Il y a de quoi en perdre son latin. Se retrouver presque encalminé au nord des îles Kerguelen, ou profiter des rayons du soleil et de la chaleur (relative) par 45° sud, n’est pas vraiment le lot commun des circumnavigateurs. Même les albatros ne savent plus où battre de l’aile et finissent par déserter le sillage des voiliers de la Barcelona World Race pour des contrées plus ventées. Skippers et oiseaux du large ont le même impératif : pour planer, il faut du vent. Pendant que les tandems engagés profitent de ces quelques heures de répit pour faire un ménage de printemps, finaliser quelques réparations et goûter les plaisirs culinaires, les classements jouent au yo-yo. Hier encore Neutrogena accusait 279 milles de retard sur Cheminées Poujoulat. Aujourd’hui l’écart n’est plus que 190 milles et le différentiel de vitesse est de 10 nœuds en faveur de Guillermo Altadill et José Muñoz. Renault Captur continue quant à lui de pre ndre le tableau arrière de GAES Centros Auditivos en point de mire. Le tandem franco-allemand a gagné presque 120 milles en vingt-quatre heures sur Anna Corbella et Gerard Marin. Derrière la bande des quatre, We Are Water, One Planet One Ocean & Pharmaton et Spirit of Hungary naviguent sur un tempo égal, voire supérieur à celui des leaders. Les écarts avec la tête de flotte se stabilisent.

Roulette russe météo

Après un mois de mer, les visages commencent à marquer, les corps se transforment… Chaque pause dans le rythme intense qui est celui de la course depuis le début est apprécié. Même s’ils sont des compétiteurs avant tout et qu’ils sont prêts à tout donner pour de la vitesse, ceux qui sont déjà venus dans les mers australes savent qu’il ne faut pas bouder ces instants de répit.

D’autant que la sinécure de l’océan Indien pourrait vite laisser place à un véritable enfer. En cause, deux petits c entres dépressionnaires particulièrement actifs positionnés dans l’ouest de l’Australie. Ces deux systèmes, témoignage de la fin de vie d’un cyclone tropical, pourraient venir barrer la route des deux leaders. L’idéal, pour les deux bateaux de tête, serait de pouvoir contourner ces centres dépressionnaires par le nord, afin de bénéficier de vents portants. Mais pour peu que les dépressions restent bloquées en deçà des 40e, cela signifiera des régimes de vents d’est particulièrement violents et une mer difficile à négocier entre houle générale d’ouest et vagues générées par un fetch d’est ; tout ce que déteste un IMOCA taillé pour la brise aux allures portantes. Il va donc falloir trouver la bonne trajectoire : tenter une incursion au nord pour essayer de négocier le contournement tout en essayant de ne pas trop rallonger la route. Pour ceux qui seraient venus à se plaindre d’une situation de course un peu trop figée, l es heures à venir pourraient donner du fil à retordre aux navigateurs. C’est le moment de faire tourner les routages sur les ordinateurs et de comparer les données des différents serveurs météo. Remue-méninges dans l’air…

Classement à 14h00 TU :

  1. Cheminées Poujoulat (B Stamm – J Le Cam) à 15 496,6 milles de l’arrivée
  2. Neutrogena (G Altadill – J Muñoz) à 190,1 milles
  3. GAES Centros Auditivos (A Corbella – G Marin) à 962,9 milles
  4. Renault Captur (J Riechers – S Audigane) à 1283,7 milles
  5. We Are Water (B Garcia – W Garcia) à 1900,3 milles
  6. One Planet One Ocean & Pharmaton (A Gelabert – D Costa) à 2401,1 milles
  7. Spirit of Hungary (N Fa – C Colman) à 2901,6 milles

Guillermo Altadill (Neutrogena) :

[quote]Là, nous avons du vent ainsi qu’un peu de mer, c’est une navigation plutôt rapide, c’est très bien. Quand nous nous sommes lancés dans cette Barcelona World Race, notre objectif était de finir la course sans nous arrêter. Le classement, nous nous en occuperons plus tard quand nous aurons traversé l’océan Indien et le Pacifique, que nous aurons tourné à gauche après le cap Horn. Là, seulement, nous penserons au résultat. Pour les jours à venir, des dépressions issues d’un cyclone tropical vont commencer à générer des fortes rafales, notre route va vers l’est et cela vient devant nous. Donc il va falloir bien négocier ces dépressions car cela risque d’être des conditions extrêmes au fur et à mesure qu’on s’approchera du centre. La chose la plus importante dans les prochains jours va être cette navigation entre l’anticyclone et le cyclone tropical.[/quote]

Sébastien Audigane (Renault Captur) :

[quote]Ça va bien, c’est un petit matin gris aujourd’hui, avec un peu moins de vent qu’hier. On se rapproche de l’anticyclone mais on va garder de la pression. Ça nous permet de revenir un peu sur GAES qui est devant nous. Ça met du piment dans le jeu et comme la route est très longue, si nous sommes à 200 ou 250 milles à la sortie de l’anticyclone de Mascareignes, ce sera bien. Ça nous permettra de mettre un peu de charbon dans la brise et de nous rapprocher petit à petit, c’est l’objectif. C’est la quatrième fois que je viens par ici. C’est assez clément pour l’instant, la météo est assez tranquille et l’ambiance est bonne. J’étais passé par ici en 2008 avec Groupama 3, Jacques Caraës était d’ailleurs avec nous. Nous avions fait un bord de reaching pendant douze jours dans une mer formée. On ne pouvait pas descendre plus sud car il y avait trop de vent, et trop de mer. On s’était fait fracasser dans le multicoque à ne pas savoir comment faire pour l’arrêter ou pour accélérer. C’était un enfer. On a vécu vraiment des moments difficiles. Et au final, ça s’est fini à 90 milles de la Nouvelle-Zélande, le bras était tellement abîmé qu’il a fini par casser. On est rentré en hélicoptère.[/quote]

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