Pour sa 14e participation à La Solitaire du Figaro-Eric Bompard cachemire, le skipper de Gedimat s’est offert sa première victoire d’étape. A 43 ans, ce breton au palmarès riche et éclectique (2e de La Solitaire en 2006, détenteur du Trophée Jules Verne aux côtés de Loïck Peyron en 2012…) signe une superbe performance sur ce premier tronçon entre Bordeaux-Pauillac et Sanxenxo (Espagne). Dès la sortie de la Gironde, Thierry Chabagny s’est imposé en tête de flotte, naviguant parfaitement, faisant les bons choix stratégiques, malgré des conditions de navigations complexes.

Cette première étape de la 46e édition de La Solitaire du Figaro – Eric Bompard cachemire restera dans les annales. La plus courte sur le papier (461 milles), elle s’est avérée longue et compliquée. Le golfe de Gascogne, traversé par deux fronts successifs, a contraint les 39 marins à aller chercher des bascules de vents et à faire des choix stratégiques permanents. Dans une mer formée et un vent de sud-ouest établi, la flotte s’est scindée, au bout de 48 heures, en deux groupes bien distincts dans l’idée d’aborder le cap Finisterre sous le meilleur angle possible.

La bataille des ténors du circuit Figaro Bénéteau

Thierry Chabagny se trouve alors avec les favoris de l’épreuve, à l’image de Yann Eliès (Groupe Queguiner – Leucémie Espoir) et de Jérémie Beyou (Maître CoQ), respectivement double et triple vainqueurs de La Solitaire. Dans le bon rythme, signant une trajectoire parfaite, le skipper de Gedimat colle au tableau arrière d’un Yann Eliès combattant. L’option ouest du petit groupe mené par Adrien Hardy (Agir Recouvrement), Gildas Mahé (Qualiconfort – The Beautiful Watch) ou encore Corentin Horeau (Bretagne – Crédit Mutuel Performance) fait douter les sudistes un temps… Entre la gestion du bateau, du bonhomme et de la météo, les cerveaux fonctionnent à 200% sur la façon d’aborder le cap Finisterre et son coup de vent.

Chab’ s’envole

Passé le cap Ortegal, Thierry Chabagny met le turbo. La flotte est en mode sécurité (port du gilet de sauvetage obligatoire compte tenu du vent fort), et le stress de casser du matériel freine parfois les ardeurs. Chabagny en profite pour se décaler pour toucher du vent encore plus fort, sans hésiter à manœuvrer dans ces conditions délicates. Hier après-midi, le voilà qui prend les commandes de la flotte, pour ne plus les lâcher jusqu’à l’entrée de la baie de Sanxenxo. A 3 milles de la délivrance, comme Météo Consult l’avait annoncé, le vent s’écroule complètement, permettant aux poursuivants de Gedimat de revenir… à toucher son tableau arrière. Patience, concentration et détermination ont été les armes de Thierry Chabagny qui durant près de 4 heures a tenu tête à une meute de figaristes parés à le croquer. Il termine 15 minutes devant le deuxième de l’étape, Yann Eliès. Un rêve qu’il touche enfin à pleines mains depuis quatorze ans qu’il use ses fonds de cirés sur le circuit Figaro Bénéteau…

Ils ont dit :

Thierry Chabagny (Gédimat), premier de la première étape entre Bordeaux-Pauillac/Sanxenxo : La victoire

« J’ai dû faire une cinquantaine d’étapes, c’est la victoire de la patience. Je dois être un animal à la maturité lente, mais à maturité quand même, cela finit par arriver. C’est aussi la victoire de la fidélité avec mon partenaire, parce que ça fait cinq ans qu’on est ensemble. C’est une grande joie. C’est sûr la fin dans la molle, c’était un peu énervant, mais pour que ça se termine comme ça, c’est que je devais vraiment la gagner. C’est seulement à 0,05 mille de l’arrivée que je me suis dit que ça allait le faire.
Sur la ligne, j’ai pensé que c’était incroyable. J’ai pensé à tous mes proches, à tous mes amis, à tous ceux à qui cela faisait plaisir, à mon sponsor et à tous les sponsors que j’ai eus et qui ont cru en moi à un moment donné. »

L’arrivée

« J’avais fait un petit décalage au portant dans la brise qui a été bien payant vis à vis du groupe avec lequel je me battais, le groupe de tête. Je savais que ça allait mollir sur la fin, mais je pensais que cela allait tenir un peu, la terre était encore chaude, mais c’est tombé, rideau, d’un coup… Plus rien ! J’avançais tranquillement à 6-7 nœuds, puis d’un coup, zéro. J’ai pris le spi dans la figure et plus rien. J’avais un bateau à 1,2 mille derrière moi, c’était Yann… J’ai réussi à repartir un peu, j’ai refait mon décalage et après c’est retombé complet et c’était la kermesse ! Je me suis fait doubler, on était au louvoyage et puis à la fin, au dernier coin, il n’y avait plus rien du tout, et je me suis mis vers la ligne d’arrivée et bizarrement, ça s’est mis avancer. J’étais derrière, j’avais fait le deuil de l’étape. C’était le mouvement des vagues qui faisait avancer un peu. C’était le cauchemar.
J’ai été un peu frustré par cette arrivée dans la molle parce qu’avec le coup que j’avais fait, je le sentais bien et puis j’avais quasiment digéré le fait de faire une 2è, 3è ou 4è place, et j’ai un peu de mal à me mettre dans le peau du vainqueur d’étape. »

