C’est à 14h55 que le départ de la deuxième étape en direction de La Cornouaille (port de Concarneau) a finalement été donné ce dimanche en baie de Sanxenxo. Après avoir dû patienter pour laisser le temps au vent de s’établir, la flotte de La Solitaire du Figaro – Eric Bompard cachemire s’est élancée sous un soleil radieux et un flux d’ouest, sud-ouest de 15 nœuds qui s’est vite complètement écroulé. Pour autant, tous savent que rapidement le scénario ne sera plus le même pour ce deuxième acte long de 455 milles, dans la mesure où les conditions devraient se dégrader dès l’approche du cap Finisterre. C’est parti pour quatre journées et quatre nuits de courses annoncées particulièrement rugueuses contre les éléments…

Après avoir attendu durant près de deux heures, les 39 Figaristes se sont élancés par 15 nœuds de vent d’ouest-sud-ouest. Un bon départ favorable à la bouée, qui a vu Gildas Morvan (Cercle Vert) et Nick Cherry (Redshift) partir en excellente position. Après avoir rejoint la bouée de dégagement situé 2 milles plus loin, parée en tête par Corentin Douguet (Sofinther-Un maillot pour la vie), les affaires se sont de nouveau corsées pour les solitaires progressant à la vitesse d’une bande d’escargots vers la bouée spectacle mouillée devant la digue de Sanxenxo.
Eole coupe les ventilateurs

Comme lors de l’arrivée, l’insoutenable légèreté de l’air l’a très vite emporté au large de la capitale touristique de la Galice. Eole a de nouveau coupé net les ventilateurs, obligeant les navigateurs, complètement encalminés, à ronger leur frein pour s’acquitter du petit parcours inaugural. Un côtier pas coton créant de premiers écarts, puisqu’une heure séparait déjà le leader du dernier à la bouée spectacle. Pas facile de s’extirper de la baie alors que Gildas Morvan (Cercle Vert) prenait les devants. Il doublait la bouée Radio France à 18h34, suivi par Yoann Richomme (Skipper Macif 2014) et Corentin Douguet (Sofinther-Un maillot pour la vie).

D’un extrême à l’autre…

Après une première étape difficile et sélective, les solitaires savent que la douceur de la station balnéaire de la province de Pontevedra ne sera bientôt plus qu’un vieux souvenir. Après trois jours et demi d’escale réparatrice et salvatrice, la flotte de La Solitaire du Figaro-Eric Bompard cachemire doit poursuivre sa remontée au près serré dans ce flux très irrégulier de nord-ouest de 5 à 10 nœuds. Selon les prévisions de Météo Consult, le vent doit ensuite progressivement se renforcer à mesure qu’il prend un peu de droite. Déjà, au cap Finisterre, il doit souffler à 20 nœuds, 30 dans les rafales, avant de forcir encore en direction de La Corogne. Il pourrait alors atteindre jusqu’à 40 nœuds dans les claques sur une mer formée et agitée, avec des vagues moyennes de 2 à 2,5 mètres. Des conditions difficiles qui promettent de mettre, dès la première nuit de course, les navigateurs à très, très rude épreuve.

Tourmentins, combinaisons sèches, gilets…

C’est dire si la nuit prochaine sera déjà un autre jour pour la flotte de La Solitaire du Figaro-Eric Bombard cachemire qui se prépare à faire le dos rond tout au long de ce parcours physique, humide et sélectif au près musclé. Bientôt les spis seront vite remisés dans les soutes à voiles, les tangons et les chapeaux de soleil au fond des bateaux. D’ici quelques heures, place sera faite aux tourmentins, combinaisons sèches, et gilets de sauvetage, dont le port est obligataire dès 21 heures ce soir…

En bref : on répare et on repart…

Quelques minutes après le coup d’envoi de cette deuxième étape, Yannig Livory (Lorient’Entreprendre) a annoncé devoir rentrer au port. Ce fidèle du circuit, président de la Classe Figaro Bénéteau, déplorait un problème au niveau du chariot de barre d’écoute de son monotype. Les préparateurs des autres navigateurs se sont mobilisés pour permettre à ce skipper amateur de reprendre dans les plus brefs délais le chemin de la course. Idem pour Rob Bunce (Artemis 37), premier bizuth à la bouée de dégagement, qui a, lui, perdu sa deuxième bosse de ris. Après ce « pit-stop » avec assistance au port de départ, autorisé par le règlement, ce jeune représentant de la délégation anglaise s’est, lui aussi, très vite élancé aux trousses de la flotte encalminée en baie de Sanxenxo.

