Il n’est pas rare sur La Solitaire, course calculée au temps, de voir des écarts pharaoniques entre le premier et le dernier. La faute, bien souvent, à une situation météorologique compliquée, cumulée à des coefficients de marées importants et du courant, étirant la flotte sur des dizaines milles et générant des arrivées étalées sur plusieurs heures. Ce fut le cas à Sanxenxo… et à Torbay. Résultat : le classement général provisoire de la 46e édition de La Solitaire du Figaro – Eric Bompard cachemire est une drôle de hiérarchie qui, pour autant, peut encore être chamboulée. Ce sont les marins qui le disent ! Les attaques risquent de fuser sur la dernière ligne droite de la plus dure des courses en solitaire à armes égales…

22 heures. C’est le temps qui sépare le dernier, Marc Pouydebat (France – AVC) de Yann Eliès (Groupe Queguiner – Leucémie Espoir), premier au classement général provisoire. Si le kinésithérapeute bordelais est venu chercher l’aventure teintée d’une pointe d’adrénaline, le compétiteur briochin sent poindre les lauriers d’une troisième victoire sur La Solitaire du Figaro – Eric Bompard cachemire. Chacun son objectif. En revanche, pour d’autres marins venus clairement accrocher une médaille, l’affaire se complique.

« Au fond du car », il y a de l’espoir

A quelques jours du départ de la dernière étape, plusieurs favoris ne sont clairement pas à leur place. Adrien Hardy (Agir Recouvrement) 24e affiche 9h et 43 mn de retard par rapport au premier, Corentin Horeau (Bretagne – Crédit Mutuel Performance) qui avait démâté lors de la deuxième étape, se retrouve 21e à 8h et 31 mn. Difficile pour ces skippers de croire encore à un podium, mais leur expérience et leur mental de compétiteurs les poussent à tenter la victoire d’étape. Débarrassés de toute pression, ils vont oser des coups, attaquer, bref tout faire pour se démarquer…

Loison, Chabagny, Richomme, Morvan… le mors aux dents

A 3 heures du leader, se tiennent quatre routiers de La Solitaire qui n’ont pas dit leur dernier mot. « Il y a la victoire, mais aussi le podium et le top 5. Je ne suis qu’à une heure du top 5. Je suis 6e et il y a des mecs derrière moi affamés, je ne laisserai pas ma place… » confie Alexis Loison (Groupe Fiva). Ces quatre hommes se tiennent en 49 minutes à une heure du cinquième, Jérémie Beyou (Maitre CoQ). Le vainqueur de l’édition 2014, à 2 heures du premier, ne cache pas son ambition de remporter la dernière étape, mais avoue que le podium, voire les quatre premiers vont être difficiles à bousculer. Jérémie compte sur cette longue étape de 600 milles pour se refaire la cerise. Ces cinq-là vont jouer les trublions à coup sûr…

Un podium déjà fait ?

La bataille est loin d’être terminée entre Yann Eliès et Charlie Dalin (Skipper Macif 2015). 22 minutes les séparent, c’est beaucoup face à un Yann Eliès qui parfois semble intouchable, et c’est peu pour un Charlie Dalin extrêmement talentueux. Xavier Macaire (Skipper Hérault), à 57 mn, du leader ne lâchera rien mais ne se laissera pas perturber par ses adversaires. Il fera sa route, sa stratégie a lui… Compliqué quand on veut à la fois garder sa place sur le podium et regarder plus haut.

53 secondes pour une place en haut du classement des bizuths

Tout va se jouer entre Robin Elsey (Artemis 43) et Benoît Mariette (Entrepose) ! 53 petites secondes de rien du tout séparent les deux bizuths qui font preuve d’une grande régularité. Aymeric Arthaud (Reel – PGO Automobiles), troisième à 38 mn, peut lui aussi performer. L’Antibois de 26 ans affiche une sérénité et un plaisir non dissimulés à être en mer. Et en général, quand il y a du plaisir, il y a du résultat !

