Marseille fait tourner la tête
Deux jours après le cauchemar de Gruissan, Pierre Pennec survole le raid côtier de Marseille, devant PRB et Vannes Agglo – Golfe du Morbihan, mercredi. A trois journées de la fin, Groupama reprend la tête du classement général à CombiWest, 9e du raid, avec trois points d’avance.
Jamais, depuis la prise de pouvoir de Groupama à Fécamp, il n’y avait eu si peu d’écart entre le leader et son second. En remportant à Marseille son quatrième raid côtier en huit Actes, Groupama a repris ce mercredi la tête du 38e Tour de France à la Voile, au détriment de CombiWest, et compte aujourd’hui trois points d’avance sur son rival breton. Un peu comme à Gruissan, il y a trois jours, les cartes ont été rebattues par le parcours concocté par le Tour de France sur le merveilleux plan d’eau de Marseille : un raid de 20 milles entre la plage de Bonneveine, l’auguste Frioul et les Goudes, à l’entrée des calanques. Non dépourvu de subtilités, il s’est révélé plus aisé que prévu, lissé par une brise thermique modérée et régulière.
Piloté par Billy Besson, PRB signe le meilleur départ, emmenant à la bouée de dégagement Groupama, les amateurs de Vannes Agglo – Golfe du Morbihan et Grandeur Nature Véranda. Le jeu à quatre se prolonge en rangs serrés jusqu’au port autonome, PRB disputant le plus souvent la tête au Diam vert qui allonge la foulée. Aux premières loges une fois de plus, Vincent Riou (PRB) partage son point de vue sur le match en tête de la course : « On prend un excellent départ et on arrive au bord de dégagement à être les premiers à terre, un gros avantage parce que l’air y était plus fort et mieux orienté quand on s’approchait de la côte au niveau de Pointe Rouge. On perd la tête au profit de Groupama sur le grand bord au portant qui nous emmène au port autonome, mais on parvient à recoller une fois devant, derrière le Frioul, mais on ne parvient pas à transformer : il nous manque un petit rien de vitesse. »
Pennec revanchard
Aidé par sa capacité de vitesse pure, Groupama parvient à se ménager une marge confortable, pas outrancière, mais suffisante pour couper la ligne en leader. « Ce n’est pas un coup de chance, ni un coup stratégique à droite ou à gauche qui nous permet de gagner, rapporte Pierre Pennec, heureux de gommer sa bévue dans le stade nautique de Gruissan (alors qu’il menait largement une manche en stade nautique, Groupama s’était engagé comme pour faire un troisième tour de parcours, alors que seuls deux étaient programmés). On domine ce raid grâce à tout un ensemble de détails sur le fonctionnement et, ça, c’est le plus important. C’est vrai que nous allons plus vite que certains bateaux à certains moments, mais on travaille vraiment dur sur le bateau. Depuis l’arrivée de Billy Besson sur PRB, le bateau va plus vite. Pourtant, c’est le même bateau, mais avec un autre barreur. On a bossé toute l’année et, moi, ça fait 20 ans que je fais du multicoque. Qu’est-ce que je peux répondre à ceux qui font du multi depuis six mois et qui trouvent que notre bateau est très rapide ? Eh bien, on verra comment ils avancent dans 15 ans. »
Trois coques, trois jours, trois points
Si le classement général bascule à nouveau en Méditerranée, c’est parce que, de son côté, CombiWest a connu une journée « pas noire, mais grise », résume Frédéric Guilmin dans un timide sourire. « 0n attaque mal, avec un départ et un premier bord mal inspirés. Avec le vent stable et le parcours qui nous faisait avancer un peu à la queue leu leu, le passage à la première bouée en 20e position nous a été fatal. Avant le départ, on s’était dit que chaque point allait compter et les gars se sont beaucoup battus pour remonter à la 9e place du raid. Mais ce n’est pas parce qu’on fait une place moyenne qu’il faut tout remettre en question. »
C’était chaud du nord au sud !
L’image du jour, c’est le flotteur bâbord de lafrancedunordausud.fr, éventré par une collision avec West Courtage – Ecole Navale, et qui, sur le paddock, se soulage des dizaines de litres d’eau amassés sur le chemin du retour. Tout en voulant éviter le Diam 24 d’Aurélien Ducroz, le trimaran barré par Christian Ponthieu vient planter son étrave dans le flanc bâbord du bateau du double champion du monde de ski freestyle. Quelques contusions, des hématomes, mais rien de grave. Restera cette image forte, témoin de la lutte que se livrent les 28 équipages depuis le début du Tour.
