Pas le droit à l’erreur
La flotte de la Volvo Ocean Race a quitté Auckland mardi soir (heure française) et les équipages ont très vite été dans le bain. Profitant des résidus du cyclone PAM, les bateaux ont dû affronter des conditions de navigation soutenues. 25 à 30 nœuds de vent, une mer grosse… Les hommes comme les bateaux se sont faits secouer dans tous les sens. Les vagues ont frappé puissamment les ponts des Volvo Ocean 65. Les estomacs ont été malmenés et certains équipiers se sont même blessés à l’image de Martin Strömberg à bord de Dongfeng Race Team. Le Suédois s’est ouvert la main lors d’une manœuvre. « Une maladresse qui n’aurait jamais dû arriver » dit –il. Rien de grave, juste de quoi rappeler que la prudence sera le maître-mot dans les semaines qui viennent.
Cette entrée en matière tonique n’a pas favorisé Dongfeng Race Team. « On s’est trompés de voile après la Nouvelle-Zélande je pense. La route est longue et compliquée. Et si c’est parti par devant dans un premier temps, ça a l’air de revenir par derrière à moyen terme. Donc pas de catastrophe. De toute façon, cette étape sera la plus dure pour nous car nous avons moins d’expérience » analyse Caudrelier.
Par contre, Team Alvimedica a fait fi de la jeunesse de son équipage et a su tirer son épingle du jeu. Charlie Enright, avec une position au nord de ses adversaires, mène la flotte. Le bateau orange est à 5.3 milles de son premier poursuivant, Team Brunel. Abu Dhabi Ocean Racing est 18.8 milles derrière les Américains. Puis viennent MAPFRE, Dongfeng Race Team et Team SCA un peu plus de trente milles derrière.
Depuis cette nuit, comme l’annonçaient les fichiers, les conditions sont devenues plus maniables. La flotte progresse au près dans un vent de sud sud ouest qui a nettement perdu du souffle (15 à 20 nœuds). « Hier, c’était l’hiver. Nous avions 27 nœuds de vent et huit mètres de creux. Il y a avait tellement d’eau qui tombait en permanence sur le pont que tu avais le sentiment, même en plein jour, de vivre dans le noir. On n’arrivait à peine à manger. On ne parlait pas. Même Bouwe n’a rien avalé pendant 48 heures. Et puis, c’est comme si le printemps était arrivé. Nous sommes passés de 27 à 19 nœuds. La mer s’est calmée. C’est une sensation géniale » décrit Stefan Coppers à bord de Brunel.
Les dernières 48 heures ont favorisé les plus rapides mais l’enjeu actuellement n’est plus uniquement la vitesse. Les bateaux doivent se positionner par rapport à une zone de haute pression située dans le sud est de la Nouvelle-Zélande. « Nous avons une zone de vent plus faible à négocier avant d’attraper les systèmes dépressionnaires du grand sud. C’est l’occasion de nous préparer au mieux pour ce long voyage humide et un peu sauvage qui nous attend. On va enfiler des vêtements plus chauds. Nous allons aussi essayer de ranger un peu le bateau pour rendre la vie à bord plus confortable » décrit l’expérimentée Dee Caffari à bord de Team SCA.
En ce milieu d’après-midi, certains équipages avaient déjà choisi de virer à l’image des chasseurs Dongfeng Race Team, MAPFRE et Team SCA. Charles Caudrelier et ses hommes ont déploré un retard de vitesse lors des dernières heures de course, il faudra donc trouver les clés pour maintenir la pression sur les leaders. « On a rencontré quelques soucis de vitesse hier et surtout ce matin, sans que l’on puisse vraiment expliquer pourquoi. De là à dire que ça plombe un peu l’ambiance, ce serait exagéré, mais disons que c’est contrariant » raconte Yann Riou.
Actuellement leaders du classement général à égalité de points avec Abu Dhabi Ocean Racing, Charles Caudrelier et ses hommes comptent bien ne pas se laisser sortir du jeu par les équipages plus expérimentés. Mais les défauts de jeunesse vont certainement, comme le dit le skipper français, être plus visibles sur cette étape du grand sud. Et puis, Caudrelier avoue aussi subir plus de pression en raison des vents forts attendus sur cette étape. « Dans les conditions difficiles et le vent fort, on ressent le manque d’expérience de nos marins chinois. Même s’ils font preuve d’un courage remarquable, c’est une pression supplémentaire pour nous tous et notamment pour moi en tant que skipper responsable d’eux. Quand le mauvais temps est là, je dois doser en permanence ce que nous sommes capables de faire ou pas. Si lors des précédentes étapes nous avions le droit à l’erreur, dans le sud on ne peut pas se permettre certaines erreurs ».
Devant l’étrave de Dongfeng et des cinq autres concurrents, il y a 4 500 milles à parcourir jusqu’au Cap Horn. Après, il faudra encore batailler dans la remontée de l’Atlantique Sud pour rejoindre Itajai, terme de cette fabuleuse étape.