Quelle intensité ! Quelle bagarre ! A chaque relevé de position, le classement change. Lors des derniers pointages, Altair semblait bien accroché à la première place, en réel et en compensé. Badaboum ! Au dernier relevé, Amazon a repris la tête de la course, devant Altair, Adventuress et Faïaoahé, mais en compensé c’est désormais Adventuress, la vieille Dame de la course, construite en 1924, qui mène le bal devant Gweneven et Argyll, des places occupées il y a peu par Desiderata et Vagabundo II. Tous les équipages s’accrochent, dans des conditions souvent âpres, mais avec un immense plaisir lorsque l’on s’attache aux messages reçus.

Une entrée en matière musclée

Le rythme de la course semble désormais installé avec ses changements de quarts réguliers, ses manœuvres de voiles incessantes pour rester dans la partie, ne rien céder aux autres, et ses moments de partage, souvent aux heures des repas. Un constat que l’on trouve dans le message de Gweneven : « Dure nuit ! 33 nœuds établis, rafales à 38, mer qui déferle : une nuit sportive sous génois tangonné. Au petit matin, un voilier a l’AIS, c’est Corto qui nous croise à 1 mille avec tout le monde sur le pont. Depuis des heures, ils ne naviguent pas si loin. On doit trouver le rythme et le souffle dans cette route du Sud pas si calme. Depuis 3h, les grains s’enchaînent… Encore une nuit pas si calme en perspective. Bises. Oren ».

Les « petits » de la flotte ont en effet parfois le sentiment de vivre dans le tambour d’une machine à laver, mais, comme le confirme Emmanuel Fontaine, dit Manu, sur Argyll, le moral est au top : « Bonjour François et toute l’équipe de la Transat. Après cette entrée en matière musclée, nous approchons du 20e Ouest et la mer commence à s’ordonner ! La nuit dernière a été un peu chaotique, mais ça allait vite tout de même. Nous avons beaucoup manœuvré depuis le départ. Aujourd’hui, rangement, manger, dormir ! Tout va bien, Argyll est en parfait état. Le ciel est nuageux avec 25 nœuds et une mer de 2,50 à 3 m. Nous pensons à tous les bons moments passés avec vous et à l’accueil de Lanzarote ! Bises de Sabine, Paola, Laurence, Remi, Alex, Simon, Emmanuel. PS : J’ai entendu dire que l’on avait un prix pour le parcours spectacle ? » Oui Manu, Argyll a en effet remporté le Trophée Lanzarote attribué au premier bateau arrivé à la deuxième bouée du départ.

Le bel accueil de Lanzarote

Dans son message suivant, Manu rapporte que les conditions s’arrangent peu à peu, avec une mer devenue « maniable ». Avec le maximum de voilure, les surfs à 12 nœuds se succèdent et, avec de telles performances, chaque classement est attendu avec impatience. D’autant que ce calme relatif revenu, la nuit apporte du réconfort après la fatigue accumulée et que, dans la journée, la température remonte. Et de conclure : « On a le moral au beau fixe surtout que la course devient intéressante. »

Ce plaisir de la navigation existe aussi sur les grands bateaux et le message reçu d’Altair, imposante goélette avec ses 40,78 m de longueur hors-tout, laisse transparaître toute la jubilation de l’équipage : « La nuit, nous naviguons sous la lune. Le quart précédent a affalé la voile de flèche dans un grain avec des rafales à 46 nœuds ! Nous savourons de naviguer dans le 20e parallèle avec une large palette de combinaisons de voile, le luxe d’être sur une goélette avec une garde-robe aux options multiples. L’équipage d’Altair, surtout les équipiers permanents, souhaite dire combien il s’est senti bien accueilli à Lanzarote. Nous y avons pris beaucoup de plaisir et tout le monde, au port et dans les restaurants de la marina, était si amical. Le personnel de la marina et vous tous dans l’équipe d’organisation avez été, et continuez d’être, un fantastique groupe de professionnels, mais aussi drôles. Je pense que nous pouvons parler au nom de toute la flotte et vous remercier pour votre intense travail à monter cette organisation. Nous sommes 16 à bord d’Altair et tous nous avons le sourire d’avoir l’opportunité de participer à cette course. […] Nous avons apprécié ce premier après-midi et la navigation entre les îles. Tous ces bateaux réunis, c’était magnifique et il faut remercier Panerai pour cela. Nous avons le propriétaire et sa famille à bord : ils ont savouré chaque minute de ce premier jour et continuent ainsi. »

