Savez-vous planter des pieux !
Du près, du près et encore du près ! La deuxième étape de la 46e Solitaire du Figaro – Eric Bompard cachemire, entre Sanxenxo et La Cornouaille, sera une course d’endurance contre les éléments. Météo Consult prévoit plus de 30 nœuds de nord-est au cap Finisterre et une mer agitée, puis un golfe de Gascogne houleux et venté. Gilles Chiorri, le directeur de course de l’épreuve, a modifié le parcours pour sécuriser les marins et leurs bateaux en incluant une marque de passage obligatoire devant le port espagnol de Gijon. Les 39 skippers se préparent à partir au combat.
Sur les pontons de Sanxenxo, à la veille du départ de la deuxième étape demain à 13h, les préparateurs et les marins s’attèlent à peaufiner les montures, à les configurer pour le gros temps. Les solents et tourmentins sont hissés pour vérification, les cirés étanches et les bottes parés à être enfilés et le matériel solidement amarré. Pour l’avitaillement, les skippers ont choisi de la nourriture facile à mettre dans les poches… pour les œufs au bacon du matin, il faudra attendre l’arrivée à Concarneau.
Un parcours modifié pour cause de météo agitée
Demain à 13h, au moment du coup de canon, c’est un léger vent de nord-est qui accompagnera les marins le long des côtes de la Galice. Mais dans la soirée, à l’approche du cap Finisterre, le schéma sera radicalement opposé : 30 à 35 nœuds dans les rafales et une grosse mer croisée seront le copieux menu des solitaires qui s’attendent au pire. Le risque d’avarie obsède les esprits à la veille du départ : l’Atlantique sera « casse-bateaux » et « casse-bonshommes. »
La première nuit en mer risque d’être agitée ainsi que la journée de lundi. Parce que le long des côtes espagnoles, le vent devrait baisser un poil, la direction de course a pris la décision de faire passer les marins non loin de la terre, puis dans l’est du golfe de Gascogne. Un waypoint devant Gijon fera office de marque de passage obligatoire, après laquelle les Figaristes pourront mettre le cap direct vers la Bretagne.
515 milles à planter des pieux
Les spi pourront servir d’oreiller, cette deuxième étape se fera au près uniquement, sauf sur le petit parcours en baie de Sanxenxo. Les marins vivront penchés et dans l’humidité permanente. Les virements de bord risquent de succéder le long de la côte nord espagnole, puis seront moins nombreux dans le golfe de Gascogne. « Une étape de sangliers » disent les coureurs, qui consistera à tenir le coup face aux éléments et naviguer en bon marin, c’est-à-dire en toute sécurité.
Le chiffre du jour : 515
C’est le nombre de milles que les 39 skippers auront à parcourir sur la deuxième, entre Sanxenxo et Concarneau (soit 954 km). Pour limiter les risques de rencontrer du vent très fort, Gilles Chiorri, le directeur de course de La Solitaire du Figaro – Eric Bompard cachemire, a pris la décision de rajouter une marque devant Gijon pour que la flotte longe les côtes espagnoles. Les marins partiront ensuite directement vers Concarneau sans passage obligatoire à l’île d’Yeu.
Ils ont dit sur les pontons de Sanxenxo :
Claire Pruvot (Port de Caen-Ouistreham) :
« Globalement, on va avoir beaucoup de vent, plutôt de secteur nord-est, pile poil dans l’axe pour nous rendre à Concarneau. Le parcours a donc été modifié en conséquence. Il nous emmène d’abord le long des côtes espagnoles jusqu’à un way point virtuel au niveau de Gijon, avant de remonter jusqu’à la ligne d’arrivée où il faudra continuer de tirer de bords. Cette étape, de quatre nuits en mer, sera longue. Toute la remontée le long de la côte espagnole doit nous permettre de nous abriter de la mer très forte, l’un des points clé de cette étape, avec une houle et une mer du vent qui vont se croiser. Une mer casse-bateaux, casse-bonhommes et casse-bonne femmes. Ca va être une vie penchée, on va solliciter les organismes, cela va être très physique. C’est sûr, on va en baver. Je pars dans l’idée que cela va être dur, mais on va être tous logés à la même enseigne. J’essaye de profiter des derniers moments à terre pour me détendre à maximum. Au départ, dans la baie qui est abritée, on n’aura pas encore le vent annoncé. On va partir sur un parcours côtier qui va être très sympa pour les spectateurs avec pas mal de manœuvres et qui nécessitera un changement de voile en vue du gros temps qu’on aura ensuite. »
Thierry Chabagny (Gedimat) :
« On va rentrer dans le dur de La Solitaire, c’est clair, avec beaucoup de près, de la mer forte, du vent fort, des changements de voiles. Il y aura quand un même un peu de stratégie, parce qui dit près, dit choix de bords et écarts latéraux. Cela peut aussi créer des écarts à l’arrivée. On sera sûrement à ramasser à la petite cuillère à Concarneau. La modification du parcours, c’est une bonne chose au niveau de la sécurité. Si on n’avait pas cette marque là, les routages nous faisaient plutôt aller sur la gauche du plan d’eau, vraiment au milieu du Golfe, là où la mer et le vent seront encore plus forts. Cela nous oblige à rester dans une mer plus maniable et un vent un peu moins soutenu. Pour l’ensemble des coureurs, pour les bizuths, c’est peut-être plus raisonnable. Mais, ça va quand même cogner. La préparation pour cette étape consiste à checker les voiles plates, les bosses de ris… On sait qu’on va être trempés, il faut donc prévoir les vêtements en conséquence