Droit devant, bride sur le cou
Les gens heureux n’ont pas d’histoire. Il ne se passe pas grand-chose sur cette étape, si ce n’est que toute la flotte bouffe allègrement des milles, en moyenne 250 par jour. A bord, chaque équipage s’efforce de trouver le bon rythme, où l’on fait avancer le bateau au maximum de son potentiel sans tirer trop, ni sur les bonhommes, ni sur le matériel. Petit à petit, une routine quotidienne s’installe entre temps de repos, quarts de barre obligatoires, réglages, et anticipation éventuelle de la météo.
Masai, tenant de la route sud
Cette étape retour se joue pour l’instant sur des détails. Un bon timing pour le virage à droite, ni trop sud au risque de vents plus faibles, ni trop nord pour ne pas rallonger la route, a propulsé Le Conservateur en tête de flotte. Depuis Yannick Bestaven et Pierre Brasseur s’efforcent de contrôler leurs adversaires à distance. Imperceptiblement, les deux leaders grappillent des degrés sur la route et réduisent l’écart latéral sur les hommes du nord. C’est un exercice subtil, qui suppose un certain doigté, mais le fait est que cet écart latéral qui était de 35 à 40 milles ce matin, a fondu de presque 10 milles dans la journée.
Tranquilles ou volontaires
Suivant leur classement, les compétiteurs ont l’humeur plus ou moins badine. A bord du Conservateur, on évoquait « des alizés de sud-ouest », quand sur Solidaires En peloton ARSEP, Thibaut Vauchel-Camus évoquait les recadrages tactiques et autres péripéties comme une montée en tête de mât pour réparer une têtière de grand-voile défaillante. Derrière, on prend son mal en patience : à bord de Groupe Setin, Manuel Cousin et Gérald Queounon sont toujours à la recherche du nœuds de vitesse supplémentaire qui permettrait de rivaliser avec les meilleurs. Malgré toute la bonne volonté des marins, le poids des ans joue aussi sur les bateaux.
Chacun sa vérité
D’autres continuent de croire en leur bonne étoile. A bord de TeamWork40 et Carac Advanced Energies on continue de tabler sur une extension de la dorsale vers le nord à l’approche du golfe de Gascogne quand, à rebours, les Italiens de Colombre XL et, dans une certaine mesure, les Néerlandais de Masai, ont misé une grosse pièce sur son effondrement et la possibilité pour eux de continuer de faire route directe sans devoir empanner. Autant dire, que les analyses des prochains fichiers de vent reçus et la surveillance rigoureuse du baromètre vont compléter avantageusement les heures de barre à se relayer sur le pont.
Seul véritable changement dans la cavalcade qui emmène les coureurs vers les Sables d’Olonne, le temps. Au grand soleil des derniers jours, a succédé un temps gris, humide rappelant opportunément à certains que la gourmandise est un vilain défaut. Enquiller plus de 250 milles par jour, sous spi, par une mer bien ordonnée, sous le soleil… on aurait fini par croire que la course au large était une sinécure.