A peine tournée la page triomphale de la Route du Rhum, tout le Team Banque Populaire derrière son skipper Armel Le Cléac’h entame en ce début d’année 2015 la phase finale de la construction du Monocoque IMOCA Banque Populaire VIII. Ce plan VPLP Verdier rempli d’innovations a été conçu dans l’objectif de permettre à Armel de monter sur la plus haute marche d’un podium du Vendée Globe qu’il a à deux reprises tutoyée. Avec une mise à l’eau programmée dès mars prochain, la Banque de la Voile se donne le temps et la marge de manœuvre nécessaire pour parfaitement finaliser et mettre au point un monocoque innovant, capable de pousser un peu plus loin encore le curseur des performances autour du monde. La Transat Jacques Vabre en octobre prochain sera à cet égard le test grandeur nature idéal pour se familiariser avec une toute nouvelle manière de naviguer.

Genèse d’un défi

Armel le Cléac’h, tout le Team Banque Populaire emmené par son directeur Ronan Lucas et la Banque de la Voile ont résolument choisi très tôt, dès la seconde place du Vendée Globe 2012-2013 digérée, de débriefer et disséquer ce tour du monde express réalisé à bord d’un bateau acheté pour l’occasion. « Très vite, Armel a signifié son envie forte d’y retourner », raconte Chantal Petrachi, Directrice de la communication de Banque Populaire, « Nous avions frôlé la victoire à trois heures près avec un bateau certes abouti, mais dessiné par un autre (Michel Desjoyeaux ndlr), et l’idée de partir d’une page blanche pour créer un voilier au maximum des connaissances technologiques du moment, et parfait reflet des aspirations de notre skipper, nous a tout de suite séduits. »

Soucieux de s’associer les services des architectes les plus expérimentés, mais aussi les plus innovants du moment, le Team Banque Populaire, bien qu’alors entièrement dédié à la préparation du Maxi trimaran solo Banque Populaire VII, sollicitait les plus grands cabinets d’architectes internationaux, avant de jeter assez naturellement son dévolu sur la doublette Guillaume Verdier et Vincent Lauriot Prévost. « La situation était complexe car la jauge n’était pas encore établie », se souvient Vincent Lauriot-Prévost. « On a débroussaillé le terrain avec le Team Banque Populaire et le Team Safran pour anticiper. Dès que la jauge est sortie en décembre 2013, on était en mesure de présenter les premiers plans de forme en février 2014, avec une vision claire de la règle. Cette jauge un peu plus restrictive a été faite pour donner de la fiabilité aux bateaux en établissant des critères de sécurité pour les quilles, l’hydraulique et les mâts. On conserve une grande liberté de conception sur les carènes et les appendices, et on fiabilise les deux talons d’Achille, mât et quille », continue l’architecte.

« L’absence de victoire donnait à tout le monde envie d’y retourner, cette fois avec notre bateau. J’ai digéré le Vendée Globe, me suis projeté 4 ans plus tard, ai considéré la mesure du challenge, et tout le monde a voulu y retourner à 100% », explique Armel. « L’envie de gagner et la joie de pouvoir faire un bateau à ma main ont été deux critères décisifs. On a lancé les études, les premiers contacts. Construire était la meilleure solution, puisqu’on avait déjà fait un Vendée Globe avec un bateau acheté, c’était motivant ! »

Les choix du coeur et de la raison

C’est donc dès le lendemain de l’arrivée du Vendée Globe 2013 qu’Armel le Cléac’h et tout le Team Banque Populaire ont jeté les fondations de ce nouveau projet : « Après un débrief du Vendée Globe à chaud afin de ne rien oublier, on a pu proposer aux architectes un cahier des charges très précis avec les points positifs et négatifs de mon expérience, et tout ce qu’on devait améliorer.

On avait une histoire avec Verdier VPLP, et on l’a mis en concurrence avec d’autres, comme le cabinet Farr, et rapidement on est parti avec VPLP Verdier pour leur compétence et leur proximité, car on a besoin d’eux au quotidien. Leurs bateaux sont performants et en constante évolution. La volonté de Banque Populaire était de faire travailler un chantier français, des artisans français, et on a opté pour CDK. Et on profite là encore de l’avantage de la proximité.

On s’est rapproché de Safran pour mutualiser certaines choses, comme les outillages et le moule de coque. Les architectes nous ont présenté les évolutions de carène et les points de nouveauté sur lesquels ils travaillaient. Le moule a débuté il y a un an, soit 8 mois après le début du lancement du projet », développe le skipper.

De grands défis technologiques

La philosophie générale est de construire un bateau dédié au Vendée Globe. Les architectes ont travaillé sur les options les plus radicales en fonction des performances des routages du dernier Vendée Globe. « Plutôt que chercher la polyvalence, on a fait un bateau offrant des gains importants dans 60% du temps, et des pertes plus faibles dans 20% du temps », raconte Vincent Lauriot-Prévost.

