Encore heureux qu’il fasse beau… A maintenant deux jours du départ de la Mini Transat îles de Guadeloupe, les solitaires engagés dans l’épreuve sentent insidieusement la pression les envahir. Tous ne réagissent pas de la même manière, chacun a ses petites astuces pour faire baisser la pression. Se concentrer sur la nourriture à embarquer en est une : les plaisirs matériels retentissent forcément sur le bien-être des âmes.

A deux jours du départ, les skippers sont quasiment fin prêts. L’ensemble des concurrents s’est mis en configuration course et, à quelques exceptions près, tout ce petit monde est prêt à prendre la mer. Ne restent plus à embarquer que les vivres frais qui feront l’objet de livraisons de dernière minute. Pour cette première étape, relativement courte, les navigateurs raisonnent avant tout en tenant compte du fait qu’ils vont passer beaucoup de temps sur le pont. Personne n’envisage de passer plus de temps que nécessaire aux fourneaux. Les petits amuse-bouche, les barres énergétiques et autres douceurs auront autant leur place que la nourriture lyophilisée, encore choisie par la majorité des coureurs, ou les conserves appertisées qu’il suffit de réchauffer dans de l’eau chaude. Pour la deuxième étape, ce sera une autre paire de manches : il s’agira de durer, d’adopter des rythmes réguliers, de tenir une même cadence plus de quinze jours durant. Deux étapes, deux philosophies pour une même course.

Soupapes

A deux jours du départ, la pression commence à monter avant le grand saut. Question de caractère et de vécu antérieur, tous ne vivent pas l’expérience de la même manière. Certains sont envahis par le stress et choisissent de faire avec, quand d’autres ne semblent pas véritablement atteints par l’angoisse du départ. Entre un Ian Lipinski, soudainement sujet à une crise d’angoisse passagère, et un Pierre-Marie Bazin qui a choisi de faire abstraction de toute gamberge avant le départ, ce sont deux mondes. Le premier porte les oripeaux de favori dont il aimerait bien se débarrasser quand l’autre savoure le bonheur tout neuf d’être père et relativise les enjeux en pensant à l’association Voiles des Anges dont il porte les couleurs. Ce sont en effet plus de 400 familles qui ont perdu un enfant prématurément, qui accompagneront Pierre-Marie dans sa traversée de l’Atlantique.
Certains portent leur stress avec une relative décontraction : ils savent que les dernières heures seront difficiles à vivre, avec l’angoisse d’avoir oublié le détail qui va devenir le grain de sable de leur belle mécanique. Clément Bouyssou l’avoue tout à trac : chez lui, le stress est une seconde nature, mais il sait que ses performances n’en seront pas affectées. Dès lors qu’il sera en mer, la course reprendra totalement ses droits.
Enfin, il y a ceux qui ne semblent pas atteints par cette satanée pression. Davy Beaudart, grand favori, l’avoue sans ambages : avec trois départs de Mini Transat sous la quille, un bateau prêt et les résultats positifs de l’avant-saison, il n’y a aucune raison de se faire du mouron. C’est un peu le même état d’esprit qui anime Ludovic Méchin, même si par moments, le navigateur varois se surprend à s’inquiéter de se sentir aussi prêt à quelques heures du départ. A chacun ses petites contradictions…
Générateur de performance ou gêneur, le stress est une composante incontournable d’un départ de course transatlantique. Mais au bout du compte, il n’aura que peu d’influence sur les performances : certains grands acteurs sont littéralement malades de trac avant d’entrer en scène. Ici, les tréteaux sont liquides et le plateau s’ouvre sur l’horizon, mais ici aussi, quoiqu’il advienne « the show must go one ».

Ils ont dit :

Henri Marcelet (Région Nord Pas de Calais)

« La tension commence à venir un peu, aujourd’hui. On sent que ça approche, ça s’agite sur le ponton… Je crois que tout le monde est pressé de partir. Comme les conditions météo sont tranquilles, ça change sensiblement la donne. J’avais bien anticipé en amont, c’est beaucoup de temps et d’énergie de gagnés.
Ce matin, je suis venu à pied de Tréboul, j’ai eu envie de marcher un peu tranquillement, ça fait du bien… En fait, je crois que je ne réalise pas trop que dans deux jours, je vais vivre ce dont je rêve depuis deux ans. »

Quentin Vlamynck (Arkema)

« Je ne suis pas stressé. La météo est parfaite, j’ai surtout hâte de partir. Je suis allé à la Thalasso hier, puisqu’on nous avait offert une balnéothérapie, cela aurait été dommage de ne pas en profiter ! »

Ian Lipinski (Entreprises Innovantes)

« Pour évacuer le stress, l’idéal c’est de faire du sport. Je me suis aussi essayé à la sophrologie… Mais je suis souvent comme ça dans les jours qui précèdent le départ. J’ai hâte d’être en mer, seul sur le bateau, ça remet les choses en place. »

Clément Bouyssou (Le Bon Agent)

« Les derniers jours sont toujours difficiles. Entre la pression qui monte, la famille, les proches qui viennent t’encourager mais que tu n’as pas le temps de voir parce que tu as plein d’autres choses à penser, ce sont des instants délicats. Mais je sais qu’une fois que je serai à la latitude de Penmarc’h, j’aurai déjà évacué tout ça. »

Ludovic Méchin (Microvitae)

« Non, je ne ressens pas vraiment de stress, ça m’étonne même un peu. Je sais qu’a priori, je suis prêt. Le fait de partir pour une deuxième édition, ça change aussi clairement la donne… D’une certaine manière, on sait où on va. »

Pierre-Marie Bazin (Voiles des Anges)

« Le meilleur moyen de ne pas avoir de pression ? C’est simple, tu deviens père de famille à quelques jours du départ. C’est clair que pendant quelques jours, la préparation de la course devient le cadet de tes soucis. J’avais fait attention de bien me préparer en amont… Du coup, tout se passe parfaitement. »

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