ILS ONT DIT
Pierre Pennec (barreur de Groupama), vainqueur du raid et leader du classement général :
« A Gruissan, on a laissé pas mal de points, sans avoir mal navigué. On a fait une erreur d’école de voile mais, pour le reste, on a montré qu’on allait vite. Sur le départ du raid côtier de Marseille, au près, on a pris un bon départ. On était vraiment à l’aise par rapport à nos concurrents, ce qui nous a permis de passer deuxième. Avec Romain Motteau, on bosse vraiment bien dans les réglages et dans les déplacements et Quentin à la navigation a été très à l’aise. C’est ce que je retiens pour la suite. Ce n’est pas un coup de chance, ni un coup stratégique à droite ou à gauche qui nous permet de gagner, mais tout un ensemble sur le fonctionnement et, ça, c’est le plus important. C’est vrai que nous allons plus vite que certains bateaux à certains moments, mais on travaille vraiment dur sur le bateau. Depuis l’arrivée de Billy Besson sur PRB, le bateau va plus vite. Pourtant, c’est le même bateau, mais avec un autre barreur. On a bossé toute l’année et, moi, ça fait 20 ans que je fais du multicoque. Qu’est-ce que je peux répondre à ceux qui font du multi depuis six mois et qui trouvent que notre bateau est très rapide ? Eh bien, on verra comment ils avancent dans 15 ans. Groupama Team est venu pour gagner le Tour de France à la Voile, l’équipage veut gagner le TFV et je veux gagner ce TFV. On est venu pour ça et si on fait deuxième ce sera une défaite. »
Frédéric Guilmin (skipper de CombiWest), 9e du raid, 2e du classement général :
« 0n attaque mal, avec un départ et un premier bord mal inspirés. Aujourd’hui, avec le vent stable et le type de parcours un peu à la queue leu leu, le passage à la première bouée en 20e position était fatal. Avant le départ, on s’était dit que chaque point allait compter et les gars se sont beaucoup battus pour remonter à la 9e place du raid. La journée n’est pas noire, elle est juste grise. Ce n’est pas parce qu’on fait une neuvième place qu’il faut tout remettre en question. On est dans une dynamique hyper positive depuis Pornichet.
Evidemment, on ne va pas faire croire que ce n’est pas grave, on va en parler tranquillement ce soir. On retrouve la position de deuxième du classement général qu’on a occupée un bon moment et, quand on est deuxième, si on dépasse le premier, on devient… Premier. C’est toujours notre objectif. On n’a plus la pression, c’est Groupama qui l’a à nouveau. Peut-être est-ce mieux, sur ce Tour, d’être le chasseur que le chassé. D’ailleurs, dans notre idée, on se disait que ça serait top de prendre la tête à Nice, seulement (rires). On recule un petit peu, le bond vers l’avant sera plus grand maintenant. »
Vincent Riou (skipper de PRB) :
« Ça fait du bien ! Voici quelques jours que nous ratons nos fins de journée. Ça récompense notre boulot, ça met le groupe dans une bonne dynamique pour la fin du Tour. Ça va forcément compter, même si on ne se souciera vraiment du classement qu’à la fin du Tour. On va avoir du mal à aller dans les cinq premiers désormais, mais on a toujours considéré la cinquième place comme ce qu’il pouvait nous arriver de mieux sur ce Tour. Si on arrive à ne pas en être trop loin, on ne s’en plaindra pas. La régate en multicoque n’est pas notre métier, même si on a embarqué Billy Besson, qui est un grand champion du multicoque. On passe un bon moment en progressant, ce qui est très important. Le groupe progresse et moi aussi, j’ai d’ailleurs regardé Billy faire mon métier, puisqu’il a pris la barre ; j’observe, sa façon de fonctionner, ce qui semble important pour lui, et, à Nice où je prendrai la barre, j’essaierai d’appliquer ce que j’ai pu noter et ce que j’ai appris grâce à son aide. »
Moana Vaireaux (barreur de Sodebo), 6e du raid :
« On prend un départ à peu près correct au comité, tandis qu’un petit paquet passe devant en bout de ligne ; et on passe la première bouée aux alentours de la 10e place. Au premier bord de portant, on prend une bonne option en allant chercher les deux cardinales sous le Frioul, ce qui nous permet de passer cinquième en bas. Au près, on a un peu moins de vitesse, on alterne un moment entre la 5e et la 7e place, et on finit par céder la 6e place à Spindrift qui va vite sur le dernier bord. On est content, les conditions étaient dingues, meilleures encore que les autres jours : c’était cool, il y avait des petits surfs à prendre, le paysage sur les îles est splendide ; on aimerait bien faire une manche dans les trois, on va y arriver. Ça a joué : devant, entre le premier et le cinquième, ça a bien tourné, avec un gros match entre PRB et Groupama, et un autre entre les trois suivants. Nous, avec Spindrift et Beijaflore, on s’est échangé les places tout le reste. Il n’y avait pas de gros coups à jouer, mais des petits placements. On est resté concentré du début à la fin, au pilotage et au placement. »