Une étrave volumineuse, une carène puissante avec un gros couple de redressement de par la forme et la progression des volumes… ces travaux appellent assez logiquement la grande innovation du moment, l’adjonction de foils très différents de ce qu’on connait jusqu’à présent. « La grande innovation est l’arrivée de ces plans porteurs », poursuit Armel. « Les architectes nous ont proposé ces plans issus de leur expérience de la Coupe de l’America et de l’évolution de la voile en général, où les foils apparaissent partout. L’idée était d’utiliser ces nouvelles technologies pour soulager la coque à certaines vitesses, soulager et accélérer.

On a beaucoup travaillé avec le bureau d’étude et les designers, et tout le Team Banque Populaire. C’est un pari, une nouveauté majeure, très théorique au départ. On a décidé avec le Team de l’expérimenter. On a loué pour cela le Mini 6,50 N°198 de Sébastien Picot, sur lequel on a intégré trois dérives, une classique et deux à plans porteurs, pour réaliser une campagne d’essais à partir de juillet 2014, sous la supervision de Bertrand Pacé, afin de répondre à nos interrogations. C’était passionnant. La mise au point a été compliquée, et après de nombreuses évolutions, on a eu de bonnes surprises. On a choisi une des deux options proposées par les « archis ». On a remis les plans en décembre dernier pour la mise en construction. »

Un voilier plus « aérien »

« Quand on bascule la quille au vent, le voile de quille génère la portance du bateau, et pour contrecarrer la gîte, on fait intervenir des foils qui compensent la perte de puissance. On rétablit la puissance en générant de la poussée verticale. Le bateau fonctionne ainsi sur un mode plus aérien que les générations précédentes. Cela devra correspondre à des forces et angles de vent précis, que l’on rencontre assez souvent sur un Vendée Globe, et le résultat est un gain conséquent de vitesse de plusieurs nœuds. Le bateau ne sera pas plus puissant mais il naviguera de manière plus légère, avec moins de surface mouillée car sustentée par ces fameux appendices », poursuit Vincent Lauriot-Prévost.

Ergonomie : les priorités d’Armel

Autre retour d’expérience : l’ergonomie, tant du cockpit que de l’espace de vie, a fait l’objet de recherches et d’études spécifiques ; « je souhaite un cockpit protégé, et un bateau le plus sec possible », raconte le skipper de Banque Populaire, « car ces bateaux sont très humides, et sujets aux embruns et aux paquets de mer. Lors d’un tour du monde, il importe de pouvoir manœuvrer de manière protégée par une casquette coulissante, avec un poste de barre ergonomique et une bonne position offrant une bonne vision. Pouvoir barrer longtemps peut faire la différence malgré les performances des pilotes automatiques, comme on l’a vu sur le final du Vendée Globe 2013. »

Un intérieur minimaliste…

« J’ai beaucoup rogné sur le confort intérieur. Il faut gagner en légèreté dans l’espace de vie. Il faut aussi favoriser le matossage* du matériel de manière simple. On reprend les choses validées sur l’ancien bateau. On optimise l’électronique et l’informatique, tous les postes intérieurs, les systèmes d’énergie… On essaie des nouveautés, comme un nouveau concept de taquets, en sachant que dans un an, on pourra revenir sur nos décisions d’aujourd’hui… Notre timing est cohérent pour pouvoir naviguer très tôt, en course et en test », ajoute Armel Le Cléac’h

La Transat Jacques Vabre avec Erwan Tabarly

La Transat Jacques Vabre en octobre prochain, avec son parcours qui épouse mille pour mille la trajectoire des premiers jours du Vendée Globe jusqu’au Brésil, sera le galop d’essai idéal pour Armel. C’est Erwan Tabarly qui partagera la barre du Monocoque IMOCA Banque Populaire VIII, un choix aisément justifié : « Je le connais depuis longtemps. Nous sommes de la même génération. Nous avions fait une Solo Télégramme ensemble et étions tous deux « Bizuths » sur le Figaro en 2000. Il a une grosse expérience de la course au large. Il est très fort physiquement, avec beaucoup de foncier, et c’est un gars très sympa. Je souhaitais quelqu’un avec qui je n’ai jamais navigué. Erwan connaît bien l’équipe. Il peut m’apporter un nouveau regard sur ma manière de naviguer. »

Programme 2015 (non définitif)

  • Fin mars : mise à l’eau
  • Avril : découverte, mise au point
  • Du 1er au 4 mai : Grand Prix Guyader en équipage
  • Du 19 au 23 juin : Record SNSM
  • Juin : stages IMOCA à Port-la-Forêt
  • Juillet : chantier
  • Fin juillet : remise à l’eau
  • 16 aôut : Rolex Fastnet Race en double

Source

Articles connexes