« Un tiens vaut mieux que deux tu l’auras ». La morale de la fable de Jean de La Fontaine, Le Petit Poisson et le Pêcheur, sied bien à Cheminées Poujoulat. A l’heure présente, Bernard Stamm et Jean Le Cam se contentent fort bien d’avoir doublé le premier des trois grands caps du tour du monde en éclaireurs de la flotte de la Barcelona World Race. Et si leur dessein est plus grand, ils profitent de ce doux moment, partagé sous le soleil qui plus est, avant de plonger dans le pays blafard du Grand Sud. Rien n’est fait. Derrière eux, Neutrogena, qui a passé le cap de Bonne-Espérance la nuit dernière, garde le rythme et attend l’occasion de revenir.

Voilà onze jours (à l’exception d’un classement) que Bernard Stamm et Jean Le Cam ont pris les commandes, creusant inlassablement leur avantage sur Guillermo Altadill et José Muñoz. Depuis l’abandon de Hugo Boss, les deux équipages con juguent le plus grand nombre de circumnavigations, douze dont six pour le seul skipper espagnol. Autant dire que le combat qui se déroule désormais au delà du 40e parallèle promet peu de répit.

De onze à cinq

Les humeurs météorologiques ne leur en donnent guère l’occasion. Cheminées Poujoulat observe avec attention le comportement d’une zone de hautes pressions dont le centre se situe à Madagascar, et qui évolue au nord de l’archipel des Kerguelen. Elle pourrait le laisser passer. Comme elle pourrait, en prenant ses aises, fermer la porte de la route directe. Mieux alimenté par le flux d’ouest, Neutrogena semble devoir se rapprocher. Les routages de ce matin prédisaient un passage au niveau de l’île du Prince-Edouard (première île de l’océan Indien et nouveau way point) demain pour les deux concurrents, avec seulement cinq heures d’écart contre plus de onze au niveau de Bonne-Espérance.

« Un oiseau dans la main… »

Ce combat des chefs dans une mer qui va commencer à libérer sa houle, les poursuivants ne l’observent que de loin. Les Espagnols de GAES Centros Auditivos devraient atteindre le cap de Bonne-Espérance vers minuit, le duo franco-germanique de Renault Captur mercredi dans la matinée. Au grand contentement de Jörg Riechers et Sébastien Audigane, qui sont entrés à leur tour dans les 40es Rugissants, la route s’annonce directe, sans avoir besoin de flirter avec la zone d’exclusion des glaces.

Novices en ces latitudes,les Espagnols de We are Water et One Planet One Ocean & Pharmaton ne vont plus patienter longtemps avant de descendre à leur tour au delà du 40e parallèle. Un front dépressionnaire prononcé sur l’Atlantique sud, dont profitera également Spirit of Hungary, promet de les propulser vers le sud-est dès ce soir. Pour eux aussi, « un oiseau dans la main vaut mieux qu’une centaine qui volent ».

Classement à 14h00 TU :

  1. Cheminées Poujoulat (B Stamm – J Le Cam) à 17 217,4 milles de l’arrivée
  2. Neutrogena (G Altadill – J Muñoz) à 162,4 milles
  3. GAES Centros Auditivos (A Corbella – G Marin) à 605,7 milles
  4. Renault Captur (J Riechers – S Audigane) à 1066,2 milles
  5. We Are Water (B Garcia – W Garcia) à 1714,6 milles
  6. One Planet One Ocean & Pharmaton (A Gelabert – D Costa) à 2258,7 milles
  7. Spirit of Hungary (N Fa – C Colman) à 2735,8 milles

Bernard Stamm (Cheminées Poujoulat) :

« Etre leader, ça fait du bien. Maintenant cela reste virtuel. Po ur l’instant, la météo nous semble favorable. Il y a des moments où on est obligé d’attaquer pour ne pas manquer un passage météo. Là, c’est le cas. Si l’anticyclone au nord des Kerguelen décide de descendre au sud, il fermera la porte. Dans le sud, le soleil fait énormément de bien, comme aujourd’hui. Car quand il fait mauvais temps, c’est souvent sous une pluie battante, un plafond bas. Après, avoir la bonne toile au bon moment, ça réconforte également. Je ne me sens pas très bien quand il y a une mauvaise voile en place. Cela arrive quand même assez souvent car c’est une histoire de compromis. »

Guillermo Altadill (Neutrogena) :

« Ce n’était pas vraiment confortable de naviguer avec ce front dépressionnaire derrière nous et nous avons fait un drôle de zig-zag. Pour être honnête, je n’ai jamais trouvé la bonne trajectoire. J’aime aller vite mais je veux garder le contrôle du bateau. Nous essayons de naviguer avec vigilance et de pousser le bateau à une vitesse constante, sans trop accélérer. Sans quoi, vous allez vers les problèmes. La chose la plus importante est d’être dans le même système météo que Cheminées Poujoulat. Je ne veux pas pousser le bateau juste pour revenir sur eux et prendre le risque de casser quelque chose. Nous verrons si une opportunité se présente plus tard. Ce n’est pas mon obsession maintenant. »

Jörg Riechers et Sébastien Audigane (Renault Captur), par message :

« J’ai du mal à écrire car ça saute dans tous les sens. C’est un peu comme si le copilote de Sébastien Loeb se mettait à écrire des petits mots en plein rallye de montagne. Il serait peut-être malade, lui. Nous sommes dans le front froid et on avance avec juste derrière lui. Hier à la tombée de la nuit, nous avons réduit la GV a deux ris; à bon escient car le vent est monté rapidement d’un cran 35/40 nœuds. Renault Captur file au largue serré (120°twa) afin de gagner dans le sud-est le plus vite possible. Le froid envahit le bateau petit à petit et nous rajoutons des couches de polaires au fil des quarts. »

Didac Costa (One Planet One Ocean & Pharmaton) par message :

« Quand vous vous retrouvez à devoir faire avancer le bateau avec 2 nœuds de vent, la question est inévitable ; y avait-il une alternative ? La première s’impose d’elle-même ; nous aurions dû naviguer plus vite. Mais je reste convaincu que nous avons poussé le bateau aussi vite que nous le pouvions. La deuxième était de contourner cette zone de hautes pressions par l’ouest, soit 700 milles de plus. Trois jours de plus pour atteindre où nous serons demain n’aurait pas été une bonne option. Je regarde l’anémomètre : 1,8 nœud. Le log du bateau : 0,9 nœud. Dix minutes ont passé et le bateau fait du surplace. La question revi ent inlassablement : y avait-il une alternative ? »

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