pour ne pas avoir froid, prévoir la combinaison sèche. Au niveau de l’alimentation, il faut prévoir des choses à digestion rapide. Je me sens bien pour cette étape, on a eu une super remise des prix hier, mais il faut faire table rase du passé, la course recommence demain. Je ne vais pas protéger un classement général, ce n’est pas du tout l’idée. Je vais essayer de faire une belle étape, comme j’ai pu en faire d’autres avant. Je ne vais pas changer ma façon de naviguer. Ça a fini par payer, ça prouve que ma méthode n’est pas complètement débile. Même si cette victoire d’étape est un peu galvanisante, je ne me dis certainement pas que je suis intouchable. Personne n’est à l’abri de faire une grosse bêtise ou de rencontrer un problème technique. L’année dernière j’ai subi un démâtage, il faut rester humble. »
Yannig Livory (Lorient Entreprendre) :
« Ce sera une étape de bûcherons après un départ un petit mou puis des passages de caps le long de la côte espagnole qui vont être un peu chauds. Après la bouée Gascogne, on continuera au près dans du clapot assez tendu. Il va falloir faire gaffe au matos et au bonhomme. Il faudra aussi être attentif notamment le long de la côte espagnole avec pas mal de croisements de bateaux, plus des bateaux de pêche. On est confronté à une situation assez classique au niveau météo, mais la modification de parcours nous évite de nous retrouver dans la partie ouest du golfe de Gascogne dans des conditions de vent et de mer encore plus fortes. »
Alexis Loison (Groupe Fiva) :
« Cela va être une étape de sangliers, de bourrins. Il va falloir débrancher le cerveau. Cela ne va pas être l’étape la plus rigolote. Mais il faut y aller, je pense qu’on sera content de l’avoir fait quand on sera arrivé à Concarneau, parce que cela ne va pas être de la tarte. Ce changement au niveau du parcours va forcer les concurrents à rester proches de la côte en espérant qu’il y ait un peu moins de vent et un peu moins de mer, mais ce n’est pour ça que cela enlève beaucoup de difficultés. Il va aussi falloir surveiller les pêcheurs tout au long de la côte. Cette étape va être un peu différente de ce qui était prévu au départ, mais elle ne sera pas plus simple. Cela demande de bien préparer le bateau, de monter dans le mât pour checker le gréement et être sûr d’avoir une girouette qui tienne, c’est un élément fragile du bateau. Il faut vérifier que tout est bien arrimé à bord. J’embarque aussi un peu de matériel pour réparer les voiles si jamais j’en déchire une pendant l’étape. J’emporte aussi des choses faciles à manger, j’oublie les œufs au bacon ! Au niveau des vêtements, j’emmène le ciré étanche, la combinaison sèche et des affaires de rechange pour pouvoir me changer parce qu’on va être trempé. Au niveau du poids, on essaye d’atteindre les 100 kg pile poil pour augmenter le couple de rappel. Il ne faut pas lésiner sur le matériel embarqué. Cette étape peut créer des écarts, non pas sur des options météo, mais plus sur le rythme des concurrents, sur le niveau d’endurance. »
Corentin Horeau (Bretagne-Crédit Mutuel Performance) :
« L’étape s’annonce compliquée, longue… Une étape de sangliers. Il va falloir rester à la barre souvent et longtemps. C’est une étape d’endurance qui demandera aussi de trouver une bonne vitesse. Ce way point, c’est une sage décision qui nous évite de partir là où il y a plus d’air. Si on reste à la côte, d’après les routages, il y a un peu moins d’air et de mer. Cela va aussi être très long. On a un peu l’impression de partir au bagne. Si toutes les étapes sont comme celle là, ce sera une Solitaire d’anthologie. Mais on espère que la chance va tourner et qu’il va y avoir du jeu sur le reste du parcours. »
Gildas Morvan (Cercle Vert) :
« Le cap Finisterre, la remontée le long de la pointe espagnole sera un peu dure. Ensuite, une fois qu’on tournera à droite vers Gijon, cela devrait se calmer un peu. La remontée en direction de Concarneau, on va voir ce que ça donne. Là, ce matin, les derniers modèles donnent un peu moins de vent dans l’est du Golfe. Le plus dur, cela restera quand même la première nuit avec le passage du golfe de Gascogne. La modification du parcours calme un peu le jeu, c’est sûr. Cette étape peut générer des écarts, c’est possible. Déjà au départ, pour sortir d’ici, il peut y avoir des choix différents entre aller au large ou plutôt à terre. Le vent fort, c’est aussi assez sélectif en termes de vitesse, de positions. Le près dans la brise, j’aime bien, cela ne me dérange pas. Tout petit déjà, mon grand-père m’emmenait dans toutes les conditions avec la marée. J’ai été élevé un peu là-dedans. Ce type d’étape demande de bien sécuriser le bateau, de vérifier que tout est bien amarré pour qu’il n’y ait rien qui vole, de bien faire attention à tout ce qui peut valdinguer dans le bateau. On bétonne l’intérieur pour que rien ne bouge. Au niveau des fringues, on prévoit ce qu’il faut, la combinaison sèche et des vêtements pour se protéger du froid et de ces conditions difficiles. On s’assure aussi que la brassière soit déjà à poste avec la longe à portée de la main. Au niveau de la nourriture, je prévois des choses faciles à manger, des Bolino, du pain, des cacahuètes si je n’ai pas le temps de préparer. Cela consiste donc à bien expliquer au préparateur les conditions qu’on va rencontrer, et ce que je veux, pour anticiper au mieux. »