Même si les records des 24h ne devraient pas tomber, force est de reconnaître qu’à bord de Cheminées Poujoulat, Bernard Stamm et Jean Le Cam ont remis du charbon. Le monocoque jaune et noir file à près de vingt nœuds de moyenne depuis plusieurs heures et creuse un écart conséquent sur ses deux adversaires directs, Neutrogena et GAES Centros Auditivos. A bord du premier, Guillermo Altadill doit trouver que la prime à l’audace ne paie pas. Son décalage plein sud devait théoriquement lui permettre de toucher des vents plus forts que son adversaire resté au nord du front qui les accompagne. Mais les affrontements de masses d’air ont parfois des logiques qui défient les raisonnements les plus élaborés. A l’arrière du front, le vent s’est écroulé et le gradient de pression tend à se desserrer. Au point que l’équipage de GAES Centros Auditivos s’est retrouvé piégé par des calmes au sein d’un paysage digne des Quarantièm es Rugissants. Pour Neutrogena qui devrait retrouver des vents d’ouest à nord-ouest d’ici quelques heures, il faudra de surcroit empanner pour rester sur un angle favorable par rapport au vent. L’addition devrait compter une bonne dizaine d’heures à la longitude de Bonne Espérance, mais Guillermo et José Muñoz savent que la route est longue et que les occasions de se refaire ne manqueront pas.

Dernière dorsale avant l’autoroute du Sud

Ce sera évidemment plus compliqué pour les quatre poursuivants encore aux prises avec la dorsale anticyclonique qui prolonge l’anticyclone de Sainte-Hélène. A bord de Renault Captur, Sébastien Audigane ne voulait pas se laisser aller à la désespérance, mais il reconnaissait malgré tout que ce serait particulièrement difficile d’aller chercher le trio de tête à la régulière. Même si leur plan Finot est à l’aise dès que la brise monte, ils savent aussi que dans les zones de tra nsition, la carène de leur bateau les pénalise par rapport aux plans Farr, plus véloces dans les vents médiums.

Seule consolation pour le tandem franco-germanique, ils devraient être les premiers à toucher de nouveau du vent, en bénéficiant d’un gradient de pression de la dorsale plus favorable dans l’est. C’est peut-être ce qui incite Nandor Fa et Conrad Colman à bord de Spirit of Hungary à mettre d’emblée de l’est dans leur route, afin de tenter de se frayer un chemin dans un petit couloir de vent entre deux bulles anticycloniques. Si ce coup-là réussit, ils pourraient établir un sérieux rapproché sur leurs deux concurrents immédiats One Planet One Ocean & Pharmaton et We Are Water, mais c’est une stratégie à haut risque quand on connaît le caractère volage des masses anticycloniques. Entre un tour de force et un tour de cochon, la principale différence, c’est la réussite.

Class ement à 14h00 TU :

  1. Cheminées Poujoulat (B Stamm – J Le Cam) à 18 969,0 milles de l’arrivée
  2. Neutrogena (G Altadill – J Muñoz) à 192,8 milles
  3. GAES Centros Auditivos (A Corbella – G Marin) à 377,7 milles
  4. Renault Captur (J Riechers – S Audigane) à 961,6 milles
  5. We Are Water (B Garcia – W Garcia) à 1201,3 milles
  6. One Planet One Ocean & Pharmaton (A Gelabert – D Costa) à 1354,3 milles
  7. Spirit of Hungary (N Fa – C Colman) à 1616,4 milles

Ils ont dit :

Sébastien Audigane (Renault Captur):

« Ce n’est pas la joie ce matin, on est retombé dans la molle. On a du mal à s’en sortir. Le vent n’est pas très loin mais c’est un peu déprimant. On n’a pas eu trop le temps de se reposer car on a eu pas mal de bricoles à faire et on avait hâte de régater. Il faut dire que notre positionnement à l’est n’arrange pas les choses. Cette position est surtout due aux réparations que l’on a dû faire. Les déboires techniques qu’on a eus, la casse du lashing de grand-voile et la réparation du rail de grand-voile nous ont pénalisés. On n’a pas pu se recaler dans l’ouest et aujourd’hui on le paie. On espérait pouvoir attraper le même système que la tête de course, mais là c’est mort. Il reste encore beaucoup de milles et la zone de restriction est parfois très nord. Sur cette route, il peut y avoir des anticyclones entre les dépressions et ça peut bloquer la tête de course, même si on n’y croit pas trop. Le bateau d’Armel est un bateau assez puissant, très différent des plans Verdier. Pour commencer à aller vite, il faut qu’il y ait du vent au portant. Il faut le faire démarrer. Dans le petit temps, le fait que le bateau soit très large derrière n’arrange pas les choses.»

Willy Garcia (We Are Water) :

« On descend vers les mers du Sud. On essaye d’attraper les vents d’ouest forts mais pour le moment on est toujours dans les petits airs en bordure des hautes pressions. On observe toujours Renault Captur devant nous, mais One Planet One Ocean n’a pas vocation à rester derrière, on doit donc surveiller notre avant comme notre arrière.

Le meilleur souvenir pour l’instant, c’est ce départ de Barcelone avec tous ces gens sur le ponton, c’était émouvant. Le pire souvenir reste la Méditerranée quand on a manqué l’occasion de partir avec les autres. On a mis un jour de plus que le gros de la flotte pour sortir de Méditerranée, c’est le pire qui nous soit arrivé depuis le début.»

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