Mot du jour : AIS

Comprenez « Automatic Identification System ». Cet équipement d’aide à la navigation, qui fonctionne par ondes VHF et souvent relié à une alarme, compte parmi les outils les plus précieux en termes de sécurité. Il permet de localiser les navires les plus proches évoluant dans la zone de navigation. Les skippers, qui l’utilisent aussi pour les besoins de la régate, puisqu’il indique le cap et la vitesse de leurs plus proches concurrents, ont l’obligation de le garder en permanence allumé tout au long de la course.

Chiffre du jour : 455

C’est en nombre de milles (soit 842 km) la longueur théorique du parcours de cette deuxième étape Sanxenxo-La Cornouaille, dont le tracé a été adapté pour tenir compte des conditions de gros temps annoncées dès l’approche du cap Finisterre. Rappelons que la direction de course a pris, hier, la décision d’ajouter un waypoint virtuel « Est Gascogne » le long des côtes nord de l’Espagne. Cette modification obligera la flotte à ne pas partir trop à l’ouest dans sa remontée du Golfe, là où le vent et la mer risquent d’être les plus forts. Suite à la demande d’un grand nombre de skippers, cette marque fictive et obligatoire, à laisser à bâbord, a finalement été déplacée de 60 milles dans l’ouest, réduisant d’autant le parcours qui s’annonce, en dépit des vents forts contraires au programme, ouvert à la stratégie.

Ils ont dit :

Jackson Bouttell (GAC Concise) :

« Cette étape s’annonce longue et compliquée. Elle se disputera tout au près. Les prévisions météo pour le cap Finisterre envisagent 30 nœuds, peut être 45, avec une mer forte. Les vagues peuvent être énormes. Je pars avec l’objectif de finir la course sans casser le bateau. J’ai déjà navigué dans 40 nœuds au près, ce n’est pas joli, joli et ce n’est surtout pas très confortable. C’est dur. Hier soir, j’ai bien profité de mon lit, parce que, rapidement, cela ne va plus être la même histoire. Cette escale à Sanxenxo a été top, on a eu un beau soleil pendant quatre jours. »

Isabelle Joschke (Generali-Horizon Mixité) :

« Cette s’annonce très difficile, très ventée. Il va falloir manœuvrer, enchaîner les virements de bord, notamment lors des 24 premières heures de course. J’ai déjà rencontré des conditions difficiles, mais sur une étape de Solitaire du Figaro pendant 36 heures – voire 48 heures, puisqu’on peut encore avoir du vent très fort après le passage du cap Ortegal -, ce sera une première. Forcément, j’appréhende un peu. Il va falloir que j’économise mon énergie pour rester en forme jusqu’à la fin. J’ai bien profité de ma dernière nuit à terre ici, à Sanxenxo, j’ai bien dormi parce que je sais que je ne vais pas dormir beaucoup dans les heures et jours qui viennent, ou alors par petites siestes. Ça aussi, ça va être difficile, parce qu’on a déjà la première étape dans les pattes, on part déjà un déficit de sommeil, cela ne va pas être évident à gérer. »

Jérémie Beyou (Maître Coq) :

