Tout ça pour ça, serait-on tenté de dire… Après avoir navigué de conserve près de trois semaines durant, les deux équipages de tête Cheminées Poujoulat et Neutrogena ont divorcé brutalement pour se retrouver éloignés l’un de l’autre de près de 400 milles d’écart latéral. Au sud Guillermo Altadill et José Muñoz commencent à accrocher les vents d’ouest puissants propices aux records, quand au nord, Bernard Stamm et Jean le Cam continuent de progresser à bonne vitesse. Les premiers ont un déficit de plus de 150 milles à combler, quand les seconds attendent désespérément la bascule de vent qui leur permettra de mettre du sud dans leur route. A chacun son inconfort. Au final, cette première escarmouche stratégique pourrait se solder par un match nul puisque les premiers routages donnent un écart de moins de trois heures entre les deux protagonistes à la longitude du cap de Bonne Espérance. Derrière eux, l’éq uipage de GAES Centros Auditivos, Anna Corbella et Gerard Marin après avoir tenté une incursion dans le sud se sont finalement rangés au panache de fumée franco-suisse. L’essentiel pour eux est toujours d’essayer de rester dans le même système météo que la tête de course.

Deux courses dans la course

A bord de Renault Captur, on doit commencer à respirer. Jörg Riechers et Sébastien Audigane ont repris un peu de vitesse et peuvent espérer contenir le retour des deux tandems espagnols We Are Water et One Planet One Ocean & Pharmaton. Pour Aleix Gelabert et Didac Costa, le salut viendra du sud. Les deux bizuths des mers du Sud jouent leur carte sans complexe et n’ont pas hésité à mettre un peu d’ouest dans leur route pour tenter de récupérer au plus vite les systèmes dépressionnaires qui se forment aux alentours du Cabo Frio. Pendant ce temps, Spirit of Hun gary continue de combler son retard. Pointés à 400 milles du sixième, il y a de ça une semaine, ils ne sont plus qu’à 200 milles du peloton alors que l’anticyclone de Sainte-Hélène semble vouloir leur entrebâiller un passage. On risque bien d’avoir à l’entrée des mers du sud, deux groupes distincts : d’un côté les trois leaders qui pourraient encore creuser l’écart dans les prochains jours, de l’autre un peloton plus groupé que ce que l’on pouvait attendre la semaine dernière.

Records à battre ?

Enfin, les deux prochains jours pourraient voir les moyennes journalières exploser. Les concurrents entrent en effet dans une zone de navigation propice à tous les records. Dans cette partie de l’Atlantique Sud, le fetch est encore faible, compte tenu de la proximité des côtes de l’Amérique du Sud. Mer plate et ordonnée, vents puissants, ce sont les conditions idéales pour tirer le maximum des monocoques IMOCA. Ce n’est d’ailleurs pas un hasard si c’est dans ces parages que Jean-Pierre Dick et Loïck Peyron avaient battu le record absolu de distance en 24 heures sur un IMOCA avec 506 milles, avant d’en être dépossédés deux ans plus tard par François Gabart dans le Vendée Globe. Le record absolu est aujourd’hui de 545,3 milles. Aucun marin n’avouera faire une fixation sur cette distance à battre. Reste que si jamais un tandem avait l’occasion de titiller les 550 milles, il pourrait en tirer une légitime satisfaction. La barre est haute, elle n’en est que plus belle.

Classement à 14h00 TU :

  1. Cheminées Poujoulat (B Stamm – J Le Cam) à 19 378,7 milles de l’arrivée
  2. Neutrogena (G Altadill – J Muñoz) à 130,5 milles
  3. GAES Centros Auditivos (A Corbella – G Marin) à 248,1 milles
  4. Renault Captur (J Riechers – S Audigane) à 642,9 milles
  5. We Are Water (B Garcia – W Garcia) à 900,4 milles
  6. One Planet One Ocean & Pharmaton (A Gelabert – D Costa) à 1139,0 milles
  7. Spirit of Hungary (N Fa – C Colman) à 1353,2 milles

Ils ont dit :

Nandor Fa (Spirit of Hungary):

[quote]Actuellement, nous avons 21 nœuds de vent d’est. On avance à 15-16 nœuds. Ce sont des conditions d’alizé qui nous sont actuellement très favorables. On avance bien. Le bateau se comporte bien. On a toujours quelques bricoles à faire, mais il marche bien et il paraît sûr. Tout va bien.

On est dans une situation vraiment intéressante. On progresse rapidement grâce au régime d’alizés alors que les gars devant nous n’ont pas les mêmes conditions. Ils ont moins de vent et la situation météo est complexe. Tant qu’on est dans cette position, on va continuer de revenir sur eux, mais d’ici deux jours, on sera à leur place et ce sera à nous d’être en situation délicate. Combien de temps allons-nous continuer à regagner du terrain ? On ne sait jamais, c’est comme les jeux de hasard. On étudie les prévisions météo tout le temps et ce n’e st pas vraiment simple.

On ne fait pas trop attention aux autres, ils sont trop loin. Si on arrive à revenir sur eux, la compétition aura plus de saveur. En tous cas, on est vraiment content du bateau. Il reste qu’on ne le connaît pas à 100%. On le découvre de jour en jour, mais c’est encore loin d’être parfait.[/quote]

Guillermo Altadill (Neutrogena) :

[quote]En fait, nous sommes dans un système entre deux hautes pression, avec une bande de vent très étroite, plein vent arrière. J’ai vu l’opportunité de changer de système et de descendre vers le sud. Dans le système où nous étions, il n’y avait pas de possibilité de gagner dans le sud. Il fallait attendre une bascule du vent pour ça.

C’est pourquoi, j’ai décidé de prendre le risque – en fait, ce n’est pas vraiment un risque – de changer pour aller chercher la profonde dépression située dans notre sud. J’ai pensé que c’était plus sensé d’aller chercher ce nouveau système plutôt que de rester dans celui où nous étions où l’on ne pouvait faire que de l’est sans pouvoir gagner dans le sud. C’est un calcul à long terme.

La décision n’a pas été facile à prendre. On a pesé le pour et le contre longuement. On savait que Cheminées Poujoulat était plus rapide que nous au vent arrière. On pouvait rester décalé comme ça d’une vingtaine de milles ou bien jouer le grand jeu et tenter de gagner plus. On sait aussi qu’on peut perdre, mais je suis persuadé, qu’à long terme, c’est cette décision qui est la bonne.[/quote]

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