Cagnotte de milles
A l’approche des îles du Cap Vert, qu’il contourne très au large, Cheminées Poujoulat voit son principal rival, Neutrogena, revenir à grandes foulées, à moins de 1000 milles pour la première fois depuis début mars. Dans de bons alizés de sud-est de 18-20 nœuds, le duo Altadill/Muñoz sonne la charge, flashé à près de 20 nœuds cet après-midi, cap vers l’équateur qu’il doit franchir demain, à 22h TU. GAES Centros Auditivos doit le suivre dans l’hémisphère Nord dimanche (19h TU), le jour où Spirit of Hungary doit doubler le cap Horn (09h TU) et rejoindre le reste de la flotte dans l’Atlantique.
La cagnotte reste conséquente, 950 milles cet après-midi. Mais voilà quatre jours, qu’inexorablement, Neutrogena regagne du terrain, 580 milles de repris. Et les prévisions attendues ne devraient pas inverser la tendance ce week-end. Dans des alizés de nord-est de 12 à 18 nœuds, Cheminées Poujoulat progresse à 11 nœuds vers le nord dans des conditions laborieuses, au près, étrave face à la mer. Cette allure, Bernard Stamm et Jean Le Cam l’avaient un peu oubliée ces derniers temps ; elle devrait être leur compagne de route jusqu’à Gibraltar. Et si les alizés doivent forcir entre l’archipel du Cap Vert les îles Canaries, l’évolution de l’anticyclone des Açores reste à préciser. Après avoir couvert 90% du parcours théorique, les deux compères restent vigilants et ils sont attendus le 21 mars à la porte d’entrée de la Méditerranée.
Fortune météo
En ce vendredi 13, le deuxième sur cette Barcelona World Race, la fortune météorologique ne se partage pas toujours. Cheminées Poujoulat a eu son lot de réussite, notamment dans l’Atlantique du Sud. Mais GAES Centros Auditivos pourrait évoquer ces alizés qui propulsent son premier rival Neutrogena vers le nord avec une plus grande v igueur. À quelque 315 milles dans son tableau arrière, Anna Corbella et Gerard Marin ne se donnent guère de chance de revenir sur Guillermo Altadill et José Muñoz dans les prochains jours, le Pot au noir glissant vers le nord, les conditions restant stables. Et les conditions estivales qui les accompagnent ne réchauffent pas leur espoir refroidi d’une lutte serrée pour la seconde place.
Sortis des 40es Rugissants, We are Water et One Planet One Ocean & Pharmaton n’ont pas l’impression d’avoir changé encore d’océan. Grains, pluie, ciel gris les suivent alors qu’ils viennent de piquer, enfin, vers le nord. Réglés comme des métronomes, ces duos amis partagent toujours peu ou prou le même cap, les mêmes vitesses, autour de 13-14 nœuds. Ils avancent, et c’est bien là ce qui nourrit toujours leur enthousiasme.
Fatalisme
Auquel répond le fatalisme de Jörg Riechers et Sébastien Audigane. Le duo franco-ger manique ne croit plus guère à un retour sur ces deux bateaux, désormais à plus de 1000 milles. Au large de l’Argentine, Renault Captur avance au près, cap vers l’est pour éviter un gros anticyclone au large des côtes brésiliennes. Leur remontée de l’Atlantique sud s’annonce compliquée, avec un deuxième système anticyclonique pouvant leur barrer la route. Le changement d’océan approche pour Spirit of Hungary, toujours aussi rapide, 15 nœuds, dans son avancée vers le cap Horn. S’il doit le doubler dans un système actif, un vent d’ouest de 35 nœuds, ce dernier devrait ensuite s’écrouler. Mais cela fait longtemps que Nandor Fa et Conrad Colman font contre mauvaise fortune bon cœur.