« L’enjeu pour moi, c’est d’avoir rattrapé le retard à Torbay. Si cela peut se faire en une seule fois, sur cette deuxième étape, tant mieux ; sinon, il ne faudra pas paniquer non plus. Que de la brise sur les deux premières étapes, c’est quand même un scénario un peu hors du commun sur une Solitaire du Figaro. Je pars bien concentré, et un petit peu conquérant aussi. J’ai pour habitude d’être vraiment rapide au près dans des conditions de brise. Je ne l’étais pas trop sur la première étape, ça m’a un peu turlupiné. On a un peu travaillé avec la voilerie Incidences pour trouver des pistes. Je pense que sur les réglages du mât notamment, on a identifié ce qui n’allait pas. J’espère qu’on a trouvé la solution, parce qu’encore une fois, le plus rapide au près, sera peut-être le premier à Concarneau. »

Charlie Dalin (Skipper Macif 2015) :

« Je suis plutôt à l’aise en vitesse dans ce type de conditions, ça ne me dérange pas de passer des heures et des heures à la barre avec le bateau qui tape, je suis plutôt serein au départ de cette étape. Il va y avoir plusieurs phases ; aujourd’hui on ne peut pas dire que ce soit la tempête ! On va partir dans du vent très faible, ça va être difficile de s’extirper de la baie de Sanxenxo, pour aller récupérer le vent plus fort de nord-est. On va avoir jusqu’à 30-40 nœuds avec 4 mètres de creux, on va tirer des bords le long de la côte, donc ça va être compliqué de se reposer. Après, on va faire route vers l’est, dans du vent toujours assez fort mais on arrivera plus à dormir avant d’enchaîner sur la partie océanique de l’étape. Les scenarii ne sont pas calés, il va falloir être attentif aux prévisions météo, aux cartes ; il va falloir réfléchir beaucoup pour savoir quelle route prendre. Il faudra trouver les ressources et de la matière grise pour prendre les bonnes décisions et arriver le plus rapidement possible à Concarneau. J’ai vraiment axé les quelques jours ici sur le repos, je n’ai pas trop vu la ville, il faudra que je revienne pour visiter ! Côté classement, tout se passe comme prévu, je suis à 18 minutes de Thierry (Chabagny), encore dans le match. Le but est d’arriver à faire la même, à être dans une position dangereuse pour la tête, et pourquoi pas mieux ! »

Yann Eliès (Groupe Queguiner-Leucémie Espoir) :

« On est tôt dans la course pour penser à préserver sa place. Je ne connais qu’une stratégie, c’est l’attaque. Sur cette étape, il faudra évidemment savoir switcher entre compétition et aventure en faisant le dos rond. Mais plus de 50% de la course se jouera dans des conditions maniables, avec pas mal de stratégie, des jolis coups à tenter, une dépression orageuse sur la fin. Ce sera encore une étape hyper complexe, un peu à l’image de la première. Je ne suis pas fan du près avec 40 nœuds de vent, j’aime bien me faire mal jusqu’à une certaine dose ! Il y en à un ou deux qui seront plus à l’aise, mais il n’y aura pas que du gros temps. Je suis juste bien, j’ai bien récupéré. Il me manque peut-être quatre heures de sommeil, mais c’est correct. »

Corentin Douguet (Sofinther – Un Maillot pour la vie) :

« Je n’étais pas pour ce point virtuel, on aurait pu y aller en laissant le champ ouvert à tout le monde. Ce qui est sûr c’est que ca rallonge l’étape. Il a été rapproché. Il est décalé dans l’ouest, c’est quand même mieux, car ca risquait de nous coller dans la pétole, ce qui était paradoxal. Nos femmes nous attendent à la maison, on va arriver plus tard, plus fatiguée et plus sales… On sait que sur une Solitaire, on peut avoir du vent. On a sorti les cirés de gros temps ! Ce ne sera pas très drôle et très humide. Le cap Finisterre sera un gros morceau sur le plan physique, mais tactiquement, il n’y aura rien de particulier. Ce sera difficile de tirer des bords le long des falaises. Il y aura une bonne cinquantaine de virements de bord à faire jusqu’au cap Ortegal. Il va se passer des choses, des petits décalages ensuite, nul doute que ça créera des écarts. »

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