Merci, Stephane pour ces compliments qui font chaud au cœur. A bord d’Adventuress aussi, la mer a imposé son rythme de vie et Jeremiah Bailey, l’un des équipiers de Seth Salzmann, le capitaine, laisse exploser tout son lyrisme dans le dernier message envoyé. Pour ne pas dénaturer sa poésie et son enthousiasme, son texte est à lire en intégralité dans la page Words of the sea du site www.paneraitransatclassique.com, dans sa version anglaise.

Pour les jours qui viennent, les options de course vont commencer à livrer leur verdict, avec des prises de position extrêmes entre Amazon et Faïaoahé bien accrochés sur la route Nord, la plus proche de l’orthodromie (la route la plus courte, qui suit la courbure terrestre), et Altair descendu au Sud de toute la flotte. Au milieu, les plus petites unités tiennent le rythme, sans doute aidé par leur plus forte capacité, étant plus légères, à surfer sur la grande houle des alizés. Qui va prendre l’avantage ? Quels sont ceux qui vont commencer à craquer ? Où se trouve la vérité ? Pour le moment chacun joue ses cartes avec application et le suspens reste total.

Les mots de la mer 

Stephane Benfield, Altair

« […] Parlons navigation. Quel départ fantastique et quel spectacle de voir tous les bateaux déboulant le long de la côte ce premier après-midi, personne d’entre nous ne sachant ce que les autres allaient faire. Compliment à Corto pour avoir respecté leur plan et partir seul à l’Est de Fuerteventura (En fait, rejoint par Argyll, ndlr). […] Nous nous sommes éloignés des îles avec plusieurs empannages la première nuit. Nous étions tous avides d’océan. Nous avons une navigation spectaculaire sur notre goélette, poussant le bateau jusqu’à 16 nœuds avec le bois qui travaille, qui en demande encore plus ou simplement qui hurle !
Après 30 heures de course, la nuit dernière, l’élégante Adventuress est passée à 4 milles sur notre arrière, hélas de nuit et hors de vue, mais si proche après tant de temps. Ils vont certainement nous donner à réfléchir. C’était si incroyable de voir toute la flotte si proche la première nuit, mais avec les relevés de position d’aujourd’hui on voit qu’elle s’étale déjà sur presque 200 milles.
Nous avons encore tant de milles à parcourir et nous sommes impatients d’entendre les histoires de la flotte. A suivre… »

Rémy Gérin, Faïaoahé

« Beaucoup de premières à bord de Faïaoahé aujourd’hui : première douche chaude (elle fait du bien celle là) ; première salade de chou (celle là, elle va se présenter à peu près tous les jours) ; premier pain fait à bord, et toujours la même chose : 1h d’odeurs à l’intérieur, puis une bande de gloutons qui le descende en 5mn (bon, c’est clair qu’on va en faire tous les jours) ; premier grain humide, avant goût de la suite des événements.
Et toujours ce flux de NNE soutenu, 25 à 30 nœuds bien établis. Grand voile 1 ris le jour, 2 ris la nuit, yankee (+ trinquette en fonction de la pression). La mer est moins désordonnée et prend franchement une belle tête de grande houle atlantique (4 à 5 m je pense, et ça déferle joliment de temps à autre sur la plage arrière). Un nouveau record de vitesse: 14,4 nœuds, Alex sur un surf (enfin disons dans une descente de vague, les 30 t ont objectivement un peu de mal à planer…). […]
Bon, sur ce, nous on va continuer à faire avancer le bateau. Sommes en 3ème place au pointage de 13h, derrière Altair et Amazon. Bizarre (certes, nous avons de bons barreurs et une belle tactique), nous sommes en effet repassés devant Adventuress (goélette d’une trentaine de mètres). Sans grande illusion sur la pérennité de cette situation…
Allez, bon week-end à tous, et bon, recueillement pour ceux qui seront Charlie dans Paris.
10/F77* au top de la forme, dans cette mer très formée, au delà du 21°W. »

*Nombre d’équipiers/Numéro de voile de Faïaoahé

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