Ils ont dit à Torbay :

Robin Elsey (Artemis 43) : 18e, premier bizuth

« 600 milles, c’est beaucoup trop long pour marquer quelqu’un. Je vais faire ma propre course et si on se retrouve proches à la fin avec Benoît ou Aymeric, on se bagarrera. Je ne sais pas ce qui peut arriver sur cette dernière étape. 3 heures d’écart avec le 4ème, c’est vrai que ça paraît beaucoup pour modifier le podium, mais il y a le courant avec jusqu’à 9 passages à niveau sur les caps… Je peux aussi avoir un problème matériel. Donc je crois que c’est quand même plus ouvert qu’entre seulement les 3 premiers au général. »

Xavier Macaire (Skipper Hérault) : 3e, écart au premier : 57 mn et 03 s

« J’ai pas mal de retard sur les deux premiers, difficile à rattraper à moins d’une très bonne surprise. Si à un moment j’arrive à me positionner devant ces gars-là et qu’il se passe quelque chose comme à la troisième étape, alors pourquoi ne pas grappiller encore une ou deux places encore ? Avant la course, je m’étais fixé d’être dans les cinq, un podium, du coup, c’est super. Et maintenant que j’y suis, j’en veux plus parce que je suis un compétiteur. Mais d’un autre côté, j’ai envie de protéger ma belle place de troisième (…) Oui, je crois qu’on peut marquer des gars sur 600 milles, mais pour ça il faut avoir la vitesse. C’est pas forcément mon objectif et je crois que si je naviguais comme ça, j’aurais plus de pertes que de gains. Donc je vais faire ma course, mais jeter un œil sur les autres. Quand je navigue, je suis dans ma stratégie. Au début, quand je voyais un concurrent faire une option différente, je me disais « mais qu’est ce qu’il fout ?! ». D’expérience, je me suis rendu compte que souvent, ce que fait le gars en question, c’est assez intelligent. Donc, j’ai tiré des leçons de ça. Maintenant, quand je vois les autres tenter, je me dis d’abord qu’ils sont intelligents et je pèse vraiment le pour et le contre d’aller avec eux ».

Jérémie Beyou (Maître CoQ) : 5e, écart au premier : 02h 05mn et 20s

« Même cinquième, ça peut être jouable. Je me suis déjà retrouvé dans cette situation avant une dernière étape. Mais quand tu regardes la colonne « temps », 2 heures d’écart, ça devient beaucoup plus compliqué. Non les écarts sont énormes. Les dernières années, on a plutôt assisté à une domination du vainqueur final qui gagne plusieurs étapes, qui est tout le temps sur le podium. Là, y a eu un coup de massue sur la troisième étape, même si Yann et Charlie ont globalement dominé. Le grand perdant de cette étape, c’est Alexis Loison qui passe de 15 minutes à 3 heures de retard. C’est vrai que c’est assez rare. Ceci dit quand j’ai gagné en 2005, y avait un gros écart avec le deuxième mais pas dans ces proportions-là.
Ce qui va se passer dimanche ? Yann va marquer Charlie et Charlie va regarder Xavier. Nous on va regarder personne parce qu’on a deux heures de retard. Moi j’ai Gwénolé Gahinet à remonter éventuellement, c’est tout… »

Alexis Loison (Groupe Fiva) : 6e, écart au premier : 03h et 07s

« On voit que cette année, c’est une Solitaire du Figaro à écarts. L’an dernier, nous étions pleins encore à être dans la même heure pour la bataille finale. Là, très vite, on est déjà plus d’une heure, deux heures, voire trois heures dans le top 10. C’est assez rare. Il y a toujours une étape sur La Solitaire qui se démarque au niveau des écarts, et là il y en a eu deux, la première et la troisième qui s’est révélée assez piégeuse. J’arrive à trois heures maintenant alors que j’étais à 15 mn en partant de Concarneau. Je ne suis plus dans la même configuration. Après, il faut y croire ! Mais cela paraît très compliqué d’accéder au podium. Il y a toujours une incertitude, c’est ce qui fait la beauté de cette course, parce que jusqu’au bout il faut y croire. Surtout qu’avec cette étape à venir de 600 milles, il y a aura énormément de passages à niveau, où il peut se passer encore des écarts. Idéalement, il faudrait que j’arrive tout seul à Dieppe avec de l’écart ! Pourquoi pas ? D’autant que je me rappelle d’une arrivée à Dieppe où des mecs avaient été obligés de mouiller devant la ligne à cause du courant ! Il y a la victoire, mais aussi le podium et le top 5. Je ne suis qu’à une heure du top 5. Déjà, si j’arrive à accrocher ça, ce serait fabuleux. Je suis 6e et je n‘ai jamais fait aussi bien, il a des mecs derrière moi affamés, je ne laisserai pas ma place… Et je vais tout faire pour faire une belle étape. »