L’étape

« Cette étape a été dure, compliquée, dès le départ et la sortie de la Gironde, puis les passages de front froid au près, le passage du cap Finisterre dans la brise… Il y avait pas mal de difficultés. Mais à chaque fois, j’étais dans le bon paquet. J’ai même réussi à gagner des places. A la fin, j’ai fait mon petit décalage, et là j’ai mis tout le monde d’accord. J’ai préféré jouer la pression, la force du vent. Pour avoir fait plusieurs transats, je savais qu’il y a toujours plus de vent au large. Quand j’ai recroisé avec le groupe, j’ai vu que c’était la bonne opération. Cela s’enchaînait super bien, quand cela se passe comme ça, c’est le bonheur. »

La suite

« Cette victoire on ne pourra pas me la reprendre, même si Yann a un quart d’heure… Il faut le mettre à cinq heures, sinon cela ne sert à rien ! Il n’est jamais mort cet animal, il revient toujours, il a une aptitude à faire ça qui est folle. La Solitaire recommence dimanche prochain. Jusqu’à la dernière étape, le général n’est pas joué. Mais gagner une étape, au delà-bien naviguer et me faire plaisir, c’était un de mes objectifs sur La Solitaire, celui là est rempli. »

Yann Eliès (Groupe Queguiner – Leucémie Espoir), deuxième de la première étape

« Je crois que c’est la première fois que je mets autant de temps à finir une course ! Pas de vent, pas de vent, pas un souffle d’air, très peu de vagues. Ce n’était pas évident, mais j’ai appris des trucs, comme de faire gîter le bateau, régler la grand-voile à la main… C’est bien pour Thierry (Chabagny), il a pas mal navigué ! J’étais devant à un moment, mais je n’avais pas compris qu’il n’y aurait plus de vent jusqu’à la fin. La place de deuxième, je suis content ! Je suis à un quart d’heure de lui, on a fait le ménage avec ceux de derrière. Thierry n’avait pas gagné d’étape depuis La Solitaire où il fait deuxième. Ce fut une étape riche en situations, le scénario était proche de ce qu’on avait prévu. Je ne me suis pas senti perdu dans les enchaînements. La pétole était prévue, les 30 nœuds au cap Finisterre aussi. C’était varié, j’ai eu des bonnes phase de plaisir, mais des phases où Charlie et Thierry allaient très vite au près. Il faut que j’y croie plus ! Parfois je n’ai pas le mental, je n’y crois pas assez, je pars battu. J’ai trouvé ! C’était mieux sous pilote à la bannette, fini je ne touche plus à la barre ! J’ai eu du mal à la fin : 0,5 nœuds, 0,9 dans les surfs, faut aller tout droit… Une arrivée vraiment difficile. »

Alexis Loison (Groupe Fiva), troisième de la première étape :

« Du début à la fin, cette étape s’est plutôt bien passée, puisqu’au départ de Bordeaux, qui n’était pas forcément simple, j’ai réussi à me faufiler et à prendre la tête. Tout du long, j’étais dans les bons coups ; et là, je pense qu’il va y avoir un peu d’écart, qui va coûter cher à certains et qui va aider pour le général, parfait, je suis satisfait ! J’ai eu peur à la fin, que tout le monde revienne, que je perde quelques places… A un moment j’étais plutôt 5è, mais j’ai réussi à mériter mon podium ! C’était très impressionnant ce final, on attendait une petite risée et cela ne revenait jamais. On a essayé plein de techniques, on se surveillait entre nous pour voir comment les autres faisait… Mais on progressait tous à 0,5-0,6 nœuds, c’était interminable. » Yann râlait à la fin, il commençait à trouver ça long moi aussi. On était ensemble, on n’a pas arrêté de faire le yoyo, mais il va vite, j’avais du mal à le contenir, il faut que je trouve pourquoi.
C’est sûr, il va y avoir quelques déçus au ponton, ce soir… ou demain ! Avec le vent qu’on eu cet après-midi au large des côtes espagnoles, c’était assez tonique, on a eu quelques empannages, où il ne fallait pas se rater au risque de déchirer le spi. Forcément, quand on est à 10 nœuds, on pense qu’on arrive dans trois heures, puis on ralentit à 8 nœuds, c’est encore trois heures, puis à la fin, on est à 1 nœud et c’est toujours dans trois heures ! (rires) »

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