360° autour de l’Antarctique
En début d’après-midi, l’équipage de Cheminées Poujoulat a recoupé sa trace par environ 28°W et peut considérer qu’il en a terminé avec sa boucle autour de l’Antarctique. Pour autant son tour du monde n’est pas achevé, puisqu’il lui faut maintenant revenir à son point de départ, Barcelone. Ce pourrait être chose faite d’ici une vingtaine de jours.
Mais pour l’équipage leader de la course, l’important est de constater qu’il en a terminé avec les mers du Sud. En franchissant ce petit seuil anticyclonique au large des côtes argentines, les deux compères de Cheminées Poujoulat ont commencé à renouer avec des températures modérées, une mer assagie et des étoiles dans le ciel. Comble du luxe, Bernard Stamm et Jean Le Cam ont pu, pour la première fois depuis près d’un mois, repousser la casquette qui les protégeait des embruns mais les obligeait à vivre courbés comme des hommes des cavernes. Renouer avec une véritable position debout, humer l’air à pleins poumons face au vent, lever la tête pour apercevoir la Croix du Sud sont des luxes qu’ils avaient fini par oublier dans les mers australes.
Ortho pas drôle
Derrière eux, l’heure n’est pas encore aux réjouissances. La porte des latitudes nord s’est brutalement refermée au nez et à l’étrave de Neutrogena et GAES Centros Auditivos qui ne peuvent plus contourner l’anticyclone par l’est comme l’avait fait le leader de l’épreuve. Guillermo Altadill et José Muñoz, tout comme Anna Corbella et Gerard Marin, ont donc infléchi leur route vers l’orthodromie. D’ici peu, le vent devrait refuser et commencera un long chemin de croix aux allures de près pour rejoindre les alizés. Tous ceux qui ont déjà vécu ces conditions dans l’Atlantique Sud savent que le plus souvent ce sont des vents instables, une mer courte et cassante qui les attendent. Bref ! Tout ce qu’un marin normalem ent éduqué déteste. A ce rythme, Cheminées Poujoulat devrait encore creuser l’écart et pourrait couper l’équateur avec près de cinq jours d’avance sur ses poursuivants.
Vigilance au cap Horn
Dans le Pacifique, We Are Water et One Planet One Ocean & Pharmaton continuent leur mano a mano, à 150 milles de distance. L’écart est stable entre les deux équipages de bizuths des mers du Sud qui devraient arriver au cap Horn d’ici quatre jours environ. Pour Conrad Colman et Nandor Fa, le franchissement du caillou n’est pas encore d’actualité, il reste plus de la moitié du Pacifique à traverser à Spirit of Hungary. Jörg Riechers et Sébastien Audigane tentent toujours de tirer le meilleur parti de leur Renault Captur malgré le handicap d’une barre particulièrement dure aux hautes vitesses. D’où un stress évident, du fait de la peur de casser dans ce désert marin. Les frères Garcia devraient aussi s entir quelques poussées d’adrénaline, liées à la trajectoire d’une dépression particulièrement creuse qui devrait descendre le long des côtes occidentales du Chili et générer des vents de plus de 50 nœuds aux abords du cap Horn. Les derniers routages prédisent que le gros de la dépression aura enroulé la pointe de la Terre de Feu avant le passage du premier du peloton… Mais le Grand Sud a aussi cette particularité de pouvoir évoluer très vite. La vigilance est donc impérative, quitte à devoir freiner pour laisser passer le plus gros du mauvais temps. C’est aussi le paradoxe des courses océaniques que de savoir ralentir pour aller au plus vite.
Classement à 14h TU :
- Cheminées Poujoulat (B Stamm – J Le Cam) à 4938,2 milles de l’arrivée
- Neutrogena (G Altadill – J Muñoz) à 970,4 milles
- GAES Centros Auditivos (A Corbella – G Marin) à 1237,4 milles
- We Are Water (B Garcia – W Garcia) à 3190,5 milles
- One Planet One Ocean & Pharmaton (A Gelabert – D Costa) à 3420,6 milles
- Renault Captur (J Riechers – S Audigane) à 3910,4 milles
- Spirit of Hungary (N Fa – C Colman) à 5430,7 milles
Ils ont dit :
Bernard Stamm (Cheminées Poujoulat) :
Hier on s’est dit qu’on sortait des mers du Sud. On a retrouvé un temps plus facile à manier. Ça fait du bien de changer un peu. On a repoussé la casquette de protection pour la première fois, hier. On a eu un peu de mal à la faire glisser, mais ça fait du bien de manœuvrer debout et pas accroupi là-dessous, de régler les voiles d’avant en les voyant. Mais là, on a déjà réappris à marcher, on tient debout dans le bateau et les températures remontent, c’est agréable.
Avec notre avance, on ne contrôle rien du tout. On fait notre route avec la météo. L’anticyclone qu’on vient de passer, on le regarde depuis avant le cap Horn. La crainte, c’était qu’il ne nous laisse pas passer, qu’on se décale à l’est et qu’on laisse la porte grande ouverte derrière. Là, ce n’est pas le cas, c’est plutôt favorab le pour nous.
Jörg Riechers (Renault Captur) :
Il fait froid, il y a du vent. Pour le moment, ça va. On navigue sous J3 et deux ris et c’est plutôt confortable. Pour le moment, la question qui nous préoccupe avec ce safran qui s’est délaminé dans le sud de la Nouvelle-Zélande, c’est que quand nous l’avons réparé, on l’a fait sans gabarit. Il suffit que le dessin soit de quelques millimètres en dehors de la norme du safran originel pour que cela crée beaucoup de pression sur la lame. On pense que c’est de là que vient le problème. S’il n’y avait pas ces soucis de safran, ce serait génial, parce que le bateau va vraiment bien. Les manœuvres sont simples et la vie à bord facile. Mais cette histoire de safran, c’est comme avoir en permanence une épée de Damoclès au dessus de la tête.