Les bronzés font du spi
Sous le soleil exactement et sous spinnaker, bercée par une houle qui s’aplatit, la flotte de la 46e édition de La Solitaire du Figaro – Eric Bompard cachemire progresse lentement… mais sûrement. 200 milles restent à parcourir pour rejoindre La Cornouaille. 200 milles pas encore très clairs pour les 39 marins, car il reste une dorsale (zone sans vent) à négocier la nuit prochaine et dans la foulée un empannage décisif à placer. Le jeune Sébastien Simon (Bretagne – Crédit Mutuel Espoir) est pour le moment leader au classement devant Xavier Macaire (Skipper Hérault) et Yann Eliès (Groupe Queguiner – Leucémie Espoir). Attention, la nuit prochaine pourrait encore tout chambouler !
Crèmes solaires, lunettes, chapeaux et bermudas sont de sortie ! Mais à bord des Figaro Bénéteau 2, l’ambiance ne ressemble pas vraiment à celle des vacances. Les marins enchaînent les manœuvres d’empannages et observent finement les petits camarades et les risées sur la mer. Car comme le dit Jérémie Beyou (Maître CoQ) : « Il fait presque trop beau, ce n’est pas ce qu’il y a de plus fun en Figaro, il faut s’appliquer ! ». Le vainqueur de la dernière édition de La Solitaire du Figaro – Eric Bompard cachemire ne croit pas si bien dire. Le vent oscille en force et en direction entre 8 et 11 nœuds de sud-ouest, obligeant les skippers à veiller en permanence au gonflement du spi et au speedo.
Deux groupes, voire trois…
Une poignée de bateaux a choisi le sud-est du plan d’eau et ne semble pas, pour le moment, récolter le fruit de son option. Des ténors, comme Corentin Horeau (Bretagne – Crédit Mutuel Performance), Adrien Hardy (Agir Recouvrement), Alain Gautier (Generali 40) ou Thierry Chabagny (Gedimat) qui ont misé le maximum et espèrent bien se refaire la nuit prochaine à l’approche de la dorsale. Au milieu, Sébastien Simon ouvre le bal du gros de la flotte qui progresse entre 6 et 6,5 nœuds… « le bon groupe » comme s’accorde à dire Alexis Loison (Groupe Fiva). A l’ouest, deux hommes sont les plus rapides du plan d’eau : Arnaud Godart Philippe (Faun Environnement-Afrikarchi) et Tolga Ekrem Pamir (Un jour, un homme, un arbre) glissent à 7 nœuds ! Au beau milieu du golfe de Gascogne, derrière leurs lunettes de soleil et leurs chapeaux, les skippers régatent à couteaux tirés.
La dorsale, animatrice de la nuit prochaine
Météo Consult annonce une zone sans vent qui pourrait bloquer la progression des Figaro Bénéteau 2. Mais la question du jour est : « Arrêtera-t-elle la flotte, ou permettra-elle de continuer à glisser ? ». Les marins n’en savent rien et s’accordent à dire que la réalité n’a souvent rien à voir avec les fichiers. Dans les prochaines heures, il va donc falloir naviguer au flair et garder le maximum de pression. Nuit blanche en perspective pour les 39 solitaires !
Les mots des marins au milieu du golfe de Gascogne :
Sébastien Simon (Bretagne – Crédit Mutuel Espoir)
« Ca se passe plutôt bien pour moi, je suis premier pour le moment et j’ai été premier à la porte Suzuki. Nous sommes partis de La Corogne avec un vent très soutenu, avec 30 à 35 nœuds de vent, nous étions au près. Certains ont mis le génois d’autres le solent. Ensuite la flotte s’est divisée en deux parties. Mon groupe était positionné au large, les autres étaient plus près de la terre. Nous nous sommes ensuite retrouvés dans la nuit, et là, nous bataillons sous spi. Avec ces conditions, on profite pour faire sécher les cirés et ça fait du bien de profiter du soleil. Il y a eu pas mal de dauphins, c’est agréable à regarder. Aujourd’hui nous avons du vent de sud-ouest, on est au portant, avec une dizaine de nœuds. Ensuite nous allons traverser une dorsale, il y aura moins de vent, puis nous ferons route directe. Pour le moment je surveille mes adversaires. On verra bien si j’ai raison ou pas ! »
Yann Elies (Groupe Quéguiner – Leucémie Espoir)