Classement à 14h TU :
- Cheminées Poujoulat (B Stamm – J Le Cam) à 2446,9 milles de l’arrivée
- Neutrogena (G Altadill – J Muñoz) à 951,3 milles
- GAES Centros Auditivos (A Corbella – G Marin) à 1267,1 milles
- We Are Water (B Garcia – W Garcia) à 2738,6 milles
- One Planet One Ocean & Pharmaton (A Gelabert – D Costa) à 2787,7 milles
- Renault Captur (J Riechers – S Audigane) à 3801,6 milles
- Spirit of Hungary (N Fa – C Colman) à 5240,4 milles
Ils ont dit :
Bernard Stamm (Cheminées Poujoulat) :
Nous sommes au près, entre 12 et 18 nœuds de vent, avec la mer de face car le vent adonne très gentiment. Gibraltar, c’est un peu loin. Ça va dépendre comment cela se passe avec l’anticyclone (des Açores, Ndlr). On y pense toujours un peu à Gibraltar, à l’arrivée, mais il y a encore de la route. A l’échelle d’un tour du monde, ça se rapproche forcément mais il y a encore plus de distance qu’une Route du Rhum. Sur l’ensemble de la course, au niveau météo, nous avons eu de la réussite. Il faut que cela continue, car on avait un peu oublié comment c’était le près : ce n’est pas très rapide et penché. L’objectif, c’est d’essayer de finir le tour du monde comme il faut et de le gagner. Maintenant, s’il y a un record, c’est d’autant mieux. De toute façon, on va continuer à naviguer comme on l’a fa it jusque là. On n’est pas avec le frein à mains parce qu’on a de l’avance. Il y a déjà beaucoup de points positifs. Les trajectoires : à part un petit raté après Gibraltar au début de la course, nous avonsplutôt fait ce que nous voulions. Le bateau : même avec pas mal de soucis techniques, nous avons réussi à le maintenir pour pouvoir l’utiliser, jusqu’à maintenant du moins. Et puis, on s’entend toujours bien avec Jean ! Tout ça fait que c’est plutôt positif. Mais on n’est pas encore au bilan.
Anna Corbella (GAES Centros Auditivos) :
Nos conditions sont désormais relativement stables. Nous progressons vers le nord assez rapidement mais pas aussi vite que Neutrogena. Nous n’attendons pas de grands changements dans les prochains jours et il sera difficile de regagner du terrain. Tout va bien mais nous commençons à sentir que nous avons navigué depuis longtemps car certains systèmes commencent à ne plus bien fonctionner. Hier, le dessalinisateur a arrêté de produire de l’eau potable. Nous avons passé trois heures à tout changer et il marche à nouveau. Maintenant, cela devient vraiment ennuyeux. Nous avons beaucoup de temps sans rien avoir à faire. Nous sommes relativement reposés. C’est bien, il fait beau, la mer est plate, c’est comme au mois d’août dans les îles Baléares.
Didac Costa (One Planet One Ocean & Pharmaton) par message :
En regardant notre trajectoire ces derniers jours, on pourrait penser que nous avons perdu la tête après tant de jours en mer et que nous suivons le sillage de Bernard Moitessier dans « La Longue Route » (premier tour du monde sans escale et en solitaire). Je dois avouer que s’il n’y avait pas l’excitant duel avec nos amis de We are Water, il ne me manquerait vraiment pas de continuer à surfer sur les vagues du Sud et de jeter l’ancre sur une île pleine de noix de coco, loin de toute civilisation. Mais notre trajectoire participe de notre stratégie pour revenir plus vite à Barcelone. Ici, au milieu de l’océan, on ne se souvient pas seulement des navigateurs hauturiers que nous suivions dans notre jeunesse (José Luis de Ugarte, Ellen Mac Arthur, Christophe Auguin etc.), mais aussi, inévitablement, de ces pionniers qui ont ouvert la voie et dont les histoires ont fait naître beaucoup de vocations. A ces marins, sur des bateaux historiques comme Joshua, Mistral ou Spray, nous rendons hommage.