Première étape : fronts et mal de crâne

  • Bordeaux – Sanxenxo. 461 milles
  • Vainqueur : Thierry Chabagny (Gedimat) en 3 jours 9 heures 11 mn et 36s

La plus courte sur le papier (461 milles), elle s’est avérée longue et compliquée creusant d’emblée les écarts à l’arrivée. Le golfe de Gascogne, traversé par deux fronts successifs, a contraint les 39 marins à aller chercher des bascules de vent et à faire des choix stratégiques permanents. Dans une mer formée et un flux de sud-ouest établi, la flotte s’est scindée, au bout de 48 heures, en deux groupes bien distincts dans l’idée d’aborder le cap Finisterre sous le meilleur angle possible. L’option ouest du petit groupe mené par Adrien Hardy (Agir Recouvrement), Gildas Mahé (Qualiconfort – The Beautiful Watch) ou encore Corentin Horeau (Bretagne – Crédit Mutuel Performance) a fait douter les sudistes… un temps. Entre la gestion du bateau, du bonhomme et de la météo, les cerveaux ont fonctionné à 200% sur la façon d’aborder le cap Finisterre et son coup de vent. Passé le cap Ortegal, Chabagny met le turbo. La flotte est en mode sécurité (port du gilet de sauvetage obligatoire compte tenu du vent fort), et le stress de casser du matériel freine parfois les ardeurs. Chabagny en profite pour se décaler et toucher du vent encore plus fort, sans hésiter à empanner dans ces conditions délicates. Le voilà qui prend les commandes de la flotte, pour ne plus les lâcher jusqu’à l’entrée de la baie de Sanxenxo. A 3 milles de la délivrance, le vent s’écroule complètement, permettant aux poursuivants de Gedimat de revenir… à toucher son tableau arrière. Patience, concentration et détermination ont été les armes de Thierry Chabagny qui durant près de 4 heures a tenu tête à une meute de Figaristes parés à le croquer. Il termine 15 minutes devant le deuxième de l’étape, Yann Eliès. Une victoire comme un rêve qu’il a touché enfin à pleines mains depuis quatorze ans qu’il use ses fonds de cirés sur le circuit Figaro Bénéteau…

La sensation :

22 ans et une soif de course océanique avec en point de mire le Vendée Globe. Robin Elsey (Artemis 43), rookie de l’Artemis Offshore Academy, pour sa première Solitaire donne d’emblée le ton : premier bizuth et 15e au général de l’étape 1.

La phrase clef :

« J’ai fait mon petit décalage, et là j’ai mis tout le monde d’accord » Thierry Chabagny (Gedimat) en parlant de son empannage dans la brise le long des côtes espagnoles.

Deuxième étape : d’un extrême à l’autre…

  • La Corogne – La Cornouaille. 330 milles
  • Vainqueur : Sébastien Simon (Bretagne – Crédit Mutuel Espoir) en 2 jours 8 heures 45 mn et 21 s.

Ils partaient prévenus : ce serait une étape de gros bras, un combat contre la mer déchaînée et les vents musclés… Au près, le long des côtes espagnoles, les marins ont tricoté serré jusqu’au coup de massue : le démâtage de Corentin Horeau (Bretagne – Crédit Mutuel Performance) à quelques milles de La Corogne. Gilles Chiorri, le directeur de course, compte tenu des prévisions météo pour la nuit à venir (45 nœuds de vent) au cap Finisterre, oblige donc la flotte à s’arrêter à La Corogne, et par la même, annule la première partie de l’étape. Le nouveau départ est donc donné le 10 juin, cap sur La Cornouaille sous des cieux plus propices, et une mer passant du « champ de mines » au lac. Doublé le cap espagnol, là encore, deux groupes se forment pour parer une dorsale. Il y a ceux qui choisissent l’Est emmenés par Corentin Douguet (Sofinther – Un maillot pour la vie), Alain Gautier (Generali 40), Corentin Horeau (Bretagne – Crédit Mutuel Performance) ou encore Adrien Hardy (Agir Recouvrement), et ceux qui grimpent au Nord dont Sébastien Simon (Bretagne – Crédit Mutuel Espoir), Yann Eliès (Groupe Queguiner – Leucémie Espoir) ou le Britannique Henry Bomby (Rockfish/Red). Ca passe ou ça casse ! Le gros de la flotte du nord ne ralentira jamais mettant « un caramel » aux partisans de l’est rapidement sanctionnés et relégués dans les profondeur du classement. La suite verra une bataille d’empannages et de trajectoires sur un golfe de Gascogne estival bosselé de sauts de dauphins. Le jeune Sébastien Simon, dont c’est seulement la deuxième Solitaire, a résisté à la pression des cadors tout en naviguant parfaitement jusqu’à la ligne d’arrivée. Un vent de fraîcheur a soufflé sur la 46e édition de La Solitaire du Figaro – Eric Bompard cachemire !

