Qui peut gagner la 46e Solitaire du Figaro
Difficile de faire des pronostics sur le futur vainqueur. Il y a tant de paramètres à prendre compte ! Le talent des skippers, le parcours, la météo, les aléas inhérents au sport mécanique, les coups tactiques osés… autant d’ingrédients qui font de cette épreuve d’endurance en solitaire, une course mythique si difficile à remporter. Mais sur le papier, au regard des palmarès et des résultats lors des régates d’avant-saison, plusieurs noms peuvent déjà être chuchotés pour la victoire finale sur cette 46e édition de La Solitaire du Figaro-Eric Bompard cachemire…
Dernier jour à terre avant le départ du Prologue Eric Bompard cachemire demain qui emmènera les Solitaires vers Pauillac, avant le coup de canon de la première étape dimanche à 17h précises. Derniers préparatifs, derniers contrôles de jauges, dernières siestes, derniers footings dans les parcs de Bordeaux, derniers interviews et déjà la pression qui monte. Les skippers le savent bien : une première étape réussie est gage d’une bonne place finale, parce qu’elle vous forge un mental de gagnant. « Démarrer La Solitaire dans les profondeurs du classement, ce n’est vraiment pas bon pour la suite » confirment en cœur Yoann Richomme (Skipper Macif 2014) et Charlie Dalin (Skipper Macif 2015).
Deux hommes à abattre
Deux noms, deux futurs skippers du Vendée Globe 2016 : Yann Eliès (Groupe Queguiner – Leucémie Espoir) et Jérémie Beyou (Maître CoQ). Ces marins chevronnés ont déjà remporté plusieurs fois La Solitaire : Yann par deux fois consécutives en 2012 et 2013, et Jérémie par trois fois en 2005, 2011 et 2014. Comme le dit si bien Alain Gautier (Generali) : « Le profil du gagnant est âgé de 35 à 42 ans, et affiche une expérience bien trempée d’au moins 7 participations, c’est pour cette raison que Yann et Jérémie sont archi-favoris ». Le skipper briochin prendra pour la 16e fois le départ de l’épreuve avec une rage d’enfer, bien décidé à prendre sa revanche sur l’édition 2014 où un démâtage sur la première étape lui avait ôté toute chance de victoire. Jérémie, lui, sort de quelques semaines compliquées suite à une opération du genou. Mais le triple vainqueur de La Solitaire semble cependant serein et encore plus fort mentalement après deux semaines de rééducation à Kerpape dans le Morbihan.
Une meute à leurs trousses…
Autant dire que les deux ténors n’auront pas la vie facile. Gildas Mahé (Quali Confort – The Beautiful Watch) est lui aussi un grand favori de cette édition et le dit clairement : « Je viens pour gagner. » Malgré un petit budget, son bateau rondement préparé est une bombe au près. Le Finistérien affiche une vitesse insolente sur l’eau et en a bluffé plus d’un lors de la Solo Concarneau-Trophée Guy Cotten où il termine deuxième derrière Corentin Horeau (Bretagne – Crédit Mutuel Performance). Un Corentin de 25 ans qui n’a pas le profil du vainqueur, mais un immense talent qui l’a porté sur la deuxième marche du podium de La Solitaire 2014 ! « Je vais m’arracher » confie-t-il. Que dire de la grosse envie de Charlie Dalin, Champion de France Elite de course au large en solitaire l’année dernière et diablement régulier… Charlie aime les longues étapes, la brise, l’endurance, la haute mer : ce parcours est fait pour lui. Affamé d’une victoire sur La Solitaire du Figaro – Eric Bompard cachemire qu’il n‘a jamais remporté, Gildas Morvan (Cercle Vert), nourri de 19 participations, voudrait bien ne faire qu’une bouchée de la 46e édition. L’homme est ultra expérimenté et ambitieux.
Remontés comme des pendules
Beaucoup reviennent sur La Solitaire parce qu’ils ont touché du doigt le podium, voire la victoire. Corentin Douguet (Sofinther – Un maillot pour la vie), par exemple, a terminé deux fois troisième (2007 et 2010) et peut à nouveau remporter une étape comme il l’avait fait en 2007. Même chose pour Yoann Richomme 4e en 2013, souvent auteur de bons coups. Derrière la mine joviale d’Alexis Loison (Groupe Fiva) se cache un marin accrocheur et fûté. Sa victoire d’étape à Plymouth sur La Solitaire du Figaro-Eric Bompard cachemire 2014 a démontré tout le potentiel du bonhomme, grand habitué de l’épreuve (9 participations). Deuxième en 2013, Xavier Macaire (Skipper Hérault) fait également partie des ténors. Sa mauvaise saison 2014 lui donne encore plus de niaque pour terminer aux avant-postes. Xavier peut faire des lumières… Thierry Chabagny (Gedimat), lui, ronge son frein depuis sa superbe place de dauphin en 2006. Sa grande maîtrise du Figaro Bénéteau 2, sa passion pour le large sont ses plus grands atouts. Enfin, l’audacieux Adrien Hardy (Agir Recouvrement) fait figure de meneur de jeu, toujours en embuscade, prêt à tenter des options, capable de revenir de nulle part. Un grand animateur de La Solitaire qu’il a couru déjà sept fois.
A Bordeaux, les sacs sont prêts pour le Grand Départ, les bateaux parés à affronter le golfe de Gascogne et les marins concentrés avant de rentrer un mois durant dans leur bulle de coureurs au large…
Ils ont dit :
Jérémie Beyou, Maître CoQ :
« La course se gagne au mental dans le sens où c’est le mental, et non pas la technique qui fait la différence entre le premier et le deuxième. Même si techniquement j’étais prêt, même si j’étais rapide, même si je ne faisais pas d’erreurs, j’ai mis neuf éditions à gagner parce que je restais dans le groupe, croyant que je pouvais l’emporter par élimination. Mais tu ne te comportes pas en vainqueur comme ça. Il faut savoir assommer le groupe. La comparaison avec le vélo est bonne, plus tu vas te faire mal aux jambes, plus ceux d’à côté vont se faire mal aux jambes. Parfois, il suffit juste d’un virement la nuit quand tout le monde est fatigué pour poser une mine. Il faut vraiment avoir envie d’être un peu méchant pour l’emporter. »
Gildas Mahé, Quali Confort – The Beautiful Watch
« J’ai mis à l’eau tardivement, juste avant la Solo Concarneau qui s’est bien passée pour moi, parce que je fini deuxième. Ce qui est bien, c’est que je repars avec des voiles en bon état que je connais parfaitement qui vont avec mon réglage de mât. Je suis rapide au près et au portant. Je connais bien mon bateau avec lequel j’ai fait toute la saison dernière. Je viens sur La Solitaire pour faire un résultat. La voile est un sport mécanique et mon bateau est parfaitement prêt, je pense même aller mieux que l’année dernière ! ».
Corentin Horeau, Bretagne-Crédit Mutuel Performance
« Je n’ai pas fait un bon début de saison, mais heureusement, je termine premier de la Solo Concarneau, donc ça me remet en confiance juste avant La Solitaire. Après, c’est un mal pour un bien, car ce mauvais début de saison me remet les idées en place : il ne faut jamais oublier que l’on peut rapidement retomber dans les profondeurs du classement. Je me sens détendu avant le départ. J’ai envie de confirmer cette année ma deuxième place sur La Solitaire 2014. Mon objectif, c’est une victoire, surtout que c’est ma dernière année avec Bretagne-Crédit Mutuel. Je vais m’arracher.»
Charlie Dalin, Skipper Macif 2015
« J’aime beaucoup ce parcours parce qu’il est hauturier avec deux traversées du golfe de Gascogne et une remontée en mer d’Irlande. Il sera très ouvert aux options. Chacun pourra tenter sa chance, c’est ce qui ne sera pas simple à gérer. Evidemment, je vise le podium, mieux la victoire ! Il me reste deux places à gagner, car j’ai fini troisième l’an passé. Ce ne sera pas simple. Mais le parcours me fait très envie. »
Yoann Richomme, Skipper Macif 2014
« Je pars bien reposé, je me sens en pleine forme. J’ai retrouvé mes sensations, ma bonne vitesse par rapport à l’année dernière où je ne parvenais pas à trouver de solutions, où j’ai loupé ma Solitaire. Cette année, ce sera bien différent. Je sais que je suis capable de risquer des coups payants. Le jeu risque d’être plus ouvert par rapport au parcours et au plateau de skippers. Beaucoup sont capables de gagner cette édition, de croquer Yann Eliès ! »
Le mot du jour : run
C’est une spécialité bordelaise. Comme en 2013, des runs d’exhibition ont animé les eaux de la Garonne tout au long de la semaine entre une bouée mouillée devant le village de la course et le pont Jacques Chaban-Delmas. Ce vendredi après-midi a eu lieu la « der des ders » de cette série de régates ludiques qui ont constitué une occasion privilégiée pour les skippers d’embarquer de nombreux invités. Au jeu de la finale, c’est Thierry Chabagny (Gedimat) qui l’emporte devant Gildas Morvan (Cercle Vert).
Chiffre du jour : 100
C’est le nombre de kilos maximum autorisés à être embarqués à bord de chaque Figaro Bénéteau 2. Ces 100 kg comprennent le matériel de sécurité (gilet, harnais…), les vêtements, la nourriture (entre 10 et 12 kg en moyenne) et le liquide (15 l maximum autorisés pour l’eau, le lait, les jus de fruits éventuels).
Un prologue sur la Garonne
C’est demain, à l’occasion du Prologue Eric Bompard cachemire, que la flotte de la 46ème Solitaire mettra les voiles pour rejoindre Pauillac et la ligne de départ de la première étape, dimanche, à 17h00 en direction de Sanxenxo (Espagne). Mais pour remercier Bordeaux, la ville du Grand Départ, et ses habitants pour le formidable accueil qui leur a été réservé depuis une semaine, les solitaires ont promis d’animer comme il se doit les eaux de la Garonne entre le port de la Lune et le pont d’Aquitaine. Les départs de trois groupes de six bateaux, puis de trois groupes de sept, s’échelonneront entre 17h45 et 17h50. Au regard des conditions météo attendues (flux d’ouest, nord-ouest de 10-12 nœuds), c’est au louvoyage qu’ils tenteront d’être les plus rapides pour décrocher les honneurs de cette régate qui compte pour la beauté du geste et non pas pour le classement final. Grand spectacle garanti en pleine ville pour le public attendu sur les quais pour ne rien rater de cette première confrontation en eau douce.