« L’étape a démarré avec du vent fort et de la mer. Finalement cela s’est amélioré cette nuit, nous avions tous une quinzaine de nœuds. Même avec 5 nœuds de vent, il y avait toujours beaucoup de mer, c’était compliqué, on a pris pas mal de retard selon les routages. Actuellement, nous avons 8 à 15 nœuds de vent au portant, c’est assez agréable. Je me suis fait des œufs au bacon ce matin et puis j’ai réussi à recoller mes camarades Xavier Macaire (Skipper Hérault) et Jérémie Beyou (Maître CoQ). On ne sait pas du tout ou se trouvent nos autres copains qui sont partis dans l’est. Le premier enjeu cette nuit, c’était de traverser les zones orageuses, pas facile à appréhender. La dorsale va gonfler dans le golfe, le but est donc de rester dans ce couloir de vent pour continuer à progresser. »
Claire Pruvot (Port de Caen – Ouistreham)
« Il y a eu pas mal de vent depuis le départ donc je suis partie en retard mais je suis bien revenue ensuite. La nuit a été compliquée, j’ai gardé les yeux ouverts, ça a beaucoup molli. Il y a encore pas mal de houle donc on a des réglages à faire. Nous sommes un petit groupe de trois bateaux là. Le vent perturbe pas mal le bateau tout de même. Il y avait des dauphins avec nous ce matin. Nous faisons sécher les affaires, j’avais beaucoup de choses trempées. Je profite du soleil. Je n’ai pas d’idée très précise de la suite, ça va être un peu la pagaille avec la dorsale de chaque côté de la route. Je vais essayer de rester dans la bande de vent. Ca va re-mollir ce soir. On va essayer de rester proche de la route directe. Je reste vigilante. »
Xavier Macaire (Skipper Hérault) :
« Ça va bien! Les bateaux glissent bien. J’en profite pour récupérer car j’ai mal dormi la nuit dernière. Nous sommes partis de La Corogne hier au près avec un vent assez fort et une mer formée qui bougeait beaucoup puis nous avions plusieurs options. Il y en a qui ont longé la côte et d’autres ont pris le large tout de suite. Moi j’ai choisi le large. On ne sait pas encore quand on va se recroiser et quelle option était la mieux. Pour le moment je vais essayer de prendre le bon wagon. Il y pas mal de vent, c’est bien parti pour cette étape. Je suis actuellement avec Yann Elies (Groupe Quéguiner – Leucémie Espoir), on a une quinzaine de nœuds et des conditions de navigation agréables. On a quand même pris du retard, on devrait arriver demain dans la soirée. »
Yannig Livory (Lorient’Entreprendre) :
« Ça se passe bien ! Nous sommes partis dans des conditions avec beaucoup de vent. On a fait quelques bords au près, puis le vent a molli. Là, on glisse sous spi c’est sympathique. Je profite bien de cette étape, j’ai fait une agréable sieste de vingt minutes et il y a du soleil. C’est le grand bonheur ! J’ai choisi de rester dans le paquet. Nous sommes tous sous spi, j’ai Guadeloupe Grand Large 1 derrière moi et Safran-Guy Cotten juste devant moi. C’est sympa d’être entouré. Il n’y a pas beaucoup de discussions sur la VHF si ce n’est pour vérifier que personne ne s’est endormi lors d’un passage de cargo ou autre. Nous sommes tous fatigués car la première partie de l’étape a été épuisante. La nuit a été difficile, j’ai eu du mal à rester éveillé et je me suis endormi 2 ou 3 fois. Pour l’instant les conditions sont stables donc ça permet de se reposer, c’est agréable par rapport à ce qu’on a vécu au début de l’étape. Je n’ai pas encore fait sécher les cirés mais ça ne va pas tarder. Je n’ai pour l’instant aucune idée de notre ETA à Concarneau. »
Adrien Hardy (Agir Recouvrement) :
« J’ai retrouvé un peu de vitesse, hier j’avais quelques soucis, j’ai déchiré mon génois que j’ai réparé. Ensuite je me suis pris une grande bâche plastique dans la quille ; ça m’a ralenti toute la nuit. C’est en faisant du marche arrière j’ai réussi à m’en dépêtrer. Je vais repartir à l’attaque et essayer de recoller avec mon petit groupe devant moi. Devant moi j’ai Isabelle Joschke, et à mon vent j’ai Corentin Horeau et Thierry Chabagny. On est un petit groupe, on navigue bien on essaye de s’appliquer, les autres doivent être plus près du but, devant. La suite n’est pas facile à connaître, on croise les doigts, j’espère que je vais rester dans le bon paquet, on verra ce soir et demain, il y a encore plein de choses à jouer. Les options ce n’est pas simple, ce sont les pressions orageuses, les prévisions sont floues. Il faut faire un bord le plus rapprochant possible vers Concarneau et repérer les zones où il y a les vents les plus favorables sur le plan d’eau. »