Sensation :

pour sa quatrième participation à La Solitaire, le Britannique Henry Bomby (Rosckfish/Red) n’espérait pas tant. Le top five sur une étape ? Un graal. Rapide, concentré, accrocheur, Henry termine quatrième de cette deuxième étape derrière un certain Yann Eliès. Probablement un tournant dans la carrière du Figariste de 24 ans, et une belle preuve de progression.

La phrase clef :

« Quand on fait des choix, on les assume. Vu le résultat, ce n’était pas le bon choix. Mais comme nous n’étions pas que des branquignoles à faire ce choix-là, on peut se dire que ce n’était pas dénué de sens. J’étais avec le maillot jaune Thierry Chabagny, Corentin Douguet, Corentin Horeau, Adrien Hardy… Il y avait du beau monde, ça allait bien, et puis nous sommes tombés dans un trou de vent, longtemps… trop longtemps. » Alain Gautier (Generali 40).

Troisième étape : L’épineuse dorsale

  • La Cornouaille-Torbay. 400 milles
  • Vainqueur : Yann Eliès (Groupe Queguiner-Leucémie espoir) en 2 jours 16 heures et 30 minutes.

Elle fût la plus calme, pas la plus cool. Disputée dans des conditions estivales et sur mer plate de bout en bout, cette troisième étape ne verra jamais l’anémomètre dépasser 15 nœuds. La première partie du parcours qui emmène les concurrents contourner Groix et les Glénans, est une course de vitesse, avec une tête de flotte compacte et plusieurs changements de leader au gré des petits coups (Horeau, Morvan, Dalin…), sans écart significatif. Du Figaro Bénéteau dans le texte ! A partir de la mer d’Iroise, les puissants courants changent la donne. D’autant qu’une dorsale se couche sur la Manche et rend la progression nettement plus lente. La Cornouaille-Torbay devient une course par élimination. Ceux qui passent à la trappe voient les écarts se cumuler à chaque passage de marque. Au contournement de l’île de Batz d’abord, marqué par deux talonnages conduisant Benjamin Dutreux (Team Vendée) et Nick Cherry (Redshift) à l’abandon. Lors de la traversée vers Wolf Rock ensuite. Les concurrents positionnés dans l’Est reçoivent un coup de massue lorsque le vent tourne à gauche à la sortie de la dorsale. C’est terminé pour Adrien Hardy (Agir Recouvrement) ou Vincent Biarnès (Guyot environnement). Et ceux qui ont pris le train avec Yann Eliès (Groupe Queguiner-Leucémie espoir) et Charlie Dalin (Skipper Macif 2015) voient les leaders s’échapper au fil des caps le long de la côte anglaise. A Lizard, pour quelques centaines de mètres, Xavier Macaire (Skipper Hérault) est le dernier à se faire décrocher. A l’arrivée sur Torbay, Eliès emporte sur le fil la 10ème étape de sa carrière en égalant le record de Jean Le Cam. Dalin finit dans son tableau (33 secondes) et Macaire, troisième, est à plus de 50 minutes. Derrière, les écarts considérables figent les positions au général dont le nouveau leader est Yann Eliès. Certains gros bras ont déjà perdu cette 46ème Solitaire, comme Jérémie Beyou (Maître CoQ), Thierry Chabagny (Gedimat), Gildas Mahé (Qualiconfort-The beautiful watch) ou Alexis Loison (Groupe Fiva). Ils le savent tous : sauf un nouveau coup de Jarnac, le podium final sera dans l’ordre ou le désordre celui de Torbay.

La sensation :

A l’arrivée sur leurs terres, les membres de l’équipe britannique Artemis Offshore Academy n’ont pas à rougir. Robin Elsey (Artemis 43) s’empare de la première place au classement Bénéteau des Bizuths. Et Alan Roberts (Magma Structures) confirme pour sa seconde participation qu’il est bourré de talent. Double champion d’Angleterre en dériveur (RS 200 et XOD) ce gabarit de jockey a un gros feeling et une vitesse bluffante. Deuxième à l’Occidentale de Sein, il reste toute l’étape dans le top ten.

La phrase clef :

« Un jour je l’aurai ! » Charlie Dalin en parlant de Yann Eliès qui n’en finit pas de lui voler la victoire d’étape après laquelle court toujours Charlie.

Quatrième étape : Casino royal et tapis vert

  • Torbay-Dieppe. 470 milles.
  • Vainqueur : Adrien Hardy (Agir Recouvrement) en 3 jours 9 heures et 15 minutes.

On pensait en avoir terminé, mais en matière de coups tordus et de rebondissements, Concarneau-Torbay n’était que le hors d’œuvre. Jusqu’à l’arrivée à Dieppe et bien plus tard encore, La Solitaire allait ménager le suspense pour un final inédit en 46 éditions…
Après un superbe départ sous le soleil de Torbay, la première nuit ventée et pluvieuse cueille à froid de nombreux concurrents. Devant, le rythme est très soutenu, certains navigant encore sous génois par 25 nœuds de vent. Le passage du front récompense logiquement les skippers positionnés à droite du plan d’eau. Le meilleur recalage revient à Xavier Macaire (Skipper Hérault) qui prend la tête et part en éclaireur le long du canal de Bristol. Le ciel s’est dégagé, et la mer bouillonne devant les hautes falaises, décor âpre et sauvage pour l’une des très belles images de cette 46ème Solitaire. Juste avant la bouée Wave Hub, la plus Nord du parcours, Sébastien Simon casse son étai et abandonne. Xavier Macaire a déjà hissé le spi et commence à creuser l’écart. 3 milles à Wolf Rock et jusqu’à 7 au cap Lizard. Faites les calculs. A 6 nœuds de moyenne, cela représente plus d’une heure, alors que son retard au général sur Yann Eliès (Groupe Queguiner-Leucémie espoir) est de 52 minutes. La course est relancée… mais loin d’être terminée. Quelques milles plus loin, devant Start Point précisément, le vent s’effondre en l’espace de quelques minutes. Arrêt buffet pour Xavier Macaire. Tout la flotte revient par l’arrière, dont Charlie Dalin (Skipper Macif 2015) et Yann Eliès. Voilà les compteurs remis à zéro. Par deux fois le scenario se répètera. Echappé avec un Adrien Hardy (Agir Recouvrement) à qui la réussite sourit enfin dans ses options radicales, Macaire gardera toujours la main et ne craquera pas. Sa seule erreur est de rentrer dans la zone de Paluel devant une centrale nucléaire, balisée sur les cartes marines comme interdite à la navigation. Arrivé en tête à Dieppe, c’est un vainqueur en sursis qui sabre la bouteille de champagne. Il aura beau plaider sa bonne foi (dont personne ne doute) devant le jury, il écope d’une pénalité d’une heure.
Adrien Hardy gagne donc l’étape, Charlie Dalin conserve sa deuxième place au général et Yann Eliès empoche sa troisième victoire dans La Solitaire du Figaro – Eric Bompard cachemire. Xavier Macaire complète le podium. Dénouement cruel et inédit d’une Solitaire hors normes.

La sensation :

Après son abandon dans la troisième étape consécutif à son talonnage, Benjamin Dutreux (Team Vendée) ne pouvait plus rien espérer au général au départ de Torbay. Seulement terminer en beauté sa première Solitaire ce qu’il fit à Dieppe. Quatrième derrière Vincent Biarnès (Guyot environnement), il prouve qu’il est capable de naviguer avec les meilleurs, mais devra sans doute à l’avenir limiter ses prises de risques. Car entre Fécamp et Dieppe, en s’abritant des courants au ras des falaises, Benjamin talonne une seconde fois, se félicitant de ne pas avoir à démarrer le moteur pour s’extraire et rejoindre la ligne d’arrivée toute proche.

La phrase clef :

« Je les ai tous battus mais je n’ai pas gagné. Il faudra que je revienne sur La Solitaire » Xavier Macaire (Skipper Hérault)

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