Sur l’Atlantique du Nord au Sud, en route vers Barcelone
Au 74è jour de course, la famille des sept bateaux de la Barcelone World Race est réunie au grand complet en Atlantique. Spirit of Hungary, qui ferme la marche de la flotte en 7è position, a laissé le Pacifique dans son sillage après avoir doublé le cap Horn au petit matin sous nos latitudes. Il concédait alors 19 jours et 5 heures de retard sur le leader Cheminées Poujoulat. Freiné depuis hier dans sa progression vers le détroit de Gibraltar, le chef de flotte est toujours attendu le 22 mars au matin portes de la Méditerranée, avant son retour trois jours plus tard à bon port, à Barcelone.
Deux fois la route, trois fois la peine. Après une remontée express de l’Atlantique Sud, Bernard Stamm et Jean Le Cam rencontrent des conditions plus complexes au passage d’une dorsale anticyclonique qui perturbe le flux d’alizés de secteur d’est-nord-est. Dans des vents modérés, très instables en force comme en direction, ils doivent depuis hier composer leur route à coups de virements de bord. Au large des côtes africaines, par 24° Nord, ils ont franchement réduit l’allure comme en témoignent les 147 milles parcourus sur les dernières 24 heures. Pour autant, ces premiers de cordée, que rien se semble pouvoir arrêter, n’en sont pas moins passés sous la barre des 2 000 milles restant jusqu’à l’arrivée à Barcelone.
Sur un air d’accordéon ?
Dans les premières longueurs de l’Atlantique Nord, Neutrogena et GAES Centros Autidivos connaissent également un coup de frein. Anna Corbella et Gerard Marin ont franchi l’équateur hier en soirée (19h58 TU), soit un peu moins d’une journée après leurs prédécesseurs, Guillermo Altadill et José Muñoz. Ces derniers peinent à accrocher le régime d’alizés du nord et voient leurs poursuivants, qui profitent d’un peu plus de pression, revenir fort dans leur tableau arrière. Mais gare au classique effet d’accord on qui veut que les écarts se font et se défont, et pourrait permettre à Neutrogena de redémarrer quand GAES Centros Auditivos ralentira à son tour au passage de cette zone de transition.
Plus au sud, à la latitude de Rio de Janeiro, la bataille fait toujours rage entre We Are Water et One Planet, One Ocean & Pharmaton qui ne se quittent plus du tableau arrière. Un coup à toi, un coup à moi. Pas étonnant donc qu’Aleix Gelabert et Didac Costa aient dans le classement de ce matin volé la vedette en 4è position à Bruno et Willy Garcia. Cet après-midi les deux frères de We Are Water ont repris l’avantage, pour deux petits milles. Pour combien de temps encore ? Une chose est sûre, ces deux équipages espagnols n’ont pas fini d’attiser le suspense dans un flux d’alizés peu établi.
Bientôt le printemps
Au large des côtes uruguayennes, la situation n’est pas la même pour le 6è bateau . Ce lundi, le navigateur allemand Jorg Riechers ne cache pas se sentir un peu isolé aux côtés de son complice français Sébastien Audigane. Les deux co-skippers de Renault Captur concèdent plus de 1000 milles sur les duettistes qui le précèdent. Ils affichent eux mêmes plus de 1400 milles et 6 jours de mer d’avance au passage du cap Horn sur le duo de Spirit of Hungary. Mais l’esprit toujours tendu dans la course, Jorg Riechers assure qu’il garde comme objectif premier de rejoindre le plus vite possible Barcelone. Les Quarantièmes sont désormais derrière et le skipper allemand apprécie de grimper les latitudes. Et de faire route vers les beaux jours et le printemps…
Classement à 14h TU :
- Cheminées Poujoulat (B Stamm – J Le Cam) à 1909 milles de l’arrivée
- Neutrogena (G Altadill – J Muñoz) à 949 milles
- GAES Centros Auditivos (A Corbella – G Marin) à 998 milles
- We Are Water (B Garcia – W Garcia) à 2 355 milles
- One Planet One Ocean & Pharmaton (A Gelabert – D Costa) à 3 478 milles
- Renault Captur (J Riechers – S Audigane) à 3 274 milles
- Spirit of Hungary (N Fa – C Colman) à 4 921 milles
Ils ont dit :
Jörg Riechers (Renault Captur) :
Nous sommes dans une situation assez compliquée au niveau de la météo. Nous devons passer une petite dépression avec des vent qui soufflent entre 10 et 25 nœuds et ça change très, très vite. Nous essayons actuellement de contourner ce vilain système qui met un peu le bazar. Et heureusement, nous devons ensuite rejoindre les vents de sud-est plus stables pour bien progresser vers Barcelone.
Mais la situation tactique reste compliqué pour nous parce que le 5è et le 4è s’échappent avec les alizés. Ces places sont très probablement déjà jouées. Nous sommes aussi un peu déconnectés de Spirit of Hungary. Nous nous sentons un peu seuls, et ce n’est pas facile de se motiver au jour le jour, mais on ne lâche pas, on fait notre maximum et notre objectif reste d’aller le plus vite possible vers Barcelone.
Le point positif de ces derniers jours, c’est de progresser dans des conditions plus chaudes. Hier matin, il faisait encore très froid, plus tard dans l’après-midi, les shorts et les T-shirts étaient presque de sortie. C’est incroyable de voir à quelle vitesse cela se réchauffe. En six ou sept heures, nous sommes passés d’un froid hivernal à la douceur du printemps.
Bruno Garcia (We Are Water) :
Nous sommes des Méditerranéens et nous faisons plus facilement face au chaud qu’au froid. Clairement, nous nous sentons mieux depuis que nous progressons au nord.
Nous apprécions la pression et cette course rend nos journées plus courtes. Nous la vivons chaque jour très intensément, et nous aimons ça. C’est une course, ils (One Planet, One Ocean & Pharmaton) marchent bien, et nous essayons de les garder derrière nous, mais ce n’est pas facile.
Il y a toujours un moment ici ou là pour penser à la fin, à l’arrivée de la course à Barcelone, cela arrive tout au long de la course. Nous ne sommes pas obsédés par ça, nous fixons des objectifs à court terme, la latitude du cap Frio, le Pot au noir, des choses comme ça. De telle sorte que nous vivons la course pas à pas.
Conrad Colman (Spirit of Hungary), dans un message après son passage du cap Horn :
On voit finalement la lumière ! Enfin ce n’est pas la lumière au bout du tunnel mais le flash du phare de Cabo de Hornos ! On y est ! Le Pacifique est derrière nous, on peut tourner à gauche et mettre le cap sur la maiso n. Après tous les problèmes et la frustration que nous avons dû affronter pour arriver ici, tout nous paraît possible.
Au lieu de nous laisser nous échapper le plus vite possible avec une énorme dépression sur nos talons, le vent a décidé d’ignorer les prévisions et de diminuer considérablement jusqu’à 10 nœuds pour notre passage ! Le côté dramatique était réservé au ciel avec un coucher de soleil rose orangé qui contrastait avec les nuages bleus et gris de la tempête derrière nous. Avec des vents si légers nous avons pu jouer les touristes et nous sommes passé à seulement 3 milles du rocher, nous laissant le temps de rendre hommage à Neptune et tous les marins qui ont navigué ici avant nous !