le Panerai Classic Yachts Challenge s’achève une nouvelle fois avec les Régates Royales de Cannes, un rendez-vous devenu incontournable pour tous les voiliers de Tradition. Le circuit international Panerai s’appuie en effet sur quatre plans d’eau dans le monde avec l’Antigua Classic Yacht Regatta (Antilles : 15-21 avril 2015), la Panerai British Classic Week à Cowes (Angleterre : 18-25 juillet 2015), le circuit Nord-Américain comprenant la Marblehead Corinthian Classic Yacht Regatta (7-9 août 2015), la Nantucket Opera House Cup (12-16 août 2015) et la Newport Museum of Yachting Classic Yacht Regatta (4-6 septembre 2015).

Et en Méditerranée, le Panerai Classic Yachts Challenge inclut quatre rendez-vous majeurs avec les Voiles d’Antibes (France : 3-7 juin 2015), l’Argentario Sailing Week (Italie : 18-21 juin 2015), la Mahon XII Copa del Rey de Barco de Epoca (Baléares : 25-29 août 2015) et les Régates Royales de Cannes (France : 22-26 septembre 2015). Le classement du Panerai Classic Yachts Challenge s’appuie pour le circuit méditerranéen sur ces quatre épreuves pour les quatre catégories retenues : Vintage, Classic, Big Boats, Spirit of Tradition. Cannes est donc l’occasion pour tous ces équipages de mettre en valeur leurs qualités régatières pour conclure ce circuit dans la Grande Bleue…

Le programme des Régates Royales

  • Mercredi 23 septembre : 9h00, briefing skippers Traditions ; 10h00, concours d’élégance des Traditions ; 11h00, course des Dragon (Trophée Champagne Comte de Cheurlin) ; 12h00, course des Traditions.
  • Jeudi 24 septembre : journée Florence Arthaud ; 9h00, briefing skippers Traditions ; 11h00, course des Dragon (Trophée BeachComber Hotels) ; 12h00, course des Traditions.
  • Vendredi 25 septembre : 9h00, briefing skippers Traditions ; 11h00, course des Dragon (Trophée Eutelsat) ; 12h00, course des Traditions : 20h00, remise des prix des Dragon et soirée Tradition-Panerai.
  • Samedi 26 septembre : 9h00, briefing skippers Traditions ; 12h00, course des Traditions ; 20h00, remise des prix des Traditions et cérémonie de clôture.
  • Dimanche 27 septembre : 11h00, course de liaison vers Saint-Tropez.

Acrobates

En fin d’après-midi de ce mardi, les équipiers des Régates Royales ont eu le loisir de démontrer leur agilité : après les ponts couverts d’embruns, c’est à terre qu’ils se sont affrontés amicalement sur le stand de l’AccroVoile, un mât de hunier monté dans le village du quai Laubeuf. Objectif de cette escalade : être le relais de trois équipiers le plus rapide à sonner la cloche en haut de l’espar, à huit mètres de haut… et à redescendre en rappel. Notons que le record de la montée est détenu par Jérémie de Bordeaux en 6,9 secondes !

Prévisions météo

Météo France prévoit pour la journée de mercredi 23 septembre un ciel qui se dégage progressivement au lever du jour et une brise décroissante au fil des heures. De Sud-Ouest 6-7 avec parfois rafales à 8 Beaufort le matin, le vent va tourner de 180° sur les coups de midi avec une brise d’Est 10-15 nœuds mollissant en fin d’après-midi jusqu’à 5-7 nœuds. La mer agitée à forte le matin va s’amortir l’après-midi avec une houle de Sud-Ouest 1,5 à 2 mètres s’apaisant au gré d’un soleil tombant. Bref une fort belle journée pour régater en baie de La Napoule pour les voiliers de Tradition et de quoi lancer plusieurs manches dans le golfe Juan pour les Dragon !

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