Aymeric Arthaud (Reel – PGO Automobiles) : 22e, écart au premier bizuth : 38 mn et 58s

« Je pense que je paye cher le fait de m’être endormi sur cette troisième étape. Les autres bizuths sont vraiment très forts et c’est agréable de naviguer avec eux. On est souvent entre la 10 et la 20e place. Pour moi il y a avait quatre prétendants au classement bizuth, avec Benjamin Dutreux, ça s’est dessiné sur la première étape. Pour le classement final, je pense qu’il faut faire preuve de régularité, et nous sommes tous assez réguliers. Je vise une première place au classement bizuth. Je suis à 40 mn du premier. C’est beaucoup et pas beaucoup à la fois. Je pense qu’il y aura des passages à niveau. Je vais tout donner, si il y a une victoire à la clé c’est bien, mais je suis surtout venu chercher du plaisir en mer, et montrer que je suis capable, d’engranger de l’expérience. D’une manière général je suis super content. »

Gildas Morvan (Cercle Vert) : 9e, écart au premier 03h 49mn 55s

« Je me souviens de mon premier Figaro, où le premier avait déjà 6 heures d’avance sur le deuxième. C’était dingue, il y en avais 4 ou 5 à l’arrivée à Gijon, les autres étaient arrivés le lendemain matin. D’entrée de jeu, il y avait des écarts de folie. Sur cette troisième C’est surtout en arrivant à Wolf Rock, que les écarts ont augmentés sur la troisième étape. Le phénomène courant a augmenté le phénomène de la dorsale. Je pense qu’il va y avoir des mecs qui vont attaquer. Jérémie (Beyou) va sans doute être plus agressif, Alexis Loison, c’est pareil. Les quatre premiers ne bougeront pas, après les autres vont attaquer. J’ai deux heures d’avance sur le 10e. Si il y a un mec qui peut attaquer c’est bien moi ! Au pire, je prends une bêche et je fais 10e ou 11e. Je n’ai qu’une chose à faire, c’est d’être agressif, ça serait trop bête d’en rester là… Soit tu suis le paquet de tête, soit tu joues la victoire d’étape. Il faudra savoir saisir une opportunité, même osée, mais jouable. Les mecs devant, ils vont se contrôler et ne pas ouvrir le jeu ; c’est là que tu peux être agressif. L’étape va être longue, il va il avoir du jeu ».

Thierry Chabagny (Gedimat) : 7e, écart au premier : 03h 01mn 27s

« Le 6e, Alexis Loison, est à 1 mn 20 devant, donc c’est comme si il était derrière, c’est déjà fait ! Gildas Morvan et Yoann Richomme peuvent être dangereux. Un top five est encore possible mais Jérémie est cinquième et lui il joue souvent placé… Ce qui est sûr, c’est qu’il peut y avoir des passages à niveau sur la prochaine et ça peut encore faire des écarts. Il faut un scénario favorable, où il faudra être devant au moment où ça part par devant. Je sais que tous les rêves sont permis sur une Solitaire. Faire 8e ou 7e, ça ne change rien pour moi. Ce qui compte sur cette édition, c’est que j’ai gagné une étape. Je regarderai Alexis Loison. En fait, on est un groupe de quatre qui peut basculer. Mais ça ne m’intéresse pas de me battre pour la sixième place. Je préfère me battre pour une victoire d’étape. Je vais tenter des choses, si je les sens bien. »

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