Alors que Sodebo Ultim’, le trimaran géant de Thomas Coville, est remis à l’eau aujourd’hui à Lorient, son skipper revient sur les travaux réalisés pour réparer et optimiser l’ex-Geronimo d’Olivier de Kersauson. L’équipe technique Sodebo Ultim’ ne pouvait se contenter de reconstituer les parties avant du flotteur tribord et de la coque centrale, arrachés lors de la collision nocturne avec un cargo, quelques heures après le départ de la dernière Route du Rhum. Il fallait profiter de cet important chantier pour optimiser ce bolide conçu pour disputer les plus grandes épreuves et records océaniques.

LES REPARATIONS

Les analyses très pointues des deux experts mandatés pour radiographier le bateau et le mât ont rapidement rassuré l’équipe technique, l’intégrité structurelle du bateau était intacte.

La reconstruction des deux parties manquantes – 13 mètres de coque centrale et 10 mètres de flotteur tribord – a pris du temps : il a été nécessaire de reconstituer des moules complets, ce qui représente un travail titanesque. « Une fracture ouverte, explique le skipper, ça fait mal ! Et les modes de construction modernes sont complexes sur un prototype de course comme celui-ci. Il ne s’agit pas d’un échange standard d’une pièce endommagée ! » Thomas Coville et son équipe ont choisi de travailler en collaboration avec Gepeto Composite, un chantier lorientais équipé d’un four et d’un autoclave, qui permettent de réaliser des pièces de très haute technicité.

Puisqu’elles avaient donné entière satisfaction au skipper, les caractéristiques hydro et aérodynamiques des coques n’ont pas été modifiées. L’équipe navigante a tout de même profité des semaines de chantier pour optimiser systématiquement la plateforme. Ainsi, les angles de tir des cadènes ont-ils été changés, afin de diminuer ou supprimer certaines frictions.

LES EVOLUTIONS

Le constat est net et précis : la vitesse de croisière de ces géants tourne aisément autour des 30 nœuds de moyenne (soit 56 km/h) quand un bateau de plaisance est considéré comme performant quand il réalise des traversées à 7 nœuds (13 km/h).

Il y a deux ans, quand ils ont récupéré la structure de Geronimo, Thomas et son équipe ont adopté une démarche différente de celle que l’on suit lorsqu’on part d’une feuille blanche pour concevoir un bateau entièrement nouveau. « Nous sommes restés relativement conservateurs, dans le cadre imposé par Geronimo. Quand nous avons construit le puzzle, avec tous les compromis nécessaires, nous avons systématiquement opté pour des choix sages. Du coup, nous savions par exemple que nous avions de la marge pour cabrer le bateau, et que sa largeur nous permettait de le faire monter plus haut sur une seule coque. »

Il est rapidement apparu que Sodebo Ultim’ avait un comportement très sain et peu volage, avec des mouvements précis et souples, même à des vitesses extrêmes. Le nouvel enjeu consistait donc à optimiser ses performances. Et pour cela, à lui permettre de sortir au maximum de l’eau. D’où l’implantation de deux nouveaux foils, dotés à l’extrémité de ce qu’on appelle en aéronautique des winglets. Ces ailettes angulées, telles qu’on peut les observer à l’extrémité des ailes des avions de ligne, réduisent la trainée induite par la portance. Thomas Coville ne cache pas son impatience à l’idée de découvrir le comportement du bateau équipé de ces minuscules pièces, en théorie capables de soulever son géant au dessus de l’eau.

L’ERGONOMIE

Le cockpit de Sodebo Ultim’ a fait l’objet d’une intense réflexion. Il a été revu en profondeur, par le design team de Sodebo composé d’Elie Canivenc, Yves Mignard et d’une nouvelle recrue Malric Leborgne. Pour Thomas, « Ce garçon est un extra terrestre. Il dessine en « live » ce que tu lui dis avec tes mots. »

Ensemble, le design team a dû relever le défi de gagner en aérodynamique sans ajouter de poids.

S’ils ont ouvert le cockpit, c’est pour mieux le protéger. Le team n’a pas hésité à faire des propositions d’assises pour le barreur, problématique toujours délicate pour un coureur au large. En outre, ils ont cherché à faciliter les manœuvres tant dans la rapidité de l’exécution que dans la gestion de l’effort nécessaire à cet exercice.

AMELIORATIONS

Le diable est dans les détails. Au départ de la Route du Rhum, Thomas a été confronté à une gestion particulièrement délicate des priorités, du moins celles qu’il pouvait contrôler à son bord, dans une situation tendue.

Il a bien sûr rejoué mentalement maintes fois la séquence de ce départ, en essayant de faire une analyse la plus cartésienne possible. Il voulait isoler un à un tous les paramètres qui ont conduit à l’accident. Il a mis bout à bout toutes les informations qu’il a reçues pour lire les enseignements qu’il pouvait en tirer.

Parmi les nombreuses améliorations apportées, la manette du moteur est désormais équipée d’un variateur découplé des gaz, qui gère la propulsion. De même, grâce à Alexis Aveline et Thibault Goufier, le système d’alertes installé à bord a-t-il été radicalement modifié, avec un logiciel qui détecte et priorise les alarmes en fonction de leur urgence. Une carte informatique gère la gestion de la charge des batteries aussi bien que les systèmes d’alarmes de tension, installées sur les ris. Le traitement de ces informations peut être lu à différents endroits du bateau. Simples détails, apparemment, mais qui peuvent tout changer quand on navigue en solo sur un bateau propulsé à plus de 55 kms/heure sur l’eau, soit une impression équivalant à environ 300 km/h sur terre.

TRANSAT JACQUES VABRE 2015

Au programme de Sodebo Ultim’ en 2015, la Transat Jacques Vabre qui part le 25 octobre prochain du Havre en direction de Itajaï au Brésil.

« Pour les coureurs comme pour les sponsors, la Transat Jacques Vabre est un des rendez vous majeurs de la course au large. Dans la continuité du Tour de France à la voile auquel Sodebo participe cette année, c’est une nouvelle occasion d’aller à la rencontre de nos publics » explique Pascal Cadorel qui dirige la communication et le sponsoring chez Sodebo.

Pour cette transatlantique qui se court en double, le skipper de Sodebo sera accompagné du navigateur Jean-Luc Nélias dont ce sera la quatrième participation à la Transat Jacques Vabre.

Les deux hommes se connaissent bien. A terre comme en mer. Ils collaborent au sein du team Sodebo et ils ont remporté ensemble un tour du monde en équipage sur le monocoque Groupama 4 : « Participer à la première course en double sur un bateau de 100 pieds, c’est un challenge. Courir sur ce type de bateau, c’est excitant » confie le marin qui débarque à peine d’un tour du monde.

Patricia Brochard, coprésidente de SODEBO :

« Nous avons tous profité de ce temps imposé pour panser les blessures. Ce temps long a été finalement la chance pour nous de procéder à une introspection. Aujourd’hui, c’est un nouveau départ, le temps zéro de ce que nous allons construire demain. La mise à l’eau est un moment fort car un bateau à terre n’est pas dans son élément.
Ces longs mois nous ont permis de construire en remettant les choses dans le bon ordre, sans rien s’imposer pour préparer la suite. Avoir le choix, n’est ce pas magique ? Le champ des possibles qui est devant nous est très enthousiasmant. »

Thomas Coville :

« Cette journée est un mélange de concrétisation de la reconstruction tant technique que mentale, opérée tout l’hiver, d’émotions et d’impatience. J’ai navigué sur des supports très variés et maintenant je vais avoir un grand plaisir à retrouver Sodebo Ultim’.
Je suis émerveillé par l’énergie collective grâce à laquelle nous avons reconstruit. Tous les visages présents aujourd’hui ont joué un rôle important. Nous avons consolidé beaucoup de choses entre nous. Merci à chacun. »

Elie Canivenc :

« Nous avons profité de ce chantier hivernal pour reconstruire évidemment mais aussi pour faire évoluer Sodebo Ultim’ tant au niveau ergonomie qu’équipement embarqué ; et ce dans la perspective d’avoir un bateau adapté à l’ensemble du programme. Toute l’équipe s’est fédérée autour du chantier. Nous avons eu l’opportunité de recruter de nouvelles personnes avec de très grandes compétences complémentaires à celles déjà présentes au sein du team. C’est très enrichissant. Aujourd’hui marque la fin d’un chantier de sept mois intenses mais très bien optimisés. Nous avons pris beaucoup de plaisir à faire évoluer Sodebo Ultim’. Maintenant place aux tests et aux entrainements. »

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