C’est l’une des spécificités de la Barcelona World Race : la remontée vers le détroit de Gibraltar ne laisse pas d’autre possibilité aux équipages engagés que de s’engager vers l’anticyclone des Açores, et de subir un régime de près serré dans les alizés. Impossible de contourner l’anticyclone par l’ouest avant de rejoindre les rives de la vieille Europe, c’est donc pas loin d’une semaine d’allures de près qui va constituer le menu des tandems avant de pénétrer en Méditerranée.

A un peu plus de 500 milles dans l’ouest des îles Canaries, Cheminées Poujoulat continue d’ouvrir la voie en bon premier de cordée. Cap au nord vers le centre de l’anticyclone des Açores, le monocoque jaune et noir trace sa route avant de virer de bord, a priori dans la matinée de mercredi. Ce sera ensuite la route presque directe vers le golfe de Cadix et les portes de la Méditerranée. Le vent, hier encore très variable en force comme en direction, s’est petit à petit stabilisé et les incessants virements de bord ont laissé place à des réglages plus subtils, où il faut savoir naviguer avec la toile du temps. Changements de focs, prises de ris et matossage ont toujours droit de cité, mais entre deux manœuvres, les marins peuvent commencer à songer au retour à la vie terrestre.

Confusion des sentiments

Après 75 jours de mer, la perspective de passer encore huit à dix jours en mer paraît forcément dérisoire et la tentation est grande de déclencher le compte à rebours de ce qui sépare les marins de Barcelone. Et comme à chaque fin de tour du monde, ce sont des sentiments contrastés qui se mélangent. Bien sûr, il y a l’envie qui se fait de plus en plus pressante, d’arriver, de retrouver les proches, les copains, d’en finir avec le stress toujours présent de la compétition. Mais, c’est en même temps signer la fin d’une belle aventure humaine. Avoir affronté ensemble les mers du Sud, le froid, les phases d’anxiété à l’approche des phénomènes météo les plus violents, crée inéluctablement des liens.

Cette ambivalence des sentiments, se fait d’autant plus forte que l’arrivée se fait sentir et que les allures de près laissent le temps de réfléchir quand le bateau est gentiment calé sur sa route, que l’on sait que le prochain virement de bord devrait avoir lieu dans 24 heures. A bord de GAES Centros Auditivos Anna Corbella avoue rêver parfois de télévision couleur et d’un cocon douillet pour y retrouver ses proches. On imagine aussi les échanges entre Bernard Stamm et Jean Le Cam sur leurs projets respectifs et leur envie conjointe de s’affronter sur le prochain Vendée Globe. A bord de Neutrogena, on peut supposer que Guillermo Altadill et José Muñoz envisagent déjà leurs futures navigations.

Le quotidien des hommes du sud

Pour les hommes de l’hémisphère sud, l’arrivé e est encore trop loin pour se profiler dans les têtes. A bord de We Are Water et de One Planet One Ocean & Pharmaton, le duel amical entre les deux équipages mobilise toutes les énergies, quand sur Renault Captur, Sébastien Audigane et Jörg Riechers, tout à leur quête d’une route la plus courte possible bataillent dans les vents instables générés par la petite dépression qu’ils contournent par l’ouest. Enfin, l’équipage de Spirit of Hungary s’est consolé de n’avoir pas pu voir le cap Horn, passage de nuit oblige, en franchissant le détroit de Le Maire à raser l’île des Etats, leur première terre depuis la Nouvelle-Zélande. De quoi patienter avant de retrouver les colonnes d’Hercule…

Classement à 14h TU :

  1. Cheminées Poujoulat (B Stamm – J Le Cam) à 1760,5 milles de l’arrivée
  2. Neutrogena (G Altadill – J Muñoz) à 918,8 milles
  3. GAES Centros Auditivos (A Corbella – G Marin) à 1010,5 milles
  4. We Are Water (B Garcia – W Garcia) à 2281,1 milles
  5. One Planet One Ocean & Pharmaton (A Gelabert – D Costa) à 2293,3 milles
  6. Renault Captur (J Riechers – S Audigane) à 3369,1 milles
  7. Spirit of Hungary (N Fa – C Colman) à 4796,9 milles

Ils ont dit :

Anna Corbella (GAES Centros Auditivos) :

Nous sommes contents, nous nous rapprochons de la maison. On navigue au près dans les alizés on n’a donc qu’à laisser passer les jours et on sera arrivé. On va bien actuellement. On n’a que peu de chances de rejoindre Neutrogena à l’heure actuelle, car on navigue au près. Les vitesses des deux bateaux sont proches et la seule différence tient au fait que nous sommes légèrement décalés dans l’est.

Pas mal de chos es nous manquent, la nourriture notamment. On n’a pas grand-chose à faire. De temps en temps, on pense aux amis à la famille qui nous manquent, on aimerait regarder la télé. Ce sont toutes ces petites choses qui nous manquent, mais d’un autre côté, on est fier d’avoir accompli ce que peu de gens peuvent faire, c’est